Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés respectivement les 7 août et 7 décembre 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. X... Hoang TRAN demeurant 4, place de l'Eglise, à Niederhaslach (67290) ; M. Y... demande au Conseil d'Etat d'annuler la décision du 7 mai 1998 par laquelle la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins, réformant une décision du conseil régional de l'Ordre des médecins d'Alsace en date du 2 septembre 1995 lui infligeant la sanction de l'interdiction d'exercer la médecine pendant quatre mois, a réduit la durée de cette interdiction à deux mois ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu le décret n° 48-1671 du 26 octobre 1948 modifié ;
Vu le décret n° 79-506 du 28 juin 1979 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Desrameaux, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de M. Y... et de la SCP Vier, Barthélemy, avocat de la Section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, si le mémoire produit le 4 mai 1998 devant la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins par le médecin conseil, chef du service du contrôle médical près la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat n'a été adressé à l'avocat de M. Y... par télécopie que le 6 mai 1998, soit deux jours avant l'audience tenue par cette juridiction, il ne comportait aucun élément sur lequel l'intéressé n'avait été antérieurement mis à même de présenter ses observations ; qu'ainsi le requérant n'est pas fondé à prétendre que la production tardive du mémoire en cause aurait porté atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure ;
Considérant qu'en l'absence de toute disposition législative ou réglementaire contraire, les juridictions disciplinaires de l'Ordre des médecins, saisies d'une plainte contre un praticien, peuvent légalement connaître de l'ensemble du comportement professionnel de l'intéressé et ne sont pas tenues de limiter leur examen aux seuls faits dénoncés par la plainte ; que, dans l'exercice de la mission ainsi définie, il leur est loisible, le cas échéant, de retenir une qualification juridique destinée à caractériser un comportement fautif sur le plan déontologique autre que celle initialement énoncée dans la plainte qui était à l'origine de la procédure ; que, toutefois, dans la mise en oeuvre de la faculté d'appréciation dont elles disposent, les juridictions disciplinaires doivent, pour se conformer au principe des droits de la défense, permettre au praticien poursuivi de s'expliquer sur l'ensemble des faits qu'elles envisagent de retenir à son encontre ;
Considérant qu'à la suite d'une décision du 21 janvier 1994 de la section des assurances sociales du conseil régional de l'Ordre des médecins d'Alsace passée en force de chose jugée interdisant à M. Y... de donner des soins aux assurés sociaux pendant un mois, le médecin conseil de la caisse primaire d'assurance maladie de Sélestat, estimant que l'intéressé ne s'était pas conformé à cette décision, a saisi le conseil régional d'une plainte reprochant à ce praticien de s'être livré à un exercice illégal de la médecine ; que, dès lors que le médecin poursuivi a été mis en mesure de présenter utilement sa défense sur les faits retenus à son encontre, le conseil régional puis la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins ont pu légalement donner à ces faits une qualification autre que celle mentionnée dans la plainte, en les regardant comme constitutifs d'une inexécution de l'interdiction temporaire de donner des soins aux assurés sociaux ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, du 16 mai au 15 juin 1994, période fixée pour l'exécution de la sanction infligée le 21 janvier 1994, M. Y... a donné des soins à trente-quatre assurés sociaux au moins ; qu'en l'état des constatations auxquelles elle a procédé, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins n'a pas qualifié de manière erronée les faits de l'espèce en estimant que, même s'il avait fait connaître, avant le début de la période d'exécution de la sanction, sa décision de se placer hors de la convention nationale prévue à l'article L. 162-5 du code de sa sécurité sociale, le requérant s'était soustrait à cette exécutionet avait ainsi commis une faute de nature à justifier une nouvelle sanction disciplinaire ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie : "Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles ... - Sauf mesure individuelle accordée par décret du Président de la République, sont exclus du bénéfice de l'amnistie ... les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur" ; qu'en jugeant que les faits retenus à l'encontre de M. Y... présentaient le caractère d'un manquement à l'honneur et étaient, par suite, exclus du bénéfice de l'amnistie, la section disciplinaire du Conseil national de l'Ordre des médecins a fait une exacte application des dispositions législatives précitées ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision attaquée ;
Article 1er : La requête de M. Y... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. X... Hoang TRAN, au Conseil national de l'Ordre des médecins et au ministre de l'emploi et de la solidarité.