Vu, 1°), sous le n° 230160, la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 9 février 2001, présentée par la COMMUNE DE VAL D'ISERE, représentée par son maire en exercice, habilité à cet effet par une délibération du conseil municipal du 18 janvier 2001 ; la COMMUNE DE VAL D'ISERE demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 6 décembre 2000 portant création de la réserve naturelle de Bailletaz ;
Vu, 2°), sous le n° 230161, la requête enregistrée le 9 février 2001, présentée par l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE, dont le siège est chez Mme Martine X..., , représentée par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège ; l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir le décret du 6 décembre 2000 portant création de la réserve naturelle de Bailletaz ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la Constitution du 4 octobre 1958 ;
Vu le code de l'environnement ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Legras, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre un même décret ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la légalité externe :
Considérant que le décret attaqué du 6 décembre 2000 portant création de la réserve naturelle de la Bailletaz n'avait pas à être contresigné par le ministre de l'intérieur qui, s'il avait été associé à la préparation de ce décret, n'avait pas compétence pour signer ou contresigner des mesures réglementaires ou individuelles impliquées par son exécution ;
Considérant que contrairement à ce que soutient l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE, les dispositions de l'article R. 242-11 du code rural n'imposent pas qu'un décret de classement précise la qualité des ministres qui ont été consultés préalablement à son adoption ; qu'ainsi le fait que le décret attaqué, qui vise l'avis des ministres intéressés, n'indique pas que le ministre de la défense et le ministre chargé de l'aviation civile ont donné leur accord au classement de la Bailletaz est sans influence sur sa légalité ; qu'il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que l'accord de ces deux ministres a bien été donné ;
Considérant que la COMMUNE DE VAL D'ISERE soutient que la procédure de classement est entachée d'irrégularité en tant que les trois propriétaires de la parcelle cadastrée C 459, incluse dans le périmètre de la réserve, n'ont pas été consultés et que l'acte de classement ne leur a pas été notifié ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des dispositions législatives et réglementaires applicables au classement de territoires en réserves naturelles, et notamment de celles des articles L. 332-2 du code de l'environnement et R. 242-2 à R. 242-5 du code rural, que dès lors que le classement fait l'objet d'une enquête publique et qu'il est prononcé par décret en Conseil d'Etat, le consentement des propriétaires n'est pas nécessaire ;
Considérant d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 332-2 du code de l'environnement , la décision de classement en réserve naturelle "(.) est prononcée par décret, après consultation de toutes les collectivités locales intéressées. / A défaut du consentement du propriétaire, le classement est prononcé par décret en Conseil d'Etat" ; que l'article R. 242-3 du code rural dispose que : "Le projet de classement est soumis par le préfet à une enquête publique dans les formes prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique (.)" ; que l'article R. 242-5 du même code prévoit que : "Les propriétaires intéressés et les titulaires de droits réels peuvent faire connaître leur opposition ou leur consentement au classement, soit par une mention consignée sur le registre d'enquête, soit par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au préfet ou au sous-préfet et qui doit lui parvenir, pour être recevable, au plus tard le vingtième jour suivant la date de clôture de l'enquête./ Le propriétaire ou le titulaire de droits réels est réputé avoir tacitement consenti au classement lorsque, ayant reçu notification à sa personne de l'arrêté du préfet de mise à l'enquête et d'une lettre précisant les numéros de ses parcelles concernées par l'opération et lui indiquant que, faute de réponse dans le délai prévu à l'alinéa précédent, son silence vaudra consentement, il n'a pas répondu dans ce délai" ; qu'il ressort de l'ensemble de ces dispositions que le second alinéa de l'article R. 242-5 ne prévoit une notification au propriétaire qu'à seule fin de faire courir le délai au terme duquel, à défaut de réponse de sa part, son consentement sera réputé acquis et ne fait pas de cette notification une formalité obligatoire dans le cas où la réserve est créée par décret en Conseil d'Etat ; qu'il s'ensuit que la seule circonstance que cette notification n'ait pas été faite aux propriétaires de la parcelle C 459 est sans influence sur la légalité du décret attaqué ; que, par ailleurs, ce défaut de notification ne porte pas par lui-même atteinte au droit à indemnisation des propriétaires dans les cas prévus par l'article L. 332-5 du code de l'environnement ;
Considérant que l'article L. 332-1 du code de l'environnement, qui précise les objectifs d'un classement en réserve naturelle, n'impose pas que l'acte de classement mentionne les motifs qui justifient la création d'une réserve naturelle ; qu'ainsi le moyen tiré par l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE de ce que le décret attaqué serait illégal en tant qu'il ne préciserait pas la nature des intérêts environnementaux que le classement de la Bailletaz vise à protéger doit être rejeté ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-3 du code de l'environnement, l'acte de classement "peut soumettre à un régime particulier et, le cas échéant, interdire à l'intérieur de la réserve toute action susceptible de nuire au développement naturel de la faune et de la flore et, plus généralement, d'altérer le caractère de ladite réserve (.)" et qu'il "tient compte de l'intérêt du maintien des activités traditionnelles existantes dans la mesure où elles sont compatibles avec les intérêts définis à l'article L. 332-1" ; que la COMMUNE DE VAL D'ISERE soutient que l'article 9 du décret attaqué, qui prévoit que le préfet pourra réglementer les activités forestières, agricoles ou pastorales "après avis du comité consultatif, compte tenu des objectifs de gestion de la réserve", méconnaît ces dispositions par son caractère trop vague et par "le pouvoir discrétionnaire" qu'il confère au préfet ; que, toutefois, tant l'article 9 du décret attaqué que les autres dispositions de son chapitre III "Réglementation de la réserve naturelle" font application du premier alinéa de l'article L. 332û3 ; que le moyen tiré de ce que l'article 9 du décret ne serait pas suffisamment précis et serait, par suite, entaché d'une subdélégation illégale doit donc être rejeté ; que, par ailleurs, si la commune soutient que le décret attaqué ne prend pas en compte l'intérêt du maintien des activités traditionnelles, elle n'assortit pas ce moyen des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
Considérant que l'article R. 242-18 du code rural prévoit que : "Le ministre chargé de la protection de la nature fixe, le cas échéant, les modalités de gestion administrative de la réserve naturelle et de contrôle du respect des prescriptions contenues dans l'acte de classement ainsi que les concours techniques et financiers de l'Etat. / Il peut, à cet effet, passer des conventions avec les propriétaires des terrains classés, des associations régies par la loi du 1er juillet 1901, des fondations, des collectivités locales ou des établissements publics" ; qu'il ressort des termes mêmes de cet article que le décret attaqué n'avait pas nécessairement à fixer le montant et la nature des concours financiers et techniques de l'Etat ; que, par ailleurs, contrairement à ce que soutient la COMMUNE DE VAL D'ISERE, les dispositions précitées ne prévoient l'intervention du ministre chargé de la protection de la nature que dans la mesure où le décret créant celle-ci n'a pas confié à une autre autorité administrative compétence sur ce point et ne font ainsi nullement obstacle à ce que le décret de classement charge le préfet de passer convention avec l'une des personnes morales mentionnées au second alinéa de l'article R. 242-18 ;
Considérant que si l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE soutient que la protection de la flore était suffisamment assurée par l'arrêté du préfet de Savoie du 12 mai 2000 de protection du biotope sur les sites floristiques les plus remarquables de la réserve de l'Iseran et qu'il n'y avait donc pas lieu de créer la réserve de la Bailletaz, il ressort des pièces du dossier que cette réserve naturelle permettra de protéger une zone de montagne de grand intérêt biologique, fréquentée par de nombreuses espèces dont certaines sont menacées ; que toutes les instances, collectivités et administrations consultées ont d'ailleurs émis un avis favorable à sa création ; que, dans ces conditions, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision de créer la réserve de la Bailletaz serait entachée d'erreur d'appréciation ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les mesures d'interdiction prévues par le décret, et notamment l'interdiction de toute circulation et de toute activité de type commercial ou industriel, sont nécessaires à la préservation du site classé ; qu'ainsi l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE n'est pas fondée à soutenir que les sujétions imposées par le décret seraient disproportionnées par rapport aux objectifs du classement ;
Considérant que les requérantes soutiennent que le décret attaqué est illégal en tant que sont inclus dans le périmètre de la réserve des territoires couverts par le plan d'intervention pour le déclenchement des avalanches, dont les mesures ne pourraient, en conséquence, être mises en oeuvre ; que les dispositions du décret attaqué ne font toutefois pas obstacle, par elles-mêmes, à la mise en oeuvre des pouvoirs de police du maire qui peut notamment donner lieu au déclenchement préventif d'avalanches pour assurer la sécurité des zones menacées ;
Considérant qu'en vertu de l'article 11 du décret attaqué, "Les travaux d'amélioration ou de construction de nouveaux équipements destinés à la sécurisation restent soumis à autorisation ministérielle" ; qu'il s'ensuit que l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE n'est pas fondée à soutenir que le décret attaqué empêcherait la mise en place de nouveaux dispositifs de protection et de sécurisation ;
Considérant que si l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE fait valoir que le décret attaqué ne serait que la contrepartie du déclassement de la réserve naturelle de l'Iseran, il ressort des pièces du dossier que le classement de la Bailletaz a été décidé dans l'intérêt de la protection de la faune et de la flore de montagne, conformément aux dispositions de l'article L. 332-1 du code de l'environnement et qu'il n'est entaché ni d'un détournement de procédure, ni d'un détournement de pouvoir ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE VAL D'ISERE et l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE ne sont pas fondées à demander l'annulation du décret du 6 décembre 2000 portant création de la réserve naturelle de la Bailletaz ;
Article 1er : Les requêtes susvisées de la COMMUNE DE VAL D'ISERE et de l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE VAL D'ISERE, à l'ASSOCIATION DES MONTAGNARDS DE LA VANOISE, au Premier ministre et au ministre de l'écologie et du développement durable.