Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2000 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par Mme Afua X... épouse Z..., demeurant chez M. Emmanuel Y..., ... ; la requérante demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 mars 2000 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 6 janvier 1999 du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière, ainsi que de la décision du même jour fixant le pays de destination ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté et cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, dans sa rédaction en vigueur à la date des décisions attaquées : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants :
... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait ..." ;
Sur l'arrêté du préfet de police décidant la reconduite à la frontière de Mme X... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X..., ressortissante du Ghana, a reçu au plus tard le 27 août 1998 notification de la décision du 9 juillet 1998 rejetant le recours gracieux qu'elle avait formé contre la décision du préfet de police en date du 9 juin 1998 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ; que le délai du recours contentieux courant à l'encontre de cette dernière décision n'a pu être prorogé une seconde fois par le recours hiérarchique présenté par l'intéressée auprès du ministre de l'intérieur le 27 août 1998 ; qu'ainsi, ce délai, d'une durée de deux mois, était expiré le 14 janvier 1999, date à laquelle Mme X... a déféré au président du tribunal administratif de Paris l'arrêté du 6 janvier 1999 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ; que, par suite, la requérante n'était plus recevable, à cette date, à exciper de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour au soutien de ses conclusions dirigées contre ledit arrêté ;
Considérant que la circulaire du ministre de l'intérieur en date du 24 juin 1997 relative au réexamen de la situation de certaines catégories d'étrangers en situation irrégulière ne présente pas un caractère réglementaire ; qu'ainsi, Mme X... ne saurait utilement se prévaloir de ce que l'arrêté attaqué aurait été pris en méconnaissance de cette circulaire ;
Considérant que les prescriptions de l'article 15 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, qui déterminent les cas dans lesquels la carte de résident est délivrée de plein droit à un étranger dont la présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, ne sont applicables que "sous réserve de la régularité du séjour" de l'intéressé ; que, faute d'avoir séjourné dans des conditions régulières sur le territoire français, Mme X... n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'aurait pu légalement faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière dès lors qu'elle aurait été en droit de bénéficier d'une carte de résident en application des dispositions du 10° de cet article ;
Considérant que, si Mme X... se prévaut de ce qu'elle s'est mariée le 16 juillet 1994 sur le territoire français avec un compatriote admis au statut de réfugié, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'eu égard notamment à la durée et aux conditions du séjour en France de l'intéressée, qui reconnaît que la communauté de vie a cessé entre les époux et qui déclare ignorer où réside son mari, le préfet de police ait porté au droit de la requérante au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris l'arrêté attaqué ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet de police aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de police ait commis une erreur manifeste dans son appréciation des conséquences qu'une mesure de reconduite à la frontière pouvait avoir sur la situation personnelle de Mme X... ;
Considérant que l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière d'un étranger n'a pas pour objet de fixer le pays de destination, lequel est déterminé par une décision distincte ; qu'ainsi, le moyen tiré des risques courus par la requérante en cas de retour au Ghana est inopérant à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de police décidant sa reconduite à la frontière ;
Sur la décision du préfet de police fixant le pays de destination de Mme X... :
Considérant que, par une décision du 18 octobre 1994, la Commission des recours des réfugiés a rejeté le recours formé par Mme X... contre la décision du directeur de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 4 février 1994 refusant de l'admettre au statut de réfugié ; que, si la requérante allègue que, compte tenu de ses opinions politiques, elle serait exposée à des risques importants pour sa sécurité dans le cas où elle devrait revenir au Ghana, elle ne justifie pas de l'existence de circonstances particulières de nature à faire légalement obstacle à ce qu'elle soit reconduite à destination du pays dont elle a la nationalité ; que, dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision du préfet de police fixant le Ghana comme pays de destination de la reconduite ;
Article 1er : La requête de Mme X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mme Afua X..., épouse Z..., au préfet de police et au ministre de l'intérieur.