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28/07/1999 | FRANCE | N°183804

France | France, Conseil d'État, 1 / 4 ssr, 28 juillet 1999, 183804


Vu la requête enregistrée le 25 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS (Seine-Saint-Denis), régulièrement représentée par son maire ; la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 août 1996 par lequel la cour administrative d'appel a rejeté sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris rendu le 15 décembre 1994 la condamnant à verser aux consorts X... la somme de 154 782 F ;
2°) de rejeter les demandes présentées par les consort

s X... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de condamner le...

Vu la requête enregistrée le 25 novembre 1996 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS (Seine-Saint-Denis), régulièrement représentée par son maire ; la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 30 août 1996 par lequel la cour administrative d'appel a rejeté sa demande d'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris rendu le 15 décembre 1994 la condamnant à verser aux consorts X... la somme de 154 782 F ;
2°) de rejeter les demandes présentées par les consorts X... devant le tribunal administratif de Paris ;
3°) de condamner les consorts X... à lui verser la somme de 20 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Boissard, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Gatineau, avocat de la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS et de la SCP Tiffreau, avocat des consorts X...,
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;

Sur le pourvoi principal de la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS :
Considérant que la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS se pourvoit en cassation contre un arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 30 août 1996 en tant que cet arrêt a rejeté ses conclusions dirigées contre le jugement du 15 décembre 1994 par lequel le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser aux consorts X... la somme de 154 782 F avec intérêts au taux légal à compter du 7 mars 1994 en réparation du préjudice qu'avait causé à ces derniers une décision illégale du maire de Montreuil-sous-Bois du 26 août 1991 exerçant au nom de la commune le droit de préemption sur un pavillon leur appartenant et situé dans une zone d'aménagement différé ;
Considérant que, si la commune demande l'annulation de l'arrêt attaqué par voie de conséquence de l'annulation de l'arrêt du 17 février 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Paris avait confirmé l'annulation, par un jugement du tribunal administratif de Paris, de la décision de préemption du 26 août 1991, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, par une décision rendue le 30 juillet 1997, après avoir, il est vrai, annulé l'arrêt de la cour administrative d'appel, a, réglant l'affaire au fond, confirmé l'annulation de la décision du 26 août 1991 pour méconnaissance des prescriptions de la loi susvisée du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs ; qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être écarté ;
En ce qui concerne le lien entre le vice de la décision de préemption et le préjudice subi par les consorts X... :
Considérant que, pour condamner la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS à indemniser les consorts X..., la cour administrative d'appel a relevé que l'illégalité de la décision du 26 août 1991 engageait la responsabilité de la commune à leur égard ; qu'elle a ainsi, implicitement mais nécessairement, jugé que le préjudice résultant pour eux de l'impossibilité dans laquelle ils s'étaient trouvés, du fait de la décision de préemption, de donner suite à la promesse de vente du pavillon qu'ils avaient contractée, était la conséquence de l'illégalité dont était entachée ladite décision ;
Considérant, en premier lieu, qu'en statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit, dans la mesure où il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS n'avait apporté aucun élément de nature à démontrer que son droit de préemption avait été exercé dans un but d'intérêt général, seul à même de justifier l'exercice de cette faculté ouverte aux collectivités publiques à l'encontre des aliénations d'immeubles à l'intérieur des zones d'aménagement différé ;

Considérant, en second lieu, que, alors même qu'il appartient aux juges du fond, dans la limite des conclusions des parties, de refuser, au besoin d'office, d'indemniser un chef de préjudice qui n'est pas la conséquence directe d'un fait dommageable, dans la mesure où les personnes publiques ne peuvent être condamnées à payer une somme qu'elles ne doivent pas, la cour n'était pas tenue de se prononcer expressément sur l'existence d'un lien entre le vice dont était entachée la décision de préemption et le préjudice subi par les consorts X..., dès lors que ce point n'était pas contesté devant elle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué serait entaché d'insuffisance de motivation doit être écarté ;
En ce qui concerne le caractère certain du préjudice :
Considérant qu'en estimant que la signature par les consorts X... d'une promesse de vente de leur pavillon pour un montant de 1 150 000 F, assortie du versement d'un dépôt de 100 000 F, qui leur restait acquis au cas où la transaction ne se réaliserait pas du fait des bénéficiaires de la promesse de vente, suffisait à établir le caractère certain de la cession projetée et, par conséquent, la réalité du préjudice invoqué par les consorts X..., la cour, qui a suffisamment motivé sa décision et n'a pas dénaturé la commune intention des parties signataires de la promesse de vente, s'est livrée à une appréciation souveraine qui échappe au contrôle du juge de cassation ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi formé par la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS doit être rejeté ;
Sur le pourvoi incident formé par les consorts X... :
Considérant que, par voie de recours incident, les consorts X... demandent l'annulation de l'arrêt attaqué, en tant qu'il a rejeté leurs conclusions incidentes tendant à la condamnation de la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS au versement d'une somme supplémentaire de 100 000 F en réparation du manque à gagner correspondant à la baisse des prix du marché de l'immobilier après 1991 ;
Considérant que, pour estimer que le second chef de préjudice invoqué par les consorts X... ne présentait pas de caractère certain, la cour a relevé que ceux-ci n'établissaient pas l'existence d'un manque à gagner ni même n'alléguaient avoir tenté de procéder à la vente de leur bien postérieurement à l'annulation de la décision de préemption ; qu'en statuant ainsi, la cour, qui n'a pas dénaturé les pièces du dossier, s'est livrée à une appréciation souveraine de l'existence du préjudice invoqué ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi incident formé par les consorts X... doit être rejeté ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que les consorts X..., qui ne sont pas dans la présente instance la partie perdante, soient condamnés à payer à la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant, en revanche, qu'il y a lieu en l'espèce de condamner la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS à verser aux consorts X... la somme de 15 000 F qu'ils demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS versera aux consorts X... une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : Le surplus des conclusions des consorts X... est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE MONTREUIL-SOUS-BOIS, aux consorts X... et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 / 4 ssr
Numéro d'arrêt : 183804
Date de la décision : 28/07/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - RESPONSABILITE ET ILLEGALITE - ILLEGALITE ENGAGEANT LA RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - PREJUDICE - CARACTERE CERTAIN DU PREJUDICE - EXISTENCE.

URBANISME ET AMENAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCEDURES D'INTERVENTION FONCIERE - PREEMPTION ET RESERVES FONCIERES - DROITS DE PREEMPTION.


Références :

Loi 79-587 du 11 juillet 1979
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 28 jui. 1999, n° 183804
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Boissard
Rapporteur public ?: M. Bonichot

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:183804.19990728
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