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06/12/2002 | FRANCE | N°237518

France | France, Conseil d'État, 6 / 4 ssr, 06 décembre 2002, 237518


Vu la requête, enregistrée le 22 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Daniel X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois par le garde des sceaux, ministre de la justice, à la suite de sa demande de réintégration dans le premier grade de la hiérarchie du corps judiciaire présentée le 26 mars 2001 ;
2°) d'annuler la décision confirmative du 15 juin 2001 du garde des sceaux, ministre de la justice ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser

une somme de 10 000 F (1 524,39 euros) au titre des frais exposés et non com...

Vu la requête, enregistrée le 22 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Daniel X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant plus de deux mois par le garde des sceaux, ministre de la justice, à la suite de sa demande de réintégration dans le premier grade de la hiérarchie du corps judiciaire présentée le 26 mars 2001 ;
2°) d'annuler la décision confirmative du 15 juin 2001 du garde des sceaux, ministre de la justice ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 10 000 F (1 524,39 euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu les notes en délibéré, présentées par M. X... les 13 et 14 novembre et le 2 décembre 2002 ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'au mois de juin 1988, M. X..., alors premier substitut du procureur de la République auprès du tribunal de grande instance d'Auxerre, a emprunté à M. Y... une somme de 150 000 F qu'il s'engageait à rembourser avant le 31 décembre 1988 ; qu'il n'est pas contesté que cette somme provenait en réalité d'un prêt de l'entreprise locale MBPM, le directeur général de celle-ci, M. Z..., ayant émis au nom de l'entreprise un chèque du même montant à l'ordre de M. Y... ; que M. X... n'a procédé au remboursement de cette somme qu'en 1993, après avoir été inculpé de recel d'abus de bien social ; que, par un jugement du 11 janvier 1995, le tribunal correctionnel de Dijon a condamné M. X... à 30 000 F d'amende pour recel d'abus de pouvoirs ; que, le 23 juin 1995, le garde des sceaux, ministre de la justice, a ordonné la rétrogradation de M. X..., assortie d'un déplacement d'office, au motif qu'il avait, par son comportement, " créé volontairement une situation dans laquelle pouvaient être suspectées sa probité et son indépendance par rapport à une société commerciale de son ressort ", et qu'il avait ainsi " gravement affecté l'image du service public de la justice " ;
Considérant qu'à la suite de l'arrêt du 14 mars 2002 par lequel la cour d'appel de Dijon l'a relaxé pour l'ensemble des faits pour lesquels il était poursuivi, M. X... a demandé au garde des sceaux, ministre de la justice, de le réintégrer dans son grade ;
Considérant que la personne qui a fait l'objet d'une sanction disciplinaire a droit à ce que sa situation soit réexaminée en vue, notamment, de sa réintégration dans son grade, lorsque les faits qui ont motivé la sanction et qui avaient fait l'objet de poursuites pénales ont donné lieu à un jugement de relaxe ; que, toutefois, l'arrêt du 14 mars 2002 de la cour d'appel de Dijon relaxant M. X... ne met pas en doute la matérialité des faits reprochés à l'intéressé, mais se prononce exclusivement sur leur qualification au regard du droit pénal ; qu'il ressort des termes mêmes de la décision du 23 juin 1995 du garde des sceaux, ministre de la justice, prononçant la rétrogradation et le déplacement d'office de M. X... qu'elle n'est pas fondée sur la qualification qu'auraient pu recevoir les faits qui lui étaient reprochés, sur laquelle elle ne se prononce d'ailleurs pas, mais sur le comportement même de l'intéressé qui était de nature à porter la déconsidération sur le service public de la justice et pouvait légalement justifier une sanction disciplinaire ; qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé à soutenir que le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait dû procéder à un nouvel examen de sa situation à la suite de l'arrêt qui l'a relaxé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a refusé de le réintégrer dans le premier grade de la hiérarchie judiciaire ;
Sur les conclusions tendant à ce que le Conseil d'Etat reconnaisse à M. X... le bénéfice de l'amnistie prévue par la loi du 3 août 1995 :
Considérant qu'aux termes de l'article 16 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie : "Les contestations relatives au bénéfice de l'amnistie des sanctions disciplinaires ou professionnelles définitives sont portées devant l'autorité ou la juridiction qui a rendu la décision. L'intéressé peut saisir cette autorité ou juridiction en vue de faire constater que le bénéfice de l'amnistie lui est effectivement acquis. En l'absence de décision définitive, ces contestations sont soumises à l'autorité ou à la juridiction saisie de la poursuite" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, hormis le cas, qui n'est pas celui de l'espèce, où l'application de la loi d'amnistie rendrait la requête sans objet, il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'une requête tendant à l'annulation d'une sanction, de connaître directement de conclusions tendant à ce qu'il constate que le bénéfice de l'amnistie est effectivement acquis ; que de telles conclusions doivent d'abord être portées devant l'autorité administrative qui a prononcé la sanction ; que seule la décision de rejet prise par cette autorité peut être déférée au juge de l'excès de pouvoir ; que M. X... n'ayant présenté aucune demande en ce sens à l'administration, les conclusions par lesquelles il demande au Conseil d'Etat de constater qu'il doit bénéficier de la loi d'amnistie sont irrecevables ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Daniel X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-09-03-01 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - DISCIPLINE - MOTIFS - FAITS DE NATURE A JUSTIFIER UNE SANCTION


Références :

Code de justice administrative L761-1
Loi 95-884 du 03 août 1995 art. 16


Publications
Proposition de citation: CE, 06 déc. 2002, n° 237518
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Keller
Rapporteur public ?: M. Lamy

Origine de la décision
Formation : 6 / 4 ssr
Date de la décision : 06/12/2002
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 237518
Numéro NOR : CETATEXT000008108395 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;2002-12-06;237518 ?
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