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30/11/2001 | FRANCE | N°220669

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 30 novembre 2001, 220669


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 23 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE TARN-ET-GARONNE ; le PREFET DE TARN-ET-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 11 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X... Abu Y... et les décisions du même jour désignant Israël comme pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande pré

sentée par M. et Mme Abu Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 4 et 23 mai 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés par le PREFET DE TARN-ET-GARONNE ; le PREFET DE TARN-ET-GARONNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 2 mai 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 11 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme X... Abu Y... et les décisions du même jour désignant Israël comme pays de renvoi ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. et Mme Abu Y... devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Olléon, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier et Boré, avocat de M. et Mme Abu Y...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 susvisée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance d'un titre de séjour ... a été refusée ... s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ..." ;
Considérant que M. et Mme Abu Y..., de nationalité israélienne, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification, le 22 janvier 2000, des décisions du 8 décembre 1999 par lesquelles le PREFET DE TARN-ET-GARONNE leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour et les a invités à quitter le territoire français ; qu'ils se trouvaient ainsi dans le cas où, en application des dispositions précitées du 3° du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet peut décider la reconduite d'un étranger à la frontière ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les deux filles de M. et Mme Abu Y..., nées respectivement en 1984 et 1986, ont été scolarisées en France sans interruption depuis 1989 pour l'aînée et 1990 pour la cadette ; que M. et Mme Abu Y..., qui ont été recueillis et pris en charge à leur arrivée en France par une association, soutiennent, sans être utilement contredits, avoir résidé en France habituellement depuis près de dix ans ; qu'ils ont au moins depuis 1998 fait preuve de leur bonne insertion professionnelle ; que les liens familiaux que Mme Abu Y... conserve avec Israël se limitent à un frère ; que, dans les circonstances de l'espèce et eu égard à la durée et aux conditions du séjour en France de M. et Mme Abu Y..., les arrêtés du PREFET DE TARN-ET-GARONNE ordonnant qu'ils soient reconduits à la frontière portent au droit des intéressés au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris et sont, par suite, contraires à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE TARN-ET-GARONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé ses arrêtés du 11 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Abu Y... et ses décisions du même jour désignant Israël comme pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme Abu Y... :
Considérant qu'aux termes du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 : "Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, ... l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que le préfet ait à nouveau statué sur son cas" ;

Considérant que le jugement du 2 mai 2000 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Toulouse a annulé les arrêtés du 11 avril 2000 ordonnant la reconduite à la frontière de M. et Mme Abu Y... ; qu'en application des dispositions précitées du III de l'article 22 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le préfet était tenu de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette autorisation n'a pas été délivrée à M. et Mme Abu Y... ; que, par suite, leurs conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de leur délivrer ces autorisations ne peuvent être accueillies ;
Sur les conclusions présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991:
Considérant que M. et Mme Abu Y... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que la SCP Boré et Xavier, avocat de M. et Mme Abu Y..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de condamner l'Etat à payer à la SCP Boré et Xavier la somme de 10 000 F ;
Article 1er : La requête du PREFET DE TARN-ET-GARONNE est rejetée.
Article 2 : Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. et Mme Abu Y... sont rejetées.
Article 3 : L'Etat paiera à la SCP Boré et Xavier la somme de 10 000 F (1 524,49 euros) sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE TARN-ET-GARONNE, à M. et Mme Abu Y... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 220669
Date de la décision : 30/11/2001
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-03 ETRANGERS - RECONDUITE A LA FRONTIERE.


Références :

Arrêté du 11 avril 2000
Code de justice administrative L761-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 8
Loi 91-647 du 10 juillet 1991
Ordonnance 45-2658 du 02 novembre 1945 art. 22, art. 22 bis


Publications
Proposition de citation : CE, 30 nov. 2001, n° 220669
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Olléon
Rapporteur public ?: M. Bachelier

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2001:220669.20011130
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