Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 25 septembre 1998 et le 22 janvier 1999, présentés pour la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, dont le siège est ... ; la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE demande au Conseil d'Etatd'annuler l'arrêt du 2 juillet 1998 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant que cet arrêt a rejeté sa demande tendant à être garantie par l'Etat des sommes mises à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 18 décembre 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courson, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, et de la SCP Parmentier, Didier, avocat de la commune de Saint-Jean-lès-Buzy,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur les conclusions de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE tendant à l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy :
Considérant que, pour demander à être garantie par l'Etat des condamnations prononcées contre elle en raison de dommages causés par une crue de l'Orne en février 1990, la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE a notamment invoqué devant la cour administrative d'appel de Nancy la faute qu'avait, selon elle, commise le préfet de la Meuse en ne faisant pas usage des pouvoirs de police qu'il tient des articles 103 à 105 du code rural et qui lui permettaient d'ordonner le curage de l'Orne et de ses affluents ;
Considérant que la responsabilité de l'Etat peut être engagée par toute faute commise par le préfet dans l'exercice de ses pouvoirs de police des cours d'eaux non domaniaux ; qu'en se fondant, pour rejeter la demande de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, sur le fait qu'aucune faute lourde n'avait, en l'espèce, été commise par le préfet, la cour administrative d'appel s'est méprise sur les règles qui régissent, en la matière, l'engagement de la responsabilité des personnes publiques et a, dès lors, entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE est, par suite, fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à être garanti par l'Etat des sommes mises à sa charge par le jugement du 18 décembre 1991 du tribunal administratif de Nancy ;
Considérant qu'en application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative, il y a lieu pour le Conseil d'Etat de statuer au fond sur les conclusions de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE tendant à être garantie par l'Etat des condamnations prononcées contre elle ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise réalisée par le professeur Y... à la suite de l'arrêt avant-dire-droit de la cour administrative d'appel de Nancy du 10 novembre 1993, que le curage de l'Orne n'aurait pas eu d'effet significatif sur le niveau des crues ; qu'ainsi, le lien direct et certain entre la faute imputée au préfet et le dommage subi par les riverains, et que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE a été condamnée à réparer, n'est pas établi ;
Considérant, d'autre part, que si les indications qui avaient été données, en 1972, à la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE par la direction départementale de l'agriculture de la Meuse au sujet des crues de l'Orne étaient erronées dès lors, notamment, que les services avaient indiqué, sur la base de la documentation disponible à l'époque, comme centennal un débit de crue qui était en réalité décennal, et si ces services n'avaient pas appelé l'attention de la société requérante sur le caractère limité des données dont ils disposaient, ces faits ne constituent pas, dans les circonstances de l'espèce, une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à être garantie par l'Etat des condamnations prononcées contre elle ;
Sur les conclusions de la commune de Saint-Jean-lès-Buzy tendant au versementd'une somme de 10 000 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE à payer à la commune de Saint-Jean-lès-Buzy la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE tendant à être garantie par l'Etat des sommes mises à sa charge par le jugement du tribunal administratif de Nancy en date du 18 décembre 1991.
Article 2 : Les conclusions de la requête de la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE devant la cour administrative d'appel de Nancy tendant à être garantie par l'Etat des sommes mises à sa charge par le jugement du 18 décembre 1991 du tribunal administratif de Nancy sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions de la commune de Saint-Jean-lès-Buzy tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE DES AUTOROUTES DU NORD ET DE L'EST DE LA FRANCE, à M. Germain X..., à la commune de Saint-Jean-lès-Buzy, au Syndicat intercommunal à vocation multiple d'Etain et au ministre de l'agriculture et de la pêche.