Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 24 avril 1995 et 26 juin 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Serge X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 23 février 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Lyon a rejeté sa requête aux fins de décharge de pénalités fiscales auxquelles la S.A.R.L. "Utac" a été assujettie par voie de rôle mis en recouvrement le 31 décembre 1983 et au paiement desquelles il a été recherché en sa qualité de débiteur solidaire et de condamner l'Etat à lui verser une somme correspondant aux frais irrépétibles ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de cassation :
Considérant qu'aux termes de l'article R. 138 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, les pièces éventuellement jointes aux mémoires ou observations sont "communiquées dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues pour les requêtes" ; que le respect de ces dispositions impose aux juridictions de communiquer de leur propre initiative à la partie adverse les pièces que produit l'une d'entre elles et qui sont de nature à influer sur le sens de leur décision ; que la cour administrative d'appel de Lyon a, par suite, commis une erreur de droit en se fondant, pour juger régulière la procédure contentieuse suivie devant le tribunal, sur la circonstance que les premiers juges n'avaient pas refusé de lui communiquer les pièces produites par l'administration et sur lesquelles ils se sont, notamment, fondés pour rejeter sa demande ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander que l'arrêt attaqué soit annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Sur la régularité du jugement du tribunal administratif de Marseille :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal administratif a rendu le jugement critiqué, délibéré à l'issue de son audience du 28 octobre 1993, sans avoir donné à M. X... communication de documents joints par le directeur des services fiscaux à son dernier mémoire, enregistré au greffe du tribunal le 18 octobre 1993, et sur lesquels il s'est fondé pour écarter l'un des moyens soulevés par le demandeur ; que M. X..., dès lors, est fondé à soutenir que ce jugement, intervenu en méconnaissance du caractère contradictoire de la procédure, doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer, pour y statuer immédiatement, la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif ;
Au fond, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... :
Considérant que la pénalité fiscale prévue à l'article 1763 A du code général des impôts est au nombre des sanctions qui doivent être motivées en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 et de l'article L. 80 D du livre des procédures fiscales ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que les pénalités dont, sur le fondement des dispositions du second alinéa de l'article 1763 A du code général des impôts, le paiement a été réclamé à M. X... en sa qualité de gérant, solidairement responsable dudit paiement, de la S.A.R.L. "Utac" ont été mises en recouvrement, au nom de cette dernière, le 31 décembre 1983, à défaut de réponse, de sa part, à la demande qui lui avait été faite, dans une notification de redressements du 4 août 1983, de désigner les bénéficiaires de revenus distribuésau cours de ses exercices clos en 1981 et 1982 ; qu'il n'est pas contesté par le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie qu'ainsi que le soutient M. X..., l'administration n'a adressé à la S.A.R.L. "Utac", postérieurement à l'expiration du délai de réponse de trente jours prévu à l'article 117 du code général des impôts et de laquelle est résulté le fait générateur des pénalités, aucune autre correspondance comportant motivation de celles-ci ; que M. X... est, par suite, fondé à demander que la S.A.R.L. "Utac" soit déchargée de ces pénalités, irrégulièrement établies ;
Sur l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Etat à payer à M. X..., au titre des frais par lui exposés devant le Conseil d'Etat et non compris dans les dépens, la somme de 17 790 F ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 23 février 1995 et le jugement du tribunal administratif de Marseille du 22 décembre 1993 sont annulés.
Article 2 : La S.A.R.L. "Utac" est déchargée des pénalités fiscales auxquelles elle a été assujettie par voie de rôle mis en recouvrement le 31 décembre 1983 et dont le paiement a été réclamé à M. X....
Article 3 : L'Etat versera à M. X..., au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 17 790 F.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Serge X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.