Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE MONTREUIL, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MONTREUIL demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt en date du 15 octobre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris en date du 12 décembre 1996 annulant, à la demande de Mmes Chantal et Ghislaine X..., la décision du maire de la commune en date du 6 novembre 1995 de préempter l'immeuble de ces dernières ;
2°) de condamner Mmes X... à verser à la COMMUNE DE MONTREUIL la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 91-646 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Landais, Auditeur,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la COMMUNE DE MONTREUIL et de Me Foussard, avocat de Mmes Chantal et Ghislaine X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, par une décision du 6 novembre 1995, le maire de Montreuil a exercé le droit de préemption de la commune sur un immeuble situé ..., pour lequel Mmes X... avaient déposé une déclaration d'intention d'aliéner ; que Mmes X... ont attaqué la décision de préemption devant le tribunal administratif de Paris qui, par un jugement du 12 décembre 1996, confirmé le 15 octobre 1998 par la cour administrative d'appel de Paris, a annulé la décision de préemption ; que, par la présente requête, la COMMUNE DE MONTREUIL demande l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : "Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations définies à l'article L. 300-1 ( ...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé" ; qu'aux termes de l'article L. 300-1, dans sa rédaction alors applicable : "Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objet de mettre en oeuvre une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti ou les espaces naturels" ;
Considérant que si ces dispositions permettent à une commune d'exercer son droit de préemption sur un immeuble aux fins de reloger des personnes évincées de leur logement par des opérations d'aménagement y compris lorsque le bien préempté est situé hors de la zone où sont effectués les aménagements, c'est à la condition que l'acquisition de l'immeuble soit justifié par une politique locale de l'habitat qui implique le développement organisé d'une offre de logements adaptée aux besoins propres de chaque catégorie de population ; que la cour administrative d'appel, en estimant que le relogement de personnes évincées en raison d'opérations d'aménagement sur une zone d'aménagement de la commune ne pouvait constituer une action ou opération d'aménagement au sens de l'article L. 300-1 précité que si la commune envisageait sur le bien préempté, qui se situe en dehors du périmètre de la zone d'aménagement, une action relevant de la politique locale de l'habitat, n'a pas commis d'erreur de droit ;
Considérant, par ailleurs, qu'en estimant que le projet de relogement de la COMMUNE DE MONTREUIL pour le bien préempté n'était pas lié à une action de politique locale de l'habitat, la cour administrative d'appel a souverainement apprécié les pièces du dossier sans les dénaturer ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE MONTREUIL n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué, qui n'avait pas à répondre à chacun des arguments avancés par la commune à l'appui du moyen tiré de l'erreur de droit ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que Mmes X..., qui ne sont pas la partie perdante dans la présente instance, soient condamnées à verser à la COMMUNE DE MONTREUIL la somme qu'elle demande au titre des frais engagés par elles et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il a lieu de condamner la COMMUNE DE MONTREUIL à verser àMme Ghislaine X... la somme de 7 500 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Considérant que Mme Chantal X... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sous réserve que Me Foussard, avocat de Mme Chantal X..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner la COMMUNE DE MONTREUIL à payer à Me Foussard la somme de 7 500 F ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MONTREUIL est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE MONTREUIL est condamnée à verser la somme de 7 500 F à Mme Ghislaine X... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 3 : La COMMUNE DE MONTREUIL est condamnée à verser la somme de 7 500 F à Me Foussard, avocat de Mme Chantal X..., sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MONTREUIL, à Mmes Chantal et Ghislaine X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.