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13/11/2002 | FRANCE | N°230289

France | France, Conseil d'État, 2 / 1 ssr, 13 novembre 2002, 230289


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 14 février et le 14 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS", dont le siège est ... ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 21 décembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 3 juillet 1997 condamnant la commune de Mourenx à lui verser la somme de 1 064 310 F (162 253,01

euros) en réparation du préjudice subi par elle du fait de déci...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 14 février et le 14 juin 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS", dont le siège est ... ; la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule l'arrêt en date du 21 décembre 2000 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, annulé le jugement du tribunal administratif de Pau en date du 3 juillet 1997 condamnant la commune de Mourenx à lui verser la somme de 1 064 310 F (162 253,01 euros) en réparation du préjudice subi par elle du fait de décisions d'urbanisme illégales et, d'autre part, rejeté sa demande de première instance, ainsi que son appel incident tendant à ce que la commune de Mourenx soit condamnée à lui verser la somme de 1 694 862 F (258 380,05 euros) en réparation de ce préjudice ;
2°) condamne la commune de Mourenx à lui verser une somme de 1 694 862 F (258 380,05 euros), assortie des intérêts au taux légal sur cette somme ;
3°) ordonne que les intérêts échus à la date d'enregistrement de la présente requête soient capitalisés à cette date ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil, notamment son article 1154 ;
Vu le code de l'urbanisme, notamment son article R. 111-2 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Jodeau-Grymberg, Maître des Requêtes ;
- les observations de Me Odent, avocat de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" et de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de la commune de Mourenx,
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du doussier soumis aux juges du fond que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE 'LES ROSIERS" a mis en cause, tant dans sa demande devant le tribunal administratif de Pau que dans son appel incident devant la cour administrative d'appel de Bordeaux, la responsabilité de la commune de Mourenx (Pyrénées-Atlantiques) en raison notamment de la faute qu'aurait commise cette dernière en lui délivrant illégalement un certificat d'urbanisme positif pour l'édification d'un centre commercial sur un terrain que cette société envisageait d'acquérir ; qu'en rejetant les conclusions de première instance de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" sans examiner si la responsabilité de la commune de Mourenx était engagée de ce chef, la cour administrative d'appel de Bordeaux a omis de répondre à l'un des moyens dont elle était saisie par l'effet dévolutif de l'appel et a ainsi entaché son arrêt d'irrégularité ; que la société requérante est fondée à en demander l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Sur l'appel principal de la commune de Mourenx :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que, le 14 juin 1989, le maire de la commune de Mourenx a délivré à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" un certificat d'urbanisme sans réserve concernant l'édification d'un centre commercial ; qu'au vu de ce certificat, la société a acquis le terrain en cause, le 6 juillet 1989, et demandé, le 9 décembre 1989, un permis de construire un centre commercial, qui lui a été accordé le 30 avril 1990 ; qu'il n'est pas contesté que, le terrain se situant à 650 mètres d'une usine de chlore, dans une zone exposée de ce fait à des risques sérieux, le certificat d'urbanisme a été délivré en violation de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme", tout comme le permis de construire, qui a été annulé, pour ce motif, par un jugement du tribunal administratif de Pau du 20 décembre 1991, devenu définitif ; qu'en délivrant le certificat d'urbanisme et en accordant le permis de construire sollicités par la société requérante, le maire de la commune de Mourenx a ainsi commis des fautes de nature à engager la responsabilité de cette commune ;

Considérant que si les préjudices indemnisés par le jugement contesté du tribunal administratif de Pau se rapportent uniquement à l'acquisition du terrain d'assiette de la construction envisagée et ne présentent ainsi aucun lien direct avec la délivrance du permis de construire, il résulte de l'instruction qu'ils sont, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, la conséquence directe de la délivrance fautive du certificat d'urbanisme ; qu'ainsi, la commune de Mourenx n'est pas fondée à soutenir que sa responsabilité ne saurait être engagée à l'égard de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" et à demander pour ce motif l'annulation du jugement attaqué ;
Sur l'appel incident de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" :
Considérant, en premier lieu, que, si la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" a demandé à être indemnisée pour le versement de la taxe sur la valeur ajoutée immobilière qu'elle a effectué à l'occasion de l'achat du terrain d'assiette du centre commercial, les documents qu'elle a produits, tant en première instance qu'en appel, ne permettent pas de distinguer le montant des droits au principal du montant des pénalités, lequel reste à sa charge, et de déterminer ainsi le montant du préjudice qu'elle aurait subi à ce titre ;
Considérant, en deuxième lieu, que la société civile immobilière n'est pas fondée à demander à être indemnisée pour le versement de la taxe foncière qu'elle a effectué au titre de l'année 1993, alors que le permis de construire avait été définitivement annulé dès 1991 et qu'elle n'établit pas avoir été dans l'impossibilité de revendre son terrain ;
Considérant, en troisième lieu, que, si la société civile immobilière a renégocié, le 24 mars 1992, l'emprunt qu'elle avait conclu le 24 novembre 1989 pour l'acquisition du terrain, les frais ainsi engagés, qui ne sont pas la conséquence directe des fautes de la commune, ne peuvent pas donner lieu à indemnisation ;
Considérant, en quatrième lieu, que les pièces versées au dossier ne démontrent pas que la société civile immobilière ait acquitté les honoraires d'architecte, les honoraires de géomètres et les frais d'études dont elle demande l'indemnisation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a limité à une somme de 1 064 310,42 F (162 253,01 euros) le montant de l'indemnité que la commune de Mourenx a été condamnée à lui verser ;
Sur les intérêts :
Considérant que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" a droit aux intérêts sur la somme de 162 253,01 euros à compter du jour de la réception par la commune de Mourenx de sa demande d'indemnité, soit le 7 janvier 1994 ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts a été demandée le 14 février 2001 et le 29 avril 2002 ; qu'à chacune de ces dates, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 21 décembre 2000 est annulé.
Article 2 : La somme de 162 253,01 euros que la commune de Mourenx a été condamnée à verser à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" par jugement du tribunal administratif de Pau du 3 juillet 1997 portera intérêts à compter du 7 janvier 1994. Les intérêts échus le 14 février 2001 et le 29 avril 2002 seront capitalisés à ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : La requête de la commune de Mourenx ainsi que le surplus des conclusions incidentes de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS" présentées devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "LES ROSIERS", à la commune de Mourenx et au ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.


Synthèse
Formation : 2 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 230289
Date de la décision : 13/11/2002
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

68-03-03-01 URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE INTERNE DU PERMIS DE CONSTRUIRE - LEGALITE AU REGARD DE LA REGLEMENTATION NATIONALE


Références :

Code civil 1154


Publications
Proposition de citation : CE, 13 nov. 2002, n° 230289
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Jodeau-Grymberg
Rapporteur public ?: Mme de Silva

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2002:230289.20021113
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