Vu 1°/, sous le n° 198197, la requête, enregistrée le 23 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par l'ASSOCIATION DES CADRES ET AGENTS DE MAITRISE DE LA POSTE UNIS ET SOLIDAIRES (CAMPUS), ayant son siège ... ; l'association requérante demande au Conseil d'Etat d'annuler l'instruction du directeur des ressources humaines de La Poste en date du 22 décembre 1997 relative au "cas particulier des dérogations époux et santé" dans le cadre du plan de mutation prévu pour les années 1998 à 2000 ;
Vu 2°/, sous le n° 203115, la requête enregistrée le 29 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par la FEDERATION SUD-PTT, ayant son siège ... ; la FEDERATION SUD-PTT demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision née du silence gardé pendant quatre mois par le président du conseil d'administration de La Poste sur sa demande, présentée le 27 juillet 1998, tendant à l'abrogation de l'instruction du directeur des ressources humaines de La Poste en date du 22 décembre 1997 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la note en délibéré présentée le 24 septembre 2001 par la FEDERATION SUD-PTT ;
Vu la loi du 30 décembre 1921, modifiée notamment par la loi n° 70-459 du 4 juin 1970 ;
Vu la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 modifiée ;
Vu le décret n° 90-1111 du 12 décembre 1990 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mlle Verot, Auditeur ;
- les observations de la SCP Defrenois, Levis, avocat de La Poste ;
- les conclusions de Mme de Silva, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la requête n° 198197 :
Considérant que l'instruction du directeur des ressources humaines de La Poste en date du 22 décembre 1997 relative au "cas particulier des dérogations époux et santé" dans le cadre du plan de mutation prévu pour les années 1998 à 2000 a été publiée au "Bulletin des ressources humaines de La Poste" dans un numéro 104 daté de 1997 ; qu'il ressort des pièces produites par La Poste que le numéro 104 de ce bulletin a été diffusé auprès des personnels le 27 janvier 1998 ; que la requête de l'ASSOCIATION CAMPUS tendant à l'annulation de l'instruction du 22 décembre 1997 n'a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat que le 23 juillet 1998, soit après l'expiration du délai de deux mois qui lui était imparti pour former un recours contentieux ; que, dès lors, cette requête n'est pas recevable ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'association requérante à payer la somme que La Poste demande, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
En ce qui concerne la requête n° 203115 :
Sur la fin de non-recevoir opposée par La Poste :
Considérant que la requête de la FEDERATION SUD-PTT est dirigée contre la décision née du silence gardé pendant quatre mois par le président du conseil d'administration de La Poste sur sa demande, présentée le 27 juillet 1988, tendant à l'abrogation de l'instruction du 22 décembre 1997 ; qu'elle a été enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 29 décembre 1998, soit dans le délai de deux mois courant à l'encontre de cette décision ; qu'ainsi, elle n'est pas tardive ; que, dès lors, la fin de non-recevoir opposée par La Poste doit être écartée ;
Sur la légalité externe de l'instruction du 22 décembre 1997 :
Considérant qu'aux termes de l'article 12 du décret du 12 décembre 1990 portant statut de La Poste : "Le président du conseil d'administration de La Poste ... a notamment qualité pour ... nommer aux emplois de La Poste et gérer le personnel" ; qu'à ce titre, il lui appartient de déterminer, dans le respect des dispositions statutaires et des principes généraux du droit de la fonction publique, les modalités d'examen des demandes de mutation des agents de La Poste ; qu'ainsi, la fédération requérante n'est pas fondée à prétendre que le président du conseil d'administration de La Poste n'aurait pas eu compétence pour prendre les dispositions figurant dans l'instruction du 22 décembre 1997 ;
Considérant que le moyen tiré de ce que ladite instruction ne serait pas signée manque en fait ;
Sur la légalité interne de l'instruction du 22 décembre 1997 :
Considérant qu'aux termes de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction issue de la loi du 25 juillet 1994 : " ... Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, les affectations prononcées doivent tenir compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée aux fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles ..." ; qu'aux termes de l'article 62 de la même loi, dans sa rédaction en vigueur à la date de l'instruction contestée : "Si les possibilités de mutation sont insuffisantes dans leur corps, les fonctionnaires séparés de leur conjoint pour des raisons professionnelles ... peuvent, dans toute la mesure compatible avec les nécessités de fonctionnement du service, compte tenu de leur situation particulière, bénéficier, en priorité, du détachement défini à l'article 41 de ce même titre" ; qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 30 décembre 1921 rapprochant les fonctionnaires qui, étrangers au département, sont unis par le mariage, soit à des fonctionnaires du département, soit à des personnes qui y ont fixé leur résidence, dans sa rédaction issue de la loi du 4 juin 1970 : "Lorsque deux fonctionnaires, appartenant à une même administration mais résidant dans des départements différents, sont unis par le mariage, il appartient à leurs chefs de choisir le département où ils seront rapprochés ... en tenant compte des nécessités du service, de leur situation familiale ... et de la préférence qu'ils auront conjointement exprimée" ;
Considérant que l'instruction du 22 décembre 1997 définit, dans le cadre d'un plan de mutation arrêté pour trois ans, les critères applicables, à compter du 1er janvier 1998, au traitement des demandes de mutation présentées par les agents souhaitant se rapprocher de leur conjoint ; que les dispositions législatives précitées ne font pas obstacle à ce que soit introduit un ordre de priorité dans l'examen de ces demandes, compte tenu de critères relatifs au bon fonctionnement du service ; que la fédération requérante n'est, dès lors, pas fondée à soutenir qu'en prévoyant un ordre de priorité lié notamment à l'acceptation provisoire d'un poste à temps partiel, les auteurs de l'instruction contestée auraient méconnu ces dispositions ;
Considérant que lesdites dispositions permettent aux autorités compétentes de La Poste de décider du département dans lequel s'effectuera le rapprochement des conjoints en fonction des nécessités du service ; qu'elles ne font pas obstacle à ce qu'il ne soit accédé, dans le cadre du plan de mutation, qu'aux demandes présentées par des agents dont le conjoint est éloigné pour des raisons professionnelles indépendantes de sa volonté ;
Considérant qu'en prévoyant que, lorsque l'un des conjoints n'est pas fonctionnaire de La Poste, le rapprochement des époux peut être réalisé après un délai d'un an de séparation effective, les auteurs de l'instruction contestée n'ont pas méconnu les dispositions législatives précitées ;
Considérant que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que des règles différentes soient appliquées à des agents appartenant à des corps différents ;
Considérant, toutefois, que l'autorité gestionnaire ne saurait, sans excéder sa compétence, interdire par voie générale à une catégorie d'agents de formuler une demande de rapprochement entre conjoints ; qu'ainsi, les dispositions de l'instruction contestée, qui ont pour objet d'écarter du bénéfice de la "dérogation époux" les agents placés en position de disponibilité sont entachées d'incompétence ; que l'autorité compétente, saisie d'une demande tendant à l'abrogation d'un règlement illégal, est tenue d'y déférer, que ce règlement ait été illégal à la date de sa signature ou que l'illégalité résulte d'un changement dans la situation de droit ou dans les circonstances de fait postérieures à cette date ; que, dès lors, la FEDERATION SUD-PTT est fondée à demander l'annulation de la décision attaquée en tant que le président du conseil d'administration de La Poste a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des dispositions du paragraphe 223 de l'instruction du 22 décembre 1997 qui ont pour objet d'exclure du bénéfice de la dérogation pour rapprochement des époux les agents placés en position de disponibilité ; que ces dispositions sont divisibles des autres dispositions de l'instruction ; qu'en conséquence, la fédération requérante n'est pas fondée à demander l'annulation de ces autres dispositions ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner La Poste, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à payer la somme que la FEDERATION SUD-PTT demande pour les frais exposés par elle et non compris dans les dépens, ni de condamner la requérante envers La Poste en application des mêmes dispositions ;
Article 1er : Est annulée la décision de rejet née du silence gardé par le président du conseil d'administration de La Poste sur la demande présentée par la FEDERATION SUD-PTT en tant qu'elle rejette cette demande en ce qu'elle concerne les dispositions du paragraphe 223 de l'instruction du 22 décembre 1997 relatives à l'exclusion du bénéfice de la dérogation pour rapprochement des époux des agents placés en position de disponibilité.
Article 2 : La requête de l'ASSOCIATION CAMPUS et le surplus des conclusions de la requête de la FEDERATION SUD-PTT sont rejetés.
Article 3 : Les conclusions de La Poste tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à l'ASSOCIATION DES CADRES ET AGENTS DE MAITRISE DE LA POSTE UNIS ET SOLIDAIRES (CAMPUS), à la FEDERATION SUD-PTT, à La Poste et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.