Vu la requête, enregistrée le 13 août 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DU VAL-DE-MARNE ; le PREFET DU VAL-DE-MARNE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 12 juillet 1999 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Melun a annulé son arrêté du 2 juillet 1999 ordonnant la reconduite à la frontière de M. Lakhdar X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Forray, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de Mme Boissard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police, peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants ( ...) 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire français au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Lakhdar X..., de nationalité algérienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter du 15 avril 1999, date à laquelle il a reçu notification de la décision du 2 avril 1999 par laquelle le PREFET DU VAL-DE-MARNE a refusé de lui délivrer un titre de séjour ; que M. X... se trouvait dans le champ d'application des dispositions précitées où le préfet peut ordonner la reconduite à la frontière d'un étranger ;
Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 27 bis ajouté à l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 24 août 1993 : "Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ..." ; que ce dernier texte énonce que : "Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;
Considérant que ces dispositions combinées font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'intéressé s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques, dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant algérien, est entré en France le 18 septembre 1998, âgé de dix-huit ans, avec un passeport muni d'un visa de trente jours ; qu'il a été hébergé et pris en charge par sa tante, tutrice légale de nationalité française, afin de poursuivre sa scolarité de lycéen ; que l'intéressé a échappé juste avant son entrée en France en 1998 à un attentat en Algérie où quatre de ses amis ont été tués ; que sa famille a reçu à plusieurs reprises des lettres de menaces en raison de la situation du père, militaire de carrière ; que sa soeur a échappé à un attentat à la bombe ; que le ministère de l'intérieur algérien produit une attestation selon laquelle un employé a été assassiné dans le magasin dont le frère de M. X... est le gérant ; que, dans ces circonstances, il est établi que M. X... encourrait, en cas de retour dans son pays, de graves menaces pour sa vie ; qu'ainsi, et nonobstant le fait que la demande de l'intéressé tendant à obtenir le bénéfice de l'admission à l'asile territorial a été rejetée par décision en date du 26 mars 1999 du ministre de l'intérieur après avis du ministre des affaires étrangères au motif que l'intéressé ne faisait pas l'objet de menaces sérieuses à l'égard de sa personne, l'arrêté du 2 juillet 1999 par lequel le PREFET DU VAL-DE-MARNE a ordonné sa reconduite vers son pays est intervenu en méconnaissance des dispositions introduites à l'article 27 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 par la loi du 24 août 1993 ; que, par suite, le PREFET DU VAL-DE-MARNE n'est pas fondé à soutenir, par les moyens qu'il invoque, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif a annulé son arrêté en date du 2 juillet 1999 ensemble la décision du 12 juillet 1999 fixant le pays de renvoi ;
Article 1er : La requête du PREFET DU VAL-DU-MARNE est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au PREFET DU VAL-DU-MARNE, à M. Lakhdar X... et au ministre de l'intérieur.