Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 15 février et 15 juin 1999 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Patrick X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 15 décembre 1998 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 16 juillet 1998 du tribunal administratif de Melun rejetant sa demande d'annulation de la décision du 4 mars 1996 du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne lui refusant l'allocation d'aide à la création d'entreprise et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Prada Bordenave, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Le Prado, avocat de M. Patrick X...,
- les conclusions de Mlle Fombeur, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 4 mars 1996, notifiée le 6 mars 1996, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne a rejeté la demande de M. X... tendant à obtenir le bénéfice de l'aide à la création d'entreprise ; que le recours hiérarchique de l'intéressé contre cette décision, reçu par le ministre du travail et des affaires sociales le 7 mai 1996, a été formé, contrairement à ce que soutient le ministre, dans le délai du recours contentieux ; que, par lettre du 18 juin 1996, le ministre a fait savoir à M. X... que le délai de quatre mois à l'expiration duquel il devrait, en cas de silence gardé par l'administration, considérer qu'une décision implicite de rejet était intervenue, devait être décompté à partir du 15 mai 1996 ; que, du fait de cette indication erronée, le délai n'a commencé à courir qu'à compter de cette date ; qu'en conséquence, la demande présentée par M. X... au tribunal administratif de Melun le 12 novembre 1996 n'était pas tardive ; qu'en se référant à la date du 7 mai 1996 pour juger tardive et, comme telle, irrecevable, la demande de première instance de M. X..., la cour administrative d'appel de Paris a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que M. X... est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie"; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la demande de M. X... présentée devant le tribunal administratif de Melun le 12 novembre 1996 n'était pas tardive ; que, par suite, M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort qu'elle a été rejetée comme irrecevable en raison de sa tardiveté ;
Considérant qu'il a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Melun ;
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 351-24 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi du 4 août 1995, en vigueur à la date de la décision attaquée : "Peuvent bénéficier d'une aide de l'Etat les demandeurs d'emploi inscrits plus de six mois au cours des dix-huit derniers mois, indemnisés ou non, et les bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion, qui créent ou reprennent une entreprise individuelle, commerciale, artisanale ou agricole, soit à titre individuel, soit sous la forme d'une société, à condition d'en exercer effectivement le contrôle, ou qui entreprennent l'exercice d'une autre profession salariée" ; qu'aux termes du troisième alinéa de l'article R. 351-43 du même code : "La demande doit être accompagnée d'un dossier permettant d'apprécier la réalité et la consistance du projet de création ou de reprise de l'entreprise ou d'exercice de la nouvelle activité ; ce dossier doit comporter des indications précises sur le contenu du projet, les conditions d'acquisition des actifs, les apports de fonds propres et les concours financiers nécessaires pour assurer l'exploitation de l'entreprise, ainsi que sur les conditions de l'exercice effectif du contrôle de celle-ci" ;
Considérant que, pour refuser l'aide à la création d'entreprise sollicitée par M. X..., le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne s'est fondé, dans sa décision du 4 mars 1996, sur la circonstance que M. X... avait précédemment exercé les fonctions de gérant d'une société qui avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire et sur le manque d'éléments permettant de démontrer la viabilité économique de son projet ;
Considérant, d'une part, que le dossier présenté par M. X... comportait un plan de financement prévisionnel incomplet ne précisant ni ses besoins de financement, ni le détail des prévisions de ressources de son activité pour les deux exercices à venir ; qu'en l'absence d'autres éléments d'appréciation, le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne a pu légalement, par sa décision du 4 mars 1996, qui est suffisamment motivée, refuser à M. X... l'aide à la création d'entreprise en se fondant sur le caractère lacunaire du dossier présenté qui ne permettait pas d'apprécier la réalité et la consistance du projet de création de l'entreprise ; qu'il ressort des pièces du dossier que le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne aurait pris la même décision s'il n'avait retenu que ce motif ;
Considérant, d'autre part, que la circonstance alléguée par le requérant que les premiers résultats dégagés par l'entreprise, postérieurement à la date de la décision attaquée, sont satisfaisants est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 4 mars 1996 du directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle du Val-de-Marne lui refusant le bénéfice de l'allocation d'aide à la création d'entreprise ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. X... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 15 décembre 1998 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Melun du 16 juillet 1998 est annulé.
Article 3 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Melun et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Patrick X... et au ministre de l'emploi et de la solidarité.