Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 janvier et 30 avril 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Josef X..., ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir le décret du 30 août 2001 accordant son extradition aux autorités slovaques pour l'exécution d'un mandat d'arrêt délivré le 23 mars 1998 par le président de la chambre criminelle du tribunal d'arrondissement de Liptovsky Mikulas (Slovaquie) pour des faits d'escroquerie et de conduite en état alcoolique ;
2°) condamne l'Etat à verser à la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, la somme de 1 500 euros pour les frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la note en délibéré présentée pour M. X... ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957 ;
Vu le code pénal ;
Vu la loi du 10 mars 1927 relative à l'extradition des étrangers ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Vidal, Conseiller d'Etat ;
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X...,
- les conclusions de Mme Prada Bordenave, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le décret du 30 août 2001, accordant l'extradition de M. X... aux autorités slovaques, mentionne les infractions reprochées à l'intéressé ; qu'il énonce que les faits, dont une présentation détaillée ne s'imposait pas, répondent aux exigences de l'article 2 de la convention européenne d'extradition du 13 décembre 1957, sont punissables en droit français et ne sont pas prescrits ; qu'ainsi, il est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'extradition, présentée par les autorités slovaques le 15 septembre 2000, était accompagnée, d'une part, d'une expédition authentique du mandat d'arrêt délivré le 23 mars 1998 par le président de la chambre criminelle du tribunal d'arrondissement de Liptovsky-Mikulas pour des faits d'escroquerie et de conduite en état alcoolique, lequel exposait ces faits de manière précise et, d'autre part, d'une copie des dispositions légales applicables en République slovaque ; que, par suite, cette demande respectait les stipulations de l'article 12 de la convention européenne d'extradition ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les faits qualifiés de tromperie dans la législation pénale de la République slovaque relèvent de l'incrimination d'escroquerie prévue et réprimée tant par les dispositions de l'article 405 du code pénal français, applicables à la date à laquelle ils ont été commis, que par celles de l'article 313-1 de ce code en vigueur à la date du décret attaqué ; que, dès lors, le Gouvernement n'a pas méconnu le principe de la double incrimination énoncé au 1 de l'article 2 de la convention européenne d'extradition ;
Considérant qu'aux termes des réserves et déclarations émises par le Gouvernement de la République française lors de la ratification de la même convention : "S'agissant des personnes poursuivies, l'extradition ne sera accordée que pour les faits punis par la loi française et par la loi de l'Etat requérant d'une peine ou mesure de sûreté privative de liberté d'un maximum d'au moins deux ans" ; que, cependant, aux termes du 2 de l'article 2 de ladite convention : "Si la demande d'extradition vise plusieurs faits distincts punis chacun par la loi de la Partie requérante et de la Partie requise d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté privative de liberté, mais dont certains ne remplissent pas la condition relative au taux de la peine, la Partie requise aura la faculté d'accorder également l'extradition pour ces derniers" ; qu'ainsi, M. X..., dont l'extradition a été accordée pour des faits d'escroquerie justiciables, tant selon la législation slovaque que selon la législation française, d'une peine d'un taux supérieur à celui qui est prévu par les dispositions précitées, pouvait être également extradé pour des faits de conduite en état alcoolique, bien que ceux-ci ne soient punissables, d'après la loi slovaque, que d'une peine d'un an de privation de liberté ;
Considérant qu'aux termes de l'article 10 de la même convention : "L'extradition ne sera pas accordée si la prescription de l'action ou de la peine est acquise d'après la législation soit de la Partie requérante, soit de la Partie requise" ; qu'il ressort des pièces du dossier que la prescription triennale applicable en droit pénal français comme en droit slovaque aux infractions d'escroquerie commises par le requérant entre le 17 avril 1990 et le 28 mai 1992 a été interrompue par plusieurs actes, notamment un procès-verbal de "vaines recherches" dressé le 27 octobre 1992, un mandat d'arrêt établi le 1er décembre 1994, un acte de poursuite rédigé le 20 mars 1995, une audition de témoin du 25 septembre 1995 et un mandat d'arrêt décerné le 23 mars 1998 ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, la prescription n'était pas acquise le 15 septembre 2000, date de présentation de la demande d'extradition ;
Considérant que, si le décret attaqué est susceptible de porter atteinte au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette mesure trouve, en principe, sa justification dans la nature même de la procédure d'extradition qui est de permettre, dans l'intérêt de l'ordre public et sous les conditions fixées par les dispositions qui la régissent, tant le jugement de personnes résidant en France qui sont poursuivies à l'étranger pour des crimes et des délits commis hors de France que l'exécution, par ces personnes, des condamnations pénales prononcées contre elles à l'étranger pour de tels crimes ou délits ;
Considérant que, si M. X... prétend qu'il courrait des risques pour sa sécurité s'il devait revenir en République slovaque, il n'apporte pas de justifications suffisantes au soutien de ses allégations ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation du décret du 30 août 2001 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer la somme que la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. X... demande, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, pour les frais que le requérant aurait exposés s'il n'avait pas bénéficié de l'aide juridictionnelle ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Josef X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.