Vu 1°), sous le n° 229465 la requête, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 22 janvier 2001, présentée pour la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 12 septembre 2000 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé d'attribuer les qualifications d'oeuvre européenne et d'oeuvre d'expression originale française au film d'animation "Le journal d'Anne X..." ;
2°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'attribuer ces deux qualifications au film en cause sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
Vu 2°), sous le n° 236912 la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 3 août et 16 novembre 2001, présentés pour la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 22 mai 2001 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé d'attribuer les qualifications d'oeuvre européenne et d'oeuvre d'expression originale française au film d'animation "Le journal d'Anne X..." ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 20 000 F (3 048,98 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'attribuer ces deux qualifications au film en cause sous astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter de la notification de la décision ;
Vu 3°), sous le n° 244287, la requête et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 mars et 19 juillet 2002, présentés pour la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK, dont le siège est ..., représentée par son président directeur général en exercice ; la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 8 janvier 2002 par laquelle le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé d'attribuer les qualifications d'oeuvre européenne et d'oeuvre d'expression originale française au film d'animation "Le journal d'Anne X..." ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) d'enjoindre au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'attribuer ces deux qualifications au film en cause sous astreinte ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la directive n° 89/552 du Conseil des communautés européennes du 3 octobre 1989 modifiée par la directive n° 97/36 du 30 juin 1997 ;
Vu le code de la propriété intellectuelle ;
Vu la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 ;
Vu le décret n° 90-66 du 17 janvier 1990 ;
Vu l'arrêté du ministre de la culture du 21 mai 1992 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Herondart, Auditeur,
- les observations de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK,
- les conclusions de Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes n°s 229465, 236912 et 244287 formées par la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK contre trois décisions par lesquelles le Conseil supérieur de l'audiovisuel a refusé au film d'animation "Le journal d'Anne X..." les qualifications d'oeuvre européenne et d'oeuvre d'expression originale française présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu d'y statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision du 12 septembre 2000 :
Considérant que, par une décision du 30 janvier 2001, le Conseil supérieur de l'audiovisuel a retiré sa décision du 12 septembre 2000 refusant d'attribuer au film d'animation "Le journal d'Anne X..." les qualifications d'oeuvre cinématographique européenne et d'oeuvre d'expression originale française ; qu'ainsi les conclusions de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK tendant à l'annulation de cette dernière décision et, par voie de conséquence, à ce qu'il soit enjoint au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'attribuer ces deux qualifications au film en cause sont devenues sans objet ;
Sur les conclusions dirigées contre les décisions du 22 mai 2001 et du 8 janvier 2002 :
Considérant que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a rejeté le 22 mai 2001 la demande de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK tendant à ce que soient attribuées au film d'animation "Le journal d'Anne X..." les qualifications d'oeuvre européenne et d'oeuvre d'expression originale française ; qu'après la suspension de cette décision par le juge des référés du Conseil d'Etat, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, après un nouvel examen de la demande de la société, a pris une décision identique le 8 janvier 2002 ;
Considérant que les moyens tirés par la société requérante de ce que les décisions attaquées auraient été adoptées selon une procédure irrégulière et de ce qu'il n'aurait pas été procédé à l'examen particulier des circonstances de l'espèce ne sont pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
En ce qui concerne le refus du Conseil supérieur de l'audiovisuel de qualifier le film d'animation "Le journal d'Anne X..." d'oeuvre d'expression originale française :
Considérant qu'aux termes de l'article 5 du décret du 17 janvier 1990 : "Constituent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles d'expression originale française les oeuvres réalisées intégralement ou principalement en version originale en langue française ou dans une langue régionale en usage en France" ;
Considérant que le film d'animation "Le journal d'Anne X..." n'avait été ni commandé, ni conçu, ni écrit, ni réalisé dès l'origine en version de langue française mais en langue anglaise et japonaise ; que malgré les modifications intervenues en l'espèce dans les dialogues et la musique qui accompagnent les images fournies par une société japonaise, l'oeuvre qui se borne à adapter au public français une réalisation japonaise n'a pas été réalisée principalement en version originale en langue française ; que, s'agissant d'une adaptation en français d'une oeuvre audiovisuelle qui ajoute à l'oeuvre préexistante des éléments susceptibles d'être protégés par le droit d'auteur, la circonstance que cette adaptation puisse être protégée au titre du droit de la propriété intellectuelle est par elle-même sans influence sur sa qualité d'oeuvre d'expression originale française, au sens des dispositions de l'article 5 précité du décret du 17 janvier 1990, compte tenu de la différence d'objet existant entre les deux législations ;
Considérant que la circonstance que le film "Le journal d'Anne X..." se soit vu délivrer un visa d'exploitation et d'exportation qui mentionne l'origine française de l'oeuvre ne lui donne pas droit à la qualification d'oeuvre d'expression originale française au sens des dispositions précitées ;
Considérant que la circonstance, à la supposer établie, que d'autres films d'animation se soient vus reconnaître la qualification d'oeuvre d'expression originale française, alors que leurs dialogues seraient enregistrés en langue anglaise, est sans influence sur la légalité de la qualification retenue en l'espèce ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'oeuvre litigieuse ne satisfaisait pas aux conditions prévues à l'article 5 précité du décret du 17 janvier 1990 ;
En ce qui concerne le refus du Conseil supérieur de l'audiovisuel de qualifier le film d'animation "Le journal d'Anne X..." d'oeuvre européenne :
Considérant que l'article 6 de la directive modifiée n° 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 définit les oeuvres européennes comme des oeuvres " réalisées essentiellement avec le concours d'auteurs et de travailleurs résidant dans un ou plusieurs Etats européens " ;
Considérant que selon le I de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990, constituent des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles européennes les oeuvres originaires d'Etats membres de la Communauté européenne qui, d'une part, sont "réalisées essentiellement avec la participation d'auteurs, d'artistes-interprètes, de techniciens collaborateurs de création résidant dans un ou plusieurs de ces Etats et avec le concours de prestations techniques réalisées dans des studios de prises de vues, dans des laboratoires ou studios de sonorisation situés dans ces mêmes Etats" et, d'autre part, sont "produites par une entreprise dont le siège est situé dans un des Etats susmentionnés et dont le président, directeur ou gérant ainsi que la majorité des administrateurs sont ressortissants d'un de ces Etats, à la condition que cette entreprise supervise et contrôle effectivement la production de ces oeuvres en prenant personnellement ou en partageant solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation des oeuvres considérées et en garantisse la bonne fin" ; que ce même article prévoit que "les participations d'auteurs, d'artistes-interprètes et de techniciens collaborateurs de création et les concours de prestations techniques" ne peuvent être inférieurs à une proportion fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de la culture et de la communication ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la requérante, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, pour décider que le film d'animation "Le journal d'Anne X..." ne pouvait pas être regardé comme une oeuvre européenne au sens de ces dispositions, ne s'est pas borné à relever que le film constituait une adaptation d'une oeuvre préexistante, mais a recherché s'il devait être regardé comme une oeuvre européenne au regard des critères posés par ce décret ;
Considérant que la société requérante excipe de l'illégalité de l'arrêté du ministre de la culture du 21 mai 1992, pris pour l'application de l'article 6 précité du décret du 17 janvier 1990, aux termes duquel une oeuvre européenne est une oeuvre "réalisée essentiellement" par des auteurs, interprètes, techniciens et des moyens techniques européens ; que cet arrêté prévoit, pour apprécier l'importance respective des différentes contributions à la création d'une oeuvre audiovisuelle ou cinématographique, des barèmes attribuant des points à ces différents éléments et fixant un seuil en nombre de points ; que pour les films d'animation, les contributions qu'il prévoit de prendre en compte sont la conception ou l'auteur (un point), le scénario (deux points), la création du dessin des personnages (deux points), la composition musicale (un point), la réalisation (deux points), le scénarimage (deux points), la décoration (un point), l'exécution des décors (un point), la mise en place de l'animation (deux points), la moitié des salaires des animateurs (deux points), la moitié des salaires des "trace-gouacheurs" (deux points), le banc-titre (un point) et la post-production (un point), la participation minimale d'éléments européens étant fixée à quatorze points ;
Considérant qu'en établissant, par l'arrêté du 21 mai 1992, des barèmes prenant en compte les diverses contributions à la réalisation des oeuvres, en fixant des barèmes différents pour les oeuvres de fiction, les oeuvres d'animation et les oeuvres documentaires, et en énumérant pour les oeuvres d'animation des éléments de réalisation à prendre en compte qui tous relèvent des différentes catégories d'auteurs, d'artistes interprètes, de techniciens de réalisation ou de moyens techniques mentionnées au 1 du I de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990, le ministre de la culture n'a pas excédé l'habilitation qu'il tenait de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990 précité, dont il se borne à expliciter les exigences ; que cet arrêté est également compatible avec les objectifs énoncés par la directive modifiée n° 89/552/CEE du Conseil du 3 octobre 1989 ;
Considérant qu'en attribuant entre un et deux points aux différentes contributions à la réalisation à prendre en compte et en imposant une participation d'éléments européens fixée à quatorze points pour l'attribution de la qualification d'oeuvre européenne aux films d'animation le ministre n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité de l'arrêté du 21 mai 1992 doit être écartée ;
Considérant, en premier lieu, que, si la société requérante soutient que le film "Le Journal d'Anne X..." devait être regardé comme une oeuvre européenne en application du barème établi par l'arrêté du 21 mai 1992, il ressort des pièces du dossier que, alors que la société établit son décompte en utilisant le barème des films de fiction, l'application du barème propre aux films d'animation ne permet pas la reconnaissance de la qualification d'oeuvre européenne ;
Considérant, en deuxième lieu, que pour apprécier la qualité de producteur au sens des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990, il appartient au Conseil supérieur de l'audiovisuel de tenir compte de la circonstance qu'un film est une simple adaptation d'une oeuvre préexistante, dès lors que, pour la réalisation d'une telle adaptation, une société ne peut prétendre avoir supervisé et contrôlé effectivement la production en "prenant personnellement ou en partageant solidairement l'initiative et la responsabilité financière, technique et artistique de la réalisation", comme l'imposent les prescriptions de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990 ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK a procédé, pour la réalisation du film "Le journal d'Anne X...", à la réutilisation des images d'une oeuvre japonaise préexistante et n'a engagé qu'environ 13 millions de francs alors que le budget global de l'oeuvre japonaise peut être évalué à environ 60 millions de francs ; qu'il suit de là que le Conseil supérieur de l'audiovisuel a fait une exacte application des dispositions précitées de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990 en refusant à la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK la qualification de producteur, au sens de ces dispositions ;
Considérant que si la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK invoque la qualité de producteur qui serait la sienne au sens des dispositions de l'article L. 132-23 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel "le producteur de l'oeuvre audiovisuelle est la personne physique ou morale qui prend l'initiative et la responsabilité de la réalisation de l'oeuvre", une telle qualité, à la supposer établie, est par elle-même sans influence sur l'application de l'article 6 du décret du 17 janvier 1990, qui ne se borne pas à renvoyer aux dispositions du code de la propriété intellectuelle mais qui pose des conditions différentes pour reconnaître que le critère tenant à la personne qui a assuré la production d'une oeuvre est rempli pour la reconnaissance de la qualification d'oeuvre européenne ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du Conseil supérieur de l'audiovisuel en date du 22 mai 2001 et du 8 janvier 2002 ;
Sur les conclusions de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK tendant à ce qu'il soit enjoint sous astreinte au Conseil supérieur de l'audiovisuel d'attribuer au film "Le journal d'Anne X..." les qualifications d'oeuvre européenne et d'oeuvre originale d'expression française :
Considérant que la présente décision, qui rejette les conclusions de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK tendant à l'annulation des décisions du 22 mai 2001 et du 8 janvier 2002 du Conseil supérieur de l'audiovisuel, n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions susanalysées doivent dès lors être rejetées ;
Sur les conclusions de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK tendant à l'annulation de la décision du Conseil supérieur de l'audiovisuel du 12 septembre 2000.
Article 2 : Le surplus des conclusions des requêtes de la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la S.A. GLOBE TROTTER NETWORK, au Conseil supérieur de l'audiovisuel et au ministre de la culture et de la communication.