Vu la requête et le mémoire, enregistrés les 14 novembre 2001 et 20 mars 2002 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX (SNPAM), dont le siège social est ... Porte d'Eau à Dunkerque (59140), représenté par son président en exercice, domicilié en cette qualité audit siège et par l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT (ADIS), dont le siège social est ..., représentée par sa présidente en exercice, domiciliée en cette qualité audit siège ; le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX et l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT demandent que le Conseil d'Etat :
1°) annule pour excès de pouvoir l'arrêté du 5 septembre 2001 du ministre de la jeunesse et des sports portant approbation des conditions de délivrance des dans ou des grades équivalents adoptées par la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la Fédération française de taekwondo et disciplines associées ;
2°) condamne l'Etat à leur verser chacun la somme de 2 000 F (305 euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la loi n° 84-610 du 16 juillet 1984 modifiée, notamment son article 17-2 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes ;
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non-recevoir soulevée par la Fédération française de taekwondo et disciplines associées :
Considérant que la circonstance que le syndicat et l'association requérants ne soient pas titulaires de la délégation prévue à l'article 17 de la loi susvisée du 16 juillet 1984 modifiée relative à l'organisation des activités physiques et sportives ne les prive pas d'intérêt pour demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Sur les fins de non-recevoir soulevées par le ministre des sports :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Baeckeroot, président du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX, justifie de sa qualité pour agir au nom de ce syndicat ; que le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX, qui a pour objet notamment, aux termes du 3ème alinéa de l'article 2 de ses statuts, "de veiller aux intérêts professionnels généraux de ses membres, tant matériels que moraux, et de défendre ses adhérents dans le cadre de leur profession", a intérêt à contester l'arrêté attaqué ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin de statuer sur l'intérêt à agir de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, la requête est recevable ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 17 de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation des activités physiques et sportives modifiée notamment par la loi du 15 juin 1999 : "Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports pour organiser les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux ( ...). Cette fédération édicte les règles techniques propres à sa discipline. ( ...)" ; qu'aux termes de son article 17-2 : "Dans les disciplines sportives relevant des arts martiaux, nul ne peut se prévaloir d'un dan ou d'un grade équivalent sanctionnant les qualités sportives et les connaissances techniques et, le cas échéant, les performances en compétition, s'il n'a pas été délivré par la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la fédération délégataire, ou à défaut, de la fédération agréée consacrée exclusivement aux arts martiaux./ Un arrêté du ministre chargé des sports fixe la liste des fédérations mentionnées à l'alinéa précédent./ Les commissions spécialisées des dans et grades équivalents, dont la composition est fixée par arrêté du ministre chargé des sports après consultation des fédérations concernées, soumettent les conditions de délivrance de ces dans et grades au ministre chargé des sports, qui les approuve par arrêté" ;
Considérant que les dispositions du règlement approuvé relatives à la protection des dans et grades équivalents délivrés par la commission spécialisée de la Fédération française de taekwondo et disciplines associées, qui se bornent à rappeler les dispositions du code pénal, n'ont pas le caractère d'un acte faisant grief ; que, dès lors, les requérants ne sont pas recevables à en demander l'annulation ;
Considérant que les requérants ne sauraient utilement se prévaloir, à l'appui de leurs conclusions en annulation, de ce que l'agrément de ladite fédération serait devenu illégal ni d'une décision juridictionnelle relative à la régularité de la nomination du président de la commission dans ses fonctions de président de la fédération délégataire ;
Considérant que l'article 17-2 de la loi du 16 juillet 1984 prévoit que les conditions de délivrance des dans et grades équivalents sont approuvées par arrêté du ministre chargé des sports ; que, dès lors, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que de telles dispositions devaient être prises par décret en Conseil d'Etat ; qu'en outre, l'arrêté attaqué n'était pas subordonné à l'intervention préalable d'un décret d'application de l'article 17-2 ;
Considérant que la commission spécialisée a pu légalement prévoir, au point III-1 du règlement approuvé, que les questions écrites devraient parvenir trois semaines avant les réunions de la commission et que l'ordre du jour serait adressé aux participants au plus tard quinze jours avant ces réunions ;
Considérant que la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la Fédération française de taekwondo et disciplines associées, chargée, en application de l'article 17-2 de la loi du 16 juillet 1984, d'élaborer les conditions de délivrance des dans et grades équivalents de la discipline concernée, a pu légalement prévoir, au nombre de ces conditions, et sans violer le principe d'égalité, que la délivrance des dans et grades équivalents aux licenciés de la fédération serait subordonnée à la présentation d'un passeport sportif délivré par cette fédération accompagné des licences fédérales correspondant aux années de pratique exigées pour l'obtention d'un dan ou d'un grade équivalent ; qu'elle a légalement pu, de même, prévoir que les candidats à la délivrance d'un dan ou d'un grade devraient présenter un "carnet de grade" dont le prix serait fixé par cette commission, et qu'ils devraient acquitter les frais d'inscription déterminés par l'assemblée générale de la fédération ;
Considérant que la commission spécialisée n'a pas procédé à une subdélégation illégale des pouvoirs qui sont les siens en prévoyant que des comités d'organisation régionaux seraient chargés d'instruire les demandes de dans ou de grades équivalents ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe ne fait obstacle à ce que ces comités d'organisation régionaux soient composés exclusivement de représentants de la fédération ;
Considérant que la commission spécialisée a pu, sans méconnaître le principe d'égalité, rappelé notamment à l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, prévoir que le premier dan ne serait délivré qu'aux candidats âgés au moins de 16 ans et exiger plusieurs années de pratique sportive pour la délivrance des autres dans ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 17-2 de la loi du 16 juillet 1984, les dans ou les grades équivalents sanctionnent "les qualités sportives et les connaissances techniques" ; que si la commission spécialisée a pu légalement prévoir, en ce qui concerne l'attribution des plus hauts grades de la discipline, que les titulaires de titres régionaux, nationaux ou internationaux de la discipline bénéficieraient de bonifications d'ancienneté dans le sixième dan, en raison des qualités sportives qu'attestent les titres obtenus, elle n'a pu, sans méconnaître les dispositions précitées, prévoir l'attribution de bonifications analogues au seul titre de la qualité de membres des organes de la fédération ou des bureau ou conseil exécutifs de l'Union européenne de taekwondo et de la Fédération mondiale de taekwondo, en raison des services ainsi rendus à la discipline ; que les requérants sont fondés, dans cette mesure, à demander l'annulation de l'arrêté attaqué ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX et l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté attaqué en tant seulement qu'il approuve les dispositions du VII du règlement de la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la Fédération française de taekwondo et disciplines associées qui prévoient que des bonifications de temps et d'âge sont accordées aux membres de la commission nationale et des comités directeurs de ladite fédération ainsi que des bureau ou conseil exécutifs de l'Union européenne de taekwondo et de la Fédération mondiale de taekwondo ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à verser au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX et à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT les sommes qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêté du ministre de la jeunesse et des sports en date du 5 septembre 2001 est annulé en tant qu'il approuve les dispositions du VII du règlement de la commission spécialisée des dans et grades équivalents de la Fédération française de taekwondo et disciplines associées prévoyant que des bonifications de temps et d'âge sont accordées aux membres de la commission nationale et des comités directeurs de ladite fédération ainsi que des bureaux ou conseil exécutifs de l'Union européenne de taekwondo et de la Fédération mondiale de taekwondo.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête du SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX et de l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT NATIONAL DES PROFESSEURS D'ARTS MARTIAUX, à l'ASSOCIATION DE DEFENSE DES INTERETS DU SPORT, à la Fédération française de taekwondo et disciplines associées et au ministre des sports.