Vu la requête, enregistrée le 8 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE ; la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler la décision, contenue dans la lettre du ministre de l'économie du 13 décembre 1993, par laquelle ce ministre a refusé de mettre fin aux illégalités résultant de l'utilisation par la Caisse nationale de prévoyance du réseau du Trésor en vue du placement de ses produits d'assurance ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 25 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret-loi du 29 octobre 1936 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Guilhemsans, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Defrénois, Lévis, avocat de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE et de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie,
- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'à la suite de l'abrogation, par le décret du 19 mars 1993, de l'article R. 433-10 du code des assurances, qui habilitait la Caisse nationale de prévoyance à utiliser les services de l'administration du Trésor pour la présentation de ses contrats et l'exécution de ses opérations, la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE (FNSAGA, devenue AGEA), a demandé au ministre de l'économie, par lettre du 21 septembre 1993, d'une part, qu'il soit mis fin au placement, par les agents du Trésor, des produits de la Caisse nationale de prévoyance, d'autre part, que cesse l'utilisation, au bénéfice de cet assureur, des informations financières de l'Etat et de la franchise postale, ainsi que l'envoi, au nom de la Caisse nationale de prévoyance, de courrier ne mentionnant pas qu'il s'agit d'une entreprise régie par le code des assurances, en violation de l'article R. 310-5 du code ; que, par lettre du 13 décembre 1993, le ministre de l'économie lui a indiqué en réponse, d'une part, que le réseau du Trésor public poursuivrait la distribution des produits de la Caisse nationale de prévoyance dans les conditions du droit commun, les agents bénéficiant de l'habilitation prévue au 4° de l'article R. 511-2 du code des assurances et cette prestation de services étant rémunérée dans des conditions fixées par voie conventionnelle, de manière compatible avec les règles normales de la concurrence, d'autre part qu'il avait rappelé aux services, par une instruction du 9 août 1993, que les agents distributeurs ne sauraient utiliser les fichiers des contribuables à des fins commerciales, que, vis-à-vis de la clientèle, cette activité doit apparaître bien distincte des activités propres au Trésor public et que le courrier relatif à la Caisse nationale de prévoyance doit être affranchi ; que la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE demande l'annulation des décisions contenues dans cette lettre ;
Considérant, en premier lieu, que la seule décision figurant dans la lettre contestée est celle de poursuivre la distribution des produits d'épargne, de retraite et de prévoyance de la Caisse nationale de prévoyance, dans les conditions du droit commun, selon des modalités financières compatibles avec les règles normales de concurrence, sans utiliser les moyens dont le Trésor dispose dans l'exercice de ses fonctions régaliennes et sans confusion entre ces différentes activités ; que la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre aurait ainsi refusé de mettre fin aux pratiques anormales de démarchage commercial qu'elle dénonçait, d'ailleurs sans faire état de faits précis ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la loi n° 92-665 du 16 juillet 1992 portant adaptation au marché unique européen de la législation applicable en matière d'assurance et de crédit : "L'établissement public à caractère industriel et commercial dénommé Caisse nationale de prévoyance apportera à une société anonyme, créée à cet effet, relevant du code des assurances et appartenant au secteur public, l'ensemble des droits, biens et obligations attachés à son activité ..." ; que le décret n° 93-385 du 19 mars 1993 a abrogé les dispositions spécifiques à la Caisse nationale de prévoyance figurant dans la partie réglementaire du code des assurances, notamment son article R. 433-10, qui habilitait la Caisse nationale de prévoyance à utiliser les services de l'administration du Trésor pour la distribution de ses produits ; que cette abrogation, si elle a mis fin à l'obligation pour les services du Trésor de distribuer les produits de la seule Caissenationale de prévoyance, n'a pas eu pour effet d'interdire à l'Etat de continuer à diffuser, par l'intermédiaire de ces services, des produits d'épargne, de retraite et de prévoyance, sous réserve que l'accès à ce service ne soit pas réservé par principe à certaines entreprises d'assurance, et que les règles du droit de la concurrence ne soient pas méconnues ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'abrogation de l'article R. 433-10, susmentionné, interdirait désormais la distribution par le réseau du Trésor des produits de la Caisse nationale de prévoyance, ne peut être accueilli ;
Considérant, en troisième lieu, que si la fédération requérante soutient que la distribution par les services du Trésor des produits de la Caisse nationale de prévoyance serait constitutive d'une aide contraire à l'article 92 du traité instituant la Communauté économique européenne, devenu article 87 CE les stipulations de cet article ne créent pas de droit dont les requérants puissent se prévaloir devant une juridiction nationale ;
Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des termes mêmes de la décision attaquée que le ministre n'a décidé d'autoriser la poursuite des relations entre la société "Caisse nationale de prévoyance" et le réseau du Trésor qu'en spécifiant qu'elles devaient être conformes au droit de la concurrence, notamment en ce qui concerne la rémunération des prestations assurées et l'absence d'utilisation des avantages liés aux missions de service public par ailleurs assurées par ces services ; que la diffusion par ceux-ci des produits de la société Caisse nationale de prévoyance ne constitue pas par elle-même une aide à cette entreprise ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que la décision attaquée méconnaîtrait le principe de liberté de la concurrence doit être écarté ; que si la fédération requérante soutient que les conditions d'exécution de la décision attaquée ne sont pas conformes aux principes qu'elle retenait, un tel moyen est inopérant à l'appui d'une demande d'annulation de cette décision ;
Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article R. 511-2 du code des assurances : "Les opérations pratiquées par les entreprises mentionnées à l'article L. 310-1 ne peuvent être présentées que par les personnes suivantes, sauf dérogation dans des cas et conditions limitativement fixées par décret en Conseil d'Etat .... 1° Les personnes physiques et sociétés immatriculées au registre du commerce pour le courtage d'assurances et, dans ces sociétés, les associés et les tiers qui ont le pouvoir de gérer ou d'administrer ; 2° Les personnes physiques titulaires d'un mandat d'agent général d'assurances ou chargées à titre provisoire, pour une période de deux ans au plus non renouvelable, des fonctions d'agent général d'assurances ; 3° Les personnes physiques salariées commises à cet effet : a) Soit par une entreprise mentionnée à l'article L. 310-1 ; b) Soit par une personne ou société mentionnée au 1° ci-dessus ; c) Soit par une personne mentionnée au 2° ci-dessus ; 4° Les personnes physiques non salariées, autres que les agents généraux d'assurances, et mandatées à cet effet par une entreprise, société ou personne mentionnée aux a, b et c du 3° ci-dessus ; toutefois, l'activité de ces personnes en matière d'assurance ou de capitalisation est limitée à la présentation d'opérations au sens de l'article R. 511-1, et éventuellement, à l'encaissement matériel des primes ou cotisations et, en outre, en ce qui concerne l'assurance sur la vie et la capitalisation, à la remise matérielle des sommes dues aux assurés ou bénéficiaires" ; que la décision ci-dessus rappelée, du ministre de l'économie, ne méconnaît pas ces dispositions, qui n'excluent pas que les agents des services extérieurs de la direction de la comptabilité publique, lesquels ne sont pas des salariés des personnes mentionnées aux a, b et c du 3°, puissent être habilités à présenter des opérations d'assurance en vertu du 4° ;
Considérant, enfin, que la convention passée entre la Caisse nationale de prévoyance et le Trésor public se borne à prévoir la distribution des produits de la Caisse nationale de prévoyance par le réseau du Trésor ; que les agents destinés à être habilités sont désignés par leur administration qui les charge d'exercer cette activité dans le cadre de leurs fonctions ; que ces agents ne perçoivent aucune rémunération directe de la Caisse nationale de prévoyance ; que la rémunération des services rendus par le réseau du Trésor est versée globalement par la Caissenationale de prévoyance au Trésor public ; que, par suite, la fédération requérante n'est pas fondée à soutenir que cette activité méconnaîtrait les dispositions de l'article 25 de la loi du 13 juillet 1983, aux termes desquelles "les fonctionnaires consacrent l'intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature qu'elle soit ...", ainsi que celles du décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions ; que la circonstance que la redistribution par la direction de la comptabilité publique entre les agents du Trésor public d'une partie du versement fait par la Caisse nationale de prévoyance au Trésor, serait dénuée de fondement légal, à la supposer établie, serait sans incidence sur la légalité de l'activité de distribution de produits d'épargne, de retraite et de prévoyance, à laquelle ils se livrent ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision contenue dans la lettre du ministre de l'économie du 13 décembre 1993 ;
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente affaire, la partie perdante, soit condamné à verser à l'AGEA la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la FEDERATION NATIONALE DES SYNDICATS D'AGENTS GENERAUX D'ASSURANCE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'AGEA, à la société Caisse nationale de prévoyance et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.