Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 27 novembre 2001 et 27 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société ENTREPRISE HEMERY FRERES, dont le siège est Bosc-Roger-en-Roumois, à Bosnormand (27670), représentée par son gérant en exercice ; la société ENTREPRISE HEMERY FRERES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 27 septembre 2001 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a annulé, à la demande de l'Association de défense de l'environnement du Roumois, un jugement du tribunal administratif de Rouen du 29 mai 1998 et un arrêté du préfet de l'Eure du 27 mai 1994, autorisant la société HEMERY FRERES à poursuivre son exploitation de fabrication de charbon de bois à Bosnormand (Eure) ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la société ENTREPRISE HEMERY FRERES et de Me Jacoupy, avocat de l'Association de défense de l'environnement du Roumois,
- les conclusions de M. Guyomar, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un mémoire enregistré au tribunal administratif de Rouen le 16 octobre 1997, la société ENTREPRISE HEMERY FRERES a opposé à la requête de l'Association de défense de l'environnement du Roumois une fin de non recevoir tirée de la tardiveté de la requête ; que la cour administrative d'appel de Douai devait, avant d'examiner le bien fondé de la requête de l'association et dès lors qu'elle entendait lui donner satisfaction, statuer sur cette fin de non-recevoir, à laquelle la société n'avait pas renoncé en appel ; qu'en omettant de se prononcer sur cette fin de non recevoir, la cour a entaché son arrêt d'irrégularité ; qu'il y a lieu, pour ce motif, d'en prononcer l'annulation ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'étude d'impact établie par la société préalablement à l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 mai 1994 comprend une analyse complète de l'impact de son activité sur l'air et décrit les mesures envisagées pour réduire cet impact ; qu'un tableau retrace, de manière synthétique, la situation avant la mise en service de l'installation, ses caractéristiques principales et les mesures prises par la société ; que les informations contenues dans cette note ne sont pas entachées d'inexactitude ; que, par suite, l'étude d'impact ne peut être regardée comme irrégulière ;
Considérant que, si l'association requérante fait valoir que le rapport du commissaire enquêteur serait également irrégulier, il résulte de l'instruction que ce document, établi le 26 janvier 1994, retrace avec précision les observations formulées au cours de l'enquête publique ; qu'il n'avait pas à répondre à chaque observation ; que les différentes nuisances générées par l'activité de la société ont été analysées dans le rapport ; que, par suite, le moyen tiré de son insuffisance ne peut qu'être écarté ;
Considérant que la circonstance que le conseil départemental d'hygiène de l'Eure ait procédé à l'audition, lors de sa séance du 10 mars 1994 au cours de laquelle a été examiné le dossier de la société ENTREPRISE HEMERY FRERES, de plusieurs personnes, dont le maire de la commune de Bosc-Roger-en-Roumois, également conseiller général du canton dans lequel se trouve la société, qui n'ont pas participé aux délibérations, est sans incidence sur la régularité de la procédure ; que, si la société a indiqué, dans le courant de la réunion, que seize personnes étaient employées sur le site, alors que seules huit personnes étaient effectivement ses salariés, huit autres intervenant dans le cadre d'une sous-traitance, cette imprécision n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la délibération du conseil départemental d'hygiène de l'Eure du 10 mars 1994 ;
Considérant que si l'association invoque la méconnaissance, par l'arrêté du 27 mai 1994 du préfet de l'Eure, des dispositions de l'arrêté du 25 janvier 1991 relatif aux installations d'incinération de résidus urbains, il ressort des termes mêmes de cet arrêté, et notamment de l'article 1er de son annexe, que ce texte n'est pas applicable à une fabrique de charbon de bois telle que celle exploitée par la société ENTREPRISE HEMERY FRERES ; que le moyen est par suite inopérant ;
Considérant que si l'Association de défense de l'environnement du Roumois soutient que l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 27 mai 1994 n'imposerait pas de prescriptions suffisantes pour préserver les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, il résulte au contraire de l'instruction que cet arrêté est assorti de nombreuses prescriptions relatives, en particulier, à la prévention de la pollution de l'air, des risques et des nuisances sonores ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté attaqué des dispositions de la loi du 19 juillet 1976 relative aux installations classées pour la protection de l'environnement, désormais codifiées dans le code de l'environnement, doit être écarté ; qu'il résulte enfin de l'instruction que l'exploitation de la société ENTREPRISE HEMERY FRERES a pris, depuis 1994 et notamment par l'acquisition de fours neufs, des dispositions qui lui permettent, contrairement à ce que soutient l'association, de respecter les prescriptions prévues par l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 mai 1994 ; qu'il appartient, le cas échéant, à l'association, si elle s'y croit fondée, de demander à l'administration compétente de veiller à ce que ces prescriptions soient effectivement respectées par l'exploitant ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la société ENTREPRISE HEMERY FRERES, que l'Association de défense de l'environnement du Roumois n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure du 27 mai 1994 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que la société ENTREPRISE HEMERY FRERES, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à verser à l'Association de défense de l'environnement du Roumois la somme qu'elle demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a, en revanche, lieu de condamner l'association à verser à la société ENTREPRISE HEMERY FRERES une somme de 2 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai en date du 27 septembre 2001 est annulé.
Article 2 : La requête de l'Association de défense de l'environnement du Roumois devant la cour administrative d'appel de Douai est rejetée.
Article 3 : L'Association de défense de l'environnement du Roumois versera à la société ENTREPRISE HEMERY FRERES une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de l'Association de défense de l'environnement du Roumois présentées au même titre sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société ENTREPRISE HEMERY FRERES, à l'Association de défense de l'environnement du Roumois et au ministre de l'écologie et du développement durable.