Vu la requête, enregistrée le 28 février 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société suisse HUBERTUS AG dont le siège est 3, Flora X... à Solothurn (Suisse), représentée par ses dirigeants légaux en exercice, domiciliés à cet effet audit siège ; la société suisse HUBERTUS AG demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler un arrêt du 19 octobre 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du 29 octobre 1992 du tribunal administratif de Nice rejetant sa demande en décharge de l'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'année 1982 ;
2°) de la décharger de ladite imposition ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la convention fiscale entre la France et la Suisse, du 9 septembre 1966 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Lesourd, avocat de la société suisse HUBERTUS AG,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société suisse HUBERTUS AG, qui détenait 90 % des parts de la société civile immobilière "Château des Pins", propriétaire d'un immeuble à Antibes, a été imposée en France, au titre de l'année 1982, sur sa part de la plus-value réalisée par la société civile immobilière à l'occasion de la vente de cet immeuble effectuée le 9 avril de la même année ; qu'elle se pourvoit en cassation contre l'arrêt par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté ses conclusions en décharge de cette imposition ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 du code général des impôts " ... les associés des sociétés en nom collectif et les commandités des sociétés en commandite simple sont, lorsque ces sociétés n'ont pas opté pour le régime fiscal des sociétés de capitaux, personnellement soumis à l'impôt sur le revenu pour la part des bénéfices sociaux correspondant à leurs droits dans la société. Il en est de même, sous les mêmes conditions : 1°) des membres des sociétés civiles qui ne revêtent pas en droit ou en fait l'une des formes de sociétés visées à l'article 206-1 et qui ... ne se livrent pas à une exploitation ou à des opérations visées aux articles 34 et 35 ..." et qu'aux termes de l'article 218 bis du même code : "les sociétés ou personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés ... sont personnellement soumises audit impôt à raison de la part des bénéfices correspondant aux droits qu'elles détiennent, dans les conditions prévues aux articles 8, 8 quater et 1655 ter, en qualité d'associées en nom ou commanditées ou de membres de sociétés visées auxdits articles" ; que les sociétés de personnes et les groupements mentionnés par les dispositions précitées, qui, ont une personnalité distincte de celle de leurs membres, exercent une activité ou effectuent des opérations qui leur sont propres ; que, dans la mesure où les actes correspondant à cette activité ou ces opérations sont accomplies en France, les bénéfices réalisés par ces sociétés ou ces groupements sont imposables en France entre les mains de leurs membres, y compris de ceux qui résident hors de France, à proportion des droits qu'ils détiennent dans la société de personnes, ou le groupement, sauf stipulation contraire d'une convention internationale relative aux doubles impositions ;
Considérant que si, aux termes du 1, invoqué par la société requérante, de l'article 7 de la convention conclue le 9 septembre 1966 entre la France et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur le revenu et sur la fortune : "Les bénéfices d'une entreprise d'un Etat contractant ne sont imposables que dans cet Etat, à moins que l'entreprise n'exerce son activité dans l'autre Etat contractant par l'intermédiaire d'un établissement stable qui y est situé" et s'il est constant que la société suisse HUBERTUS AG n'avait en France aucun établissement stable, ni, d'ailleurs aucune activité propre, le 7 du même article 7 stipule : "Lorsque les bénéfices comprennent des éléments de revenu traités séparément dans d'autres articles de la présente convention les dispositions de ces articles ne sont pas affectés par les dispositions du présent article" ;
Considérant que pour valider l'imposition en France de la société suisse HUBERTUS AG, la cour administrative d'appel de Lyon s'est fondée sur les dispositions de l'article 15-1 de la convention susmentionnée ; qu'aux termes de l'article 15-1 : "les gains provenant de l'aliénation de biens immobiliers ... sont imposables dans l'Etat contractant où ces biens sont situés ..." ; que, toutefois la plus-value immobilière à raison de laquelle l'imposition litigieuse a été établie au nom de la société suisse HUBERTUS AG, n'a pas été réalisée par cette dernière, mais par la société civile immobilière "Château des Pins" ; que si les stipulations susrappelées de l'article 15-1 de la convention ont pour effet de réserverà la France l'imposition des plus-values immobilières réalisées en France par une entreprise suisse dont les bénéfices seraient normalement imposables en Suisse en vertu de l'article 7 1, elles sont sans application pour déterminer le lieu d'imposition des revenus que cette entreprise tire des droits qu'elle détient dans une société civile soumise au régime des sociétés de personnes, quelles que soient les opérations à l'origine de ces revenus ; que, par suite, en jugeant que la société suisse HUBERTUS AG était imposable en France sur le fondement de l'article 15-1 de la convention fiscale franco-suisse à raison de la fraction de la plus-value réalisée par la société civile immobilière "Château des Pins" correspondant à ses droits dans cette société, la cour administrative d'appel de Lyon a entaché son arrêt d'une erreur de droit ;
Mais considérant qu'aux termes du 8 de l'article 7 de la convention du 9 septembre 1966 modifiée : "Les revenus provenant ... de droits dans des associations en participation ou des sociétés civiles de droit français, si celles-ci sont soumises au régime fiscal des sociétés de personnes sont imposables dans l'Etat contractant où les entreprises en question ont un établissement stable" ; qu'il ressort des stipulations du a) du 2 de l'article 5 de la même convention que l'expression "établissement stable" comprend notamment ... "un siège de direction" ; que la société civile immobilière "Château des Pins", dont le siège de direction était à Antibes, étant ainsi établie en France au sens de ces stipulations, la société suisse HUBERTUS AG était imposable en France, en application des stipulations de la convention et des dispositions susrappelées du code général des impôts, sur la part, correspondant à ses droits dans la société civile immobilière "Château des Pins", de la plus-value réalisée par cette dernière ; que ce motif, qui avait été invoqué devant les juges du fond par le ministre de l'économie et des finances et n'implique l'appréciation d'aucune circonstance de fait, doit être substitué au motif, erroné en droit, retenu dans l'arrêt de la cour administrative d'appel, dont il justifie le dispositif ; que la société suisse HUBERTUS AG n'est donc pas fondée à demander l'annulation de cet arrêt ;
Article 1er : La requête de la société suisse HUBERTUS AG est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société suisse HUBERTUS AG et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.