Vu la requête, enregistrée le 22 août 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour M. Jean-Luc X..., ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision du 20 juin 2001 par laquelle le garde des sceaux, ministre de la justice, a rejeté sa demande tendant au versement des indemnités de fonctions qu'il n'a pas perçues pendant la durée de l'interdiction temporaire d'exercice prononcée à son encontre ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser lesdites indemnités assorties des intérêts légaux à compter de sa demande ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser une somme de 15 000 francs (2286,74 euros) au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 ;
Vu le décret n° 88-142 du 10 février 1988 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Keller, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 58-1 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 : " Le garde des sceaux, ministre de la justice, saisi d'une plainte ou informé de faits paraissant de nature à entraîner des poursuites disciplinaires contre un magistrat du parquet, peut, s'il y a urgence, et sur proposition des chefs hiérarchiques, après avis de la formation du Conseil supérieur de la magistrature compétente pour les magistrats du parquet, interdire au magistrat faisant l'objet d'une enquête l'exercice de ses fonctions jusqu'à décision définitive sur les poursuites disciplinaires. La décision d'interdiction temporaire, prise dans l'intérêt du service, (.) ne comporte pas privation du droit au traitement " ;
Sur la régularité de la procédure :
Considérant que la décision de suspendre le versement des indemnités de fonctions de M. X... a été prise par voie de conséquence de la décision d'interdiction temporaire d'exercer ses fonctions ; que cette interdiction temporaire est une mesure conservatoire décidée dans l'intérêt du service et ne constitue pas une sanction disciplinaire ; que la décision attaquée n'avait donc pas plus que la décision d'interdiction temporaire à être précédée des formalités applicables à la procédure disciplinaire ;
Sur la légalité interne :
Considérant qu'aux termes de l'article 42 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958 : "Les magistrats perçoivent une rémunération qui comprend le traitement et ses accessoires ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 10 février 1988 fixant le régime indemnitaire des magistrats de l'ordre judiciaire : "Dans la limite des crédits ouverts à cet effet, il peut être alloué aux magistrats de l'ordre judiciaire ( ...) une indemnité forfaitaire spéciale destinée à rémunérer l'importance et la valeur des services rendus et à tenir compte des sujétions de toute nature qu'ils sont appelés à rencontrer dans l'exercice de leurs fonctions" ; que, compte tenu du caractère de ces indemnités, qui sont liées à l'exercice effectif des fonctions, le garde des sceaux, ministre de la justice, après avoir pris la décision d'interdire au requérant d'exercer ses fonctions dans l'attente de la décision disciplinaire susceptible d'être prise à son encontre, a fait une exacte application des dispositions précitées en ordonnant que soit suspendu le versement des indemnités de fonctions de M. X... tout en conservant à ce dernier le droit à son traitement ;
Considérant que si le ministre de la justice, pour rejeter la demande de M. X... tendant au versement de ses indemnités de fonctions, s'est référé par erreur à l'article 50 de l'ordonnance susvisée du 22 décembre 1958, applicable aux seuls magistrats du siège, et non à l'article 58-1 applicable aux magistrats du parquet dont fait partie le requérant, cette inexactitude est sans incidence sur la légalité de sa décision ; que la circonstance que le juge d'instruction a prononcé un non-lieu sur les poursuites pénales engagées contre M. X... n'impliquait nullement que ce dernier, qui d'ailleurs a fait l'objet d'une mutation d'office, laquelle est une sanction disciplinaire, bénéficiât du remboursement de ses indemnités de fonctions ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ni, par voie de conséquence, la condamnation de l'Etat à lui verser les indemnités en cause ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante en la présente instance, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de M. X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur Jean-Luc X... et au garde des sceaux, ministre de la justice.