Vu 1°), sous le n° 188794, la requête enregistrée le 3 juillet 1997, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER (A.N.I.F.O.M.), dont le siège est ... ; l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 29 avril 1997 de la cour administrative d'appel de Nancy en tant qu'il a condamné l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER à verser à M. Jean-Pierre X... une somme de 60 000 F et, statuant au fond, en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de rejeter la demande présentée par M. X... ;
Vu 2°), sous le n° 188878, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 7 juillet et 7 novembre 1997 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat d'annuler le même arrêt en date du 29 avril 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 25 novembre 1994 de la commission du contentieux de l'indemnisation de Nancy rejetant sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 décembre 1986 du directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer (A.N.I.F.O.M.) relative à l'indemnisation de biens sis en Algérie et, statuant au fond, en application de l'article 11 de la loi du 30 décembre 1987, d'annuler la décision du 8 décembre 1986 du directeur général de l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer (A.N.I.F.O.M.) relative à l'indemnisation de biens sis en Algérie, de lui accorder une indemnité de 362 045 F avec les intérêts de droit à compter du 21 février 1981 et d'ordonner la capitalisation des intérêts, enfin, de condamner l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'Outre-mer (A.N.I.F.O.M.) à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 61-1439 du 26 décembre 1961 relative à l'accueil et à la réinstallation des Français d'outre-mer, installés dans une profession non salariée ;
Vu la loi n° 70-362 du 15 juillet 1970 modifiée relative à une contribution nationale à l'indemnisation des Français dépossédés de leurs biens situés dans un territoire antérieurement placé sous la souveraineté, le protectorat ou la tutelle de la France ;
Vu la loi n° 87-549 du 16 juillet 1987 relative au règlement de l'indemnisation des rapatriés ;
Vu le décret n° 70-720 du 5 août 1970 relatif à la détermination et à l'évaluation des biens indemnisables situés en Algérie ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Gounin, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Ancel, Couturier-Heller, avocat de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER, de la SCP Lyon-Caen, Fabiani, Thiriez, avocat de M. Jean-Pierre X...,
- les conclusions de Mme Daussun, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER et de M. X... sont dirigées contre un même arrêt ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne l'indemnisation des biens de M. X... situés à Blida et à Alger :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi susvisée du 15 juillet 1970 :"Pour prétendre à indemnisation, le demandeur doit apporter la justification : 1° De son droit de propriété ; 2° De la superficie bâtie, de la contenance des terrains d'assise" ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 13 du décret du 5 août 1970 relatif à la détermination et à l'évaluation des biens indemnisables situés en Algérie : "La superficie bâtie développée, la contenance des terrains d'assise et la date d'entrée dans le patrimoine sont justifiées par les titres de propriété, règlements de copropriété, statuts sociaux ou tout autre document susceptible de faire preuve en justice" ;
Considérant qu'en estimant que M. X... n'avait produit aucun document probant de nature à infirmer les mentions des attestations notariales des 28 avril et 23 septembre 1971 sur lesquelles s'est fondée l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER pour fixer la valeur d'indemnisation de ses biens situés à Blida et à Alger, la cour administrative d'appel s'est, par un arrêt suffisamment motivé, livrée à une appréciation souveraine des faits qu'elle n'a pas dénaturés, insusceptible d'être discutée devant le juge de cassation ; que les conclusions de M. X... tendant à l'annulation sur ce point de l'arrêt attaqué doivent, dès lors, être rejetées ;
En ce qui concerne l'exécution de la décision du Conseil d'Etat du 20 février 1981 :
Considérant que, par une décision du 20 février 1981, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a affecté à la valeur de la masse des biens indemnisables de M. X... le taux de majoration applicable à la date de cette décision, sauf en ce qui concerne les sommes qui auraient été payées antérieurement et qui sont affectées du taux applicable à l'année 1977 pour les sommes réglées avant le 31 décembre 1977 ou à l'année du paiement pour les sommes réglées entre le 1er janvier 1978 et le 31 décembre 1980 ; que la cour, estimant que l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER n'avait pas entièrement exécuté cette décision du Conseil d'Etat, a condamné l'agence à verser à M. X... une indemnité complémentaire de 60 000 F ;
Considérant qu'aux termes de l'article 30-I de la loi susvisée du 15 juillet 1970 : "La valeur d'indemnisation de la masse des biens indemnisables déterminée par application des dispositions du présent titre est affectée, pour les dossiers liquidés jusqu'au 31 décembre 1974, d'un taux de majoration de 15 %./ A compter du 1er janvier 1975, la valeur d'indemnisation résultant des dispositions de l'alinéa précédent sera majorée d'un taux annuel de revalorisation, égal au taux moyen du relèvement des tranches du barème de l'impôt sur le revenu et fixé par arrêté du ministre de l'économie et des finances" ; que ces dispositions excluent toute possibilité d'évaluation forfaitaire ; que l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy, en tant qu'il a condamné l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER à verser à M. X... une indemnité forfaitaire de 60 000 F, a méconnu ces dispositions et doit, sur ce point, être annulé ;
En ce qui concerne les intérêts moratoires demandés par M. X... en raison du retard pris par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER pour l'indemniser :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier du juge du fond que M. X... a demandé à être indemnisé pour la perte d'une propriété agricole sise à Blida ; que l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER, par lettre en date du 29 novembre 1984, l'a informé des modalités de calcul de la valeur d'indemnisation de ce bien, à la suite de la décision de l'instance arbitrale du 11 octobre 1984 ; que c'est seulementle 8 décembre 1986 que l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a liquidé l'indemnité promise ; qu'en estimant que les demandes présentées par M. X... devant la commission ne tendaient pas au paiement de cette somme et que la décision du 8 décembre 1986 présentait un caractère "spontané", la cour administrative d'appel de Nancy a dénaturé les faits de la cause ; que M. X... est, dès lors, fondé à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en ce qu'il se prononce sur son droit à des intérêts moratoires ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, sur les deux points ayant fait l'objet d'une annulation, de régler l'affaire au fond ;
Sur l'exécution de la décision du Conseil d'Etat en date du 20 février 1981 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'après la décision du 20 février 1981 du Conseil d'Etat, l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a mis en paiement le 14 octobre 1981 au profit de M. X... une somme de 2 443,48 F ; qu'elle a ainsi entièrement exécuté cette décision en ce qui concerne tant la détermination des coefficients de revalorisation que le calcul des intérêts alors dus à M. X... ; que les conclusions d'appel formées sur ce point par ce dernier doivent, par suite, être rejetées ;
Sur les intérêts moratoires :
Considérant qu'en raison des règles applicables à la liquidation des indemnités dues aux Français dépossédés, en cas de recours aboutissant à l'annulation ou à la réformation de la décision du directeur de l'agence, les intérêts au taux légal qui peuvent être demandés sur les sommes dues et non réglées ne sont dus qu'à compter de la date de l'introduction d'un tel recours qui peut être formé soit devant l'agence, soit devant la commission du contentieux de l'indemnisation, soit devant l'instance arbitrale créée par la loi du 2 janvier 1978 ;
Considérant qu'à la suite de la première liquidation par l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER de l'indemnisation de M. X..., par décisions des 6 mars 1980 et 15 janvier 1982, le requérant a saisi l'instance arbitrale le 9 février 1982 ; qu'à la suite de cette saisine, l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER a majoré son évaluation initiale et procédé, le 8 décembre 1986, au règlement du solde de l'indemnité due à M. X..., soit 17 171,10 F ; que, si, en application de la règle ci-dessus rappelée, le droit de celui-ci à des intérêts moratoires courait à compter de la saisine de l'instance arbitrale et sur l'ensemble de l'indemnisation à laquelle il a droit, il se borne à demander l'allocation d'intérêts de retard sur la somme de 17 171,10 F, à compter du 29 novembre 1984 ; qu'il est, dès lors, fondé à demander l'annulation de la décision susvisée de la commission d'indemnisation de Nancy ayant rejeté cette demande ; qu'il y a lieu, par suite, de condamner l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER à lui payer, sur la somme de 17 171,10 F, les intérêts au taux légal à compter du 29 novembre 1984 et jusqu'au 8 décembre 1986 ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER (A.N.I.F.O.M.) à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 29 avril 1997 est annulé en tant qu'il condamne l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER à verser à M. X... une somme de 60 000 F et en tant qu'il déclare irrecevables les conclusions de M. X... relatives aux intérêts moratoires.
Article 2 : La décision en date du 25 novembre 1994 de la commission du contentieux de l'indemnisation de Nancy est annulée en ce qu'elle rejette les conclusions de M. X... tendant au paiement d'intérêts moratoires.
Article 3 : L'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER est condamnée à verser à M. X... les intérêts sur la somme de 17 171,10 F, qui courront du 29 novembre 1984 au 8 décembre 1986.
Article 4 : Le surplus des conclusions du pourvoi et de la requête d'appel de M. X... est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. Jean-Pierre X..., au directeur général de l'AGENCE NATIONALE POUR L'INDEMNISATION DES FRANCAIS D'OUTRE-MER (A.N.I.F.O.M.) et au ministre de l'emploi et de la solidarité.