Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 26 février et 20 juin 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour L'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES (U.R.S.S.A.F.) DE LA HAUTE-GARONNE, dont le siège est ... (31061 cedex 4) ; l'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES (U.R.S.S.A.F.) DE LA HAUTE-GARONNE demande au Conseil d'Etat d'annuler le décret n° 96-1123 du 30 décembre 1996 modifiant l'article 23, paragraphe 4, du statut national du personnel des industries électriques et gazières et fixant l'assiette des cotisations dues au régime général de sécurité sociale au titre des agents relevant de ce statut ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la communauté européenne ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi du 8 avril 1946 ;
Vu la loi n° 79-1129 du 28 décembre 1979 ;
Vu la loi n° 96-1093 du 16 décembre 1996 relative à l'emploi dans la fonction publique et à diverses mesures d'ordre statutaire ;
Vu le décret du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les observations de Me Hemery, avocat de l'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE-GARONNE et de la SCP Coutard, Mayer, avocat d'Electricité de France,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par le Premier ministre :
Sur la violation des stipulations de l'article 93-3 (devenu 88-3) du traité instituant la communauté européenne :
Considérant qu'aux termes des stipulations de l'article 93-3 (devenu 88-3) du traité instituant la communauté européenne : "La commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 92, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées avant que cette procédure ait abouti à une décision finale" ; que ces stipulations imposent aux autorités des Etats membres une obligation dont la méconnaissance affecte la validité des actes comportant mise à exécution des mesures d'aides, sans que l'intervention ultérieure d'une décision finale de la commission, déclarant ces mesures compatibles avec le marché commun, ait pour conséquence de régulariser a posteriori les actes invalides ;
Considérant que le décret attaqué introduit dans l'article 23 du statut national du personnel des industries électriques et gazières des dispositions aux termes desquelles : "Les cotisations dues au régime général de la sécurité sociale pour les prestations en nature des assurances sociales et des accidents du travail sont assises sur les rémunérations versées aux agents en activité qui relèvent du régime spécial de sécurité sociale du personnel des industries électriques et gazières. Sont toutefois exclues de l'assiette des cotisations les primes et indemnités versées en application des articles 16, 26 et 27 du présent statut. Sont également exclues de l'assiette des cotisations les primes et indemnités liées à la fonction ou à des sujétions de service ou ayant le caractère de remboursement de frais versées en application de l'article 28 du présent statut et selon les modalités en vigueur au 1er janvier 1997 ..." ; qu'à supposer même que ces dispositions, qui dérogent à la règle, posée par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, selon laquelle sont considérées comme des rémunérations servant d'assiette aux cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, puissent être regardées comme constitutives d'une aide au sens des stipulations précitées de l'article 93 (devenu 88) du traité instituant lacommunauté européenne, des dispositions analogues figuraient dans l'arrêté interministériel du 29 juin 1960 relatif au taux et à l'assiette de la cotisation à verser, au titre des assurances sociales, pour les salariés bénéficiaires du statut national du personnel des industries électriques et gazières ; que, contrairement à ce que soutient l'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE-GARONNE, la décision du 10 juillet 1996 par laquelle le Conseil d'Etat a, par voie d'exception, déclaré illégal, en raison de l'incompétence de ses auteurs, l'arrêté susmentionné du 29 juin 1960 n'a pas eu pour effet d'annuler cet acte, lequel a seulement été abrogé pour l'avenir par l'article 2 du décret attaqué du 30 décembre 1996 ; qu'ainsi, les dispositions litigieuses n'ont été ni instituées, ni modifiées par le décret attaqué ; que, par suite, les auteurs de ce décret, en ne le communiquant pas à la commission européenne préalablement à son adoption, n'ont, en tout état de cause, pas méconnu les stipulations de l'article 93-3 (devenu 88-3) du traité instituant la communauté européenne ;
Sur la méconnaissance des dispositions de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale : "Les conseils d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, de la caisse nationale des allocations familiales et de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale et la commission prévue par l'article L. 221-4 sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence ..." ; qu'aux termes de l'article R. 200-3 du même code : "Lorsque l'avis porte sur un projet de mesure législative ou réglementaire, il doit être notifié au ministre chargé de la sécurité sociale dans le délai de vingt-et-un jours à compter de la date de réception dudit projet. Toutefois, en cas d'urgence, dûment motivée dans la lettre de saisine, ce délai est réduit à onze jours." ;
Considérant que les dispositions introduites par le décret attaqué dans le statut national du personnel des industries électriques et gazières, qui sont relatives à l'assiette des cotisations dues au régime général d'assurance maladie, maternité, accidents du travail et maladies professionnelles pour les prestations en nature servies par ce régime aux agents en activité, en inactivité de service, ainsi qu'à leurs ayants droit qui relèvent du régime spécial de sécurité sociale du personnel des industries électriques et gazières, sont sans incidence sur l'équilibre financier des branches famille et vieillesse et par suite n'entrent pas dans les domaines de compétence respectifs de la caisse nationale des allocations familiales et de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés ; que, dès lors, le décret attaqué a pu légalement intervenir sans qu'il fût procédé à la consultation préalable du conseil d'administration de ces deux organismes ;
Considérant qu'aux termes de l'article 91 de la loi susvisée du 16 décembre 1996 : "Sous réserve des décisions juridictionnelles passées en force de chose jugée, sont validés les versements de cotisation effectués pour les années 1984 à 1996, au titre des assurances sociales, pour les salariés bénéficiaires du statut national du personnel des industries électriques et gazières, en tant que la légalité de ces versements serait contestée par le moyen tiré de l'incompétence des auteurs de l'arrêté interministériel du 29 juin 1960 relatif au taux et à l'assiette de la cotisation à verser, au titre des assurances sociales, pour les salariés relevant du statut national du personnel des industries électriques et gazières" ; que, dès lors que ces dispositions ne valident que les versements de cotisation effectués avant le 31 décembre 1996, les auteurs du décret attaqué du 30 décembre 1996 ont pu légalement estimer que l'avis des organismes saisis le 17 décembre 1996, en application des dispositions susrappelées de l'article L. 200-3 du code de la sécurité sociale, devait être recueilli dans le cadre de la procédure d'urgence prévue par l'article R. 200-3 du même code ;
Sur la méconnaissance du principe d'égalité devant les charges publiques :
Considérant que l'U.R.S.S.A.F. DE LA HAUTE-GARONNE soutient qu'une atteinte au principe général d'égalité devant les charges publiques, en faveur d'Electricité de France et de Gaz de France, résulte de la seule circonstance que les dispositions introduites par le décret attaqué à l'article 23 du statut national du personnel des industries électriques et gazières excluent de l'assiette des cotisations dues au régime général de la sécurité sociale pour les prestations en nature des assurances sociales et des accidents du travail certains éléments de rémunération compris dans l'assiette de droit commun des cotisations sociales fixée par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ; que, toutefois, le principe général d'égalité devant les charges publiques ne s'oppose pas à ce que des personnes affiliées à des régimes de sécurité sociale différents, lesquels forment un ensemble dont aucune disposition ne peut être envisagée isolément, soient soumises à des règles d'assiette différentes pour le calcul du montant des cotisations ;
Sur la subdélégation de compétence :
Considérant qu'aux termes de l'article 28 du statut national du personnel des industries électriques et gazières : "Les indemnités de toute nature : de déplacements, de bicyclettes, de motocyclettes, d'automobiles, de panier de nuit ou de lieu de travail éloigné, de casse-croûte, d'outillage, de fonctions, de permanence, de passe de caisse, de tenue de services ou de vêtements de travail, en nature ou en argent, seront fixées par la commission supérieure nationale du personnel. Les avantages dits "en nature" seront maintenus aux agents en situation d'inactivité (pensionnés)" ;
Considérant que l'U.R.S.S.A.F. DE LA HAUTE-GARONNE soutient que le décret attaqué institue une subdélégation de compétence illégale au profit de la commission nationale supérieure de personnel des industries électriques et gazières, en introduisant à l'article 23 du statut national du personnel des dispositions qui excluent de l'assiette des cotisations les primes et indemnités versées en application de l'article 28 du statut, lesquelles primes et indemnités seraient, selon la requérante, déterminées par ladite commission ; que, toutefois, les dispositions de son article 1er précisant que l'exclusion vise seulement les primes et indemnités versées en application de l'article 28 du statut "selon les modalités en vigueur au 1er janvier 1997", le décret du 30 décembre 1996, qui, en vertu des dispositions de son article 3, a pris effet au 1er janvier 1997, n'a, en tout état de cause, pas investi la commission nationale supérieure du personnel du pouvoir de déterminer l'assiette des cotisations dues au régime général de la sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'U.R.S.S.A.F. DE LA HAUTE-GARONNE n'est pas fondée à demander l'annulation du décret attaqué ;
Article 1er : La requête de l'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE-GARONNE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SECURITE SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE LA HAUTE-GARONNE, au Premier ministre, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'emploi et de la solidarité.