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09/04/1999 | FRANCE | N°169053

France | France, Conseil d'État, 4 / 1 ssr, 09 avril 1999, 169053


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 24 août 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC), ayant son siège ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 1995 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 16 novembre 1992, et ramené à 143 512 F avec

intérêts au taux légal à compter du 24 février 1986, l'indemnité qu...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 2 mai et 24 août 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC), ayant son siège ..., représentée par son président en exercice ; la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 1er mars 1995 de la cour administrative d'appel de Lyon en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 16 novembre 1992, et ramené à 143 512 F avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 1986, l'indemnité qui lui était due par l'Etat en réparation du préjudice ayant résulté pour elle de l'impossibilité de construire sur un terrain lui appartenant ;
2°) réglant l'affaire au fond, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 721 384 F, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 1986, capitalisés à la date du 24 août 1995 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu la loi du 29 décembre 1892 sur les dommages causés à la propriété privée par l'exécution des travaux publics ;
Vu la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques ;
Vu la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, validée par l'ordonnance n° 45-2092 du 13 septembre 1945 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Japiot, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la SOCIETE SOGEC,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article 10 de la loi susvisée du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques : "L'occupation temporaire pour exécution de fouilles donne lieu, pour le préjudice résultant de la privation momentanée de jouissance des terrains, ( ...) à une indemnité dont le montant est fixé, à défaut d'accord amiable, conformément aux dispositions de la loi du 29 décembre 1892" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'à la suite de la découverte de vestiges archéologiques sur un terrain appartenant à la SOCIETE SOGEC dans la commune de Montélimar (Drôme), la direction régionale des antiquités historiques a, par deux décisions en date des 17 novembre 1983 et 24 janvier 1984, interdit toute construction sur une surface de 5 899 m dénommée "zone I" et imposé certaines prescriptions aux constructions qui seraient effectuées sur le reste du terrain dénommé "zone II" ; que la "zone I" et une partie de la "zone II", soit une surface totale de 9 250 m , ont été cédées gratuitement par la SOCIETE SOGEC à la ville de Montélimar en lieu et place d'une parcelle "AD 123" qui devait initialement lui être cédée ;
Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis, en particulier le rapport de l'expert et les pièces annexées à celui-ci, en jugeant que la superficie totale des terrains que la société requérante devait initialement céder gratuitement à la ville de Montélimar était supérieure à la surface du terrain effectivement cédé ; qu'ainsi, la cour a pu, sans entacher d'illégalité son arrêt, estimer que la SOCIETE SOGEC n'avait pas subi de préjudice du fait de cette cession ;
Considérant que c'est par une appréciation souveraine des faits que la cour administrative d'appel a relevé que la direction régionale des antiquités historiques n'était pasencore intervenue sur le terrain appartenant à la SOCIETE SOGEC à la date du 1er janvier 1983 ; qu'elle a pu en déduire légalement que les impôts fonciers au titre de l'année 1983, qui étaient dûs par le propriétaire du terrain au 1er janvier de ladite année, ne pouvaient être pris en compte dans le calcul du préjudice subi par la société ;
Considérant que c'est également par une appréciation souveraine, qui n'est pas entachée de dénaturation, que la cour administrative d'appel a estimé que la demande d'indemnisation de la société requérante concernant les frais de clôture du terrain n'était pas assortie de justifications permettant d'établir le caractère certain du préjudice allégué ;
Considérant que la cour administrative d'appel n'a pas entaché son arrêt de dénaturation ni d'erreur de droit en jugeant que le préjudice résultant du délai mis par la société requérante à déposer puis à obtenir une autorisation de lotir sur le terrain qui lui avait été cédé par la ville de Montélimar ne présentait pas un caractère direct et certain ;

Considérant, toutefois, qu'en application des dispositions précitées du second alinéa de l'article 10 de la loi du 27 septembre 1941 portant réglementation des fouilles archéologiques, la société requérante avait droit à être indemnisée pendant la totalité de l'occupation temporaire du terrain pour l'exécution des fouilles ; qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, et notamment du rapport de l'expert, que cette occupation temporaire a débuté avant l'envoi de la lettre du 17 novembre 1983 du directeur régional des antiquités historiques informant la société requérante des mesures de sauvegarde des vestiges historiques qu'il avait décidées sur le terrain en cause ; qu'ainsi, en retenant la date de ce courrier et non la date de début de l'occupation temporaire du terrain, la cour administrative d'appel a fait une inexacte application des dispositions susrappelées du second alinéa de l'article 10 de la loi du 27 septembre 1941 ; qu'il y a donc lieu d'annuler l'arrêt attaqué sur ce point ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment du rapport de l'expert, que l'occupation temporaire du terrain de la société requérante pour l'exécution des fouilles a commencé au plus tôt le 15 septembre 1983 ; que le préjudice financier résultant de l'immobilisation de ce terrain pendant la période du 15 septembre 1983 au 16 novembre 1983, date retenue par la cour comme point de départ du préjudice, doit, en se fondant sur le mode de calcul non contesté retenu par l'expert, être évalué à 50 830 F ; que la société requérante a droit aux intérêts afférents à cette somme à compter du 24 février 1986, date de sa première demande d'indemnisation ; que la capitalisation des intérêts afférents à cette somme a été demandée le 24 août 1995 ; qu'à cette date, il était dû au moins une année d'intérêts ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC) la somme de 15 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non-compris dans lesdépens ;
Article 1er : L'article 2 de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon en date du 1er mars 1995 est annulé.
Article 2 : Le montant de l'indemnité que l'Etat est condamné à payer à la SOCIETE SOGEC est porté à 194 342 F. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 24 février 1986. Les intérêts échus le 24 août 1995, afférents à la somme de 50 830 F, seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : L'Etat versera à la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC) la somme de 15 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC) est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE GENERALE DE CONSTRUCTION ET D'EQUIPEMENT (SOGEC) et au ministre de la culture et de la communication.


Synthèse
Formation : 4 / 1 ssr
Numéro d'arrêt : 169053
Date de la décision : 09/04/1999
Type d'affaire : Administrative

Analyses

60-02-05 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE L'URBANISME.


Références :

Code civil 1154
Loi du 27 septembre 1941 art. 10
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 09 avr. 1999, n° 169053
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Japiot
Rapporteur public ?: Mme Roul

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1999:169053.19990409
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