Vu 1°), sous le n° 169692, le recours du MINISTRE DU BUDGET enregistré le 24 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 mars 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a prescrit un supplément d'instruction contradictoire avant de statuer sur les conclusions de la requête de la société Monte Dei Paschi Di Siena tendant à ce que lui soient accordés des remboursements de taxe sur la valeur ajoutée au titre de chacune des années 1988 et 1989 ;
Vu 2°), sous le n° 178432, le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES enregistré le 29 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 30 janvier 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a accordé à la société Monte Dei Paschi Di Siena le remboursement d'un montant de taxe sur la valeur ajoutée de 125 244,60 F au titre de la période englobant les deux années 1988 et 1989 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Fabre, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de la société Monte Dei Paschi Di Siena,
- les conclusions de M. Loloum, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les recours susvisés du MINISTRE DU BUDGET et du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES sont dirigés, respectivement, contre chacun des deux arrêts, le premier, avant-dire-droit, du 30 mars 1995, et le second, après supplément d'instruction contradictoire, du 30 janvier 1996, par lesquels la cour administrative d'appel de Paris a statué sur les conclusions de la requête présentée devant elle par la société Monte Dei Paschi Di Siena ; qu'il y a lieu de joindre les deux pourvois pour y statuer par une seule décision ;
Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts, dans la rédaction postérieure à l'intervention de la loi du 29 décembre 1978 et applicable à la période en cause : " ... 4. Ouvrent droit à déduction dans les mêmes conditions que s'ils étaient soumis à la taxe sur la valeur ajoutée : ... d. les opérations non imposables en France réalisées par des assujettis dans la mesure où elles ouvriraient droit à déduction si leur lieu d'imposition se situait en France. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités et les limites du remboursement de la taxe déductible au titre de ces opérations ; ce décret peut instituer des règles différentes suivant que les assujettis sont domiciliés ou établis dans les Etats membres de la Communauté économique européenne ou dans d'autres pays" ; qu'aux termes de l'article 242 OM de l'annexe II au code général des impôts : "1. Les assujettis établis à l'étranger peuvent obtenir le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée qui leur a régulièrement été facturée si, au cours du trimestre civil ou de l'année civile auquel se rapporte la demande de remboursement, ils n'ont pas eu en France le siège de leur activité ou un établissement stable ... et n'y ont pas réalisé ... d'opérations entrant dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée au sens des articles 256 à 259 C du code général des impôts ..." ; qu'aux termes de l'article 242 ON de la même annexe : "Est remboursée aux assujettis établis dans un Etat membre de la Communauté économique européenne la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les services qui leur ont été rendus et les biens meubles qu'ils ont acquis ou importés en France au cours de l'année ou du trimestre prévus à l'article 242 OM dans la mesure où ces biens et services sont utilisés pour la réalisation ou pour les besoins : a. d'opérations dont le lieu d'imposition se situe à l'étranger mais qui ouvriraient droit à déduction si ce lieu d'imposition était en France ..." ; qu'enfin, des dispositions des articles 212 et 219 c. de la même annexe II, en règle générale applicables aux assujettis utilisateurs de biens et services concurremment affectés à la réalisation d'opérations dont les unes sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et les autres exonérées de cette taxe il résulte que ces derniers sont autorisés à déduire une fraction de la taxe qui a grevé ces biens et services, déterminée par application du rapport existant entre le montant des recettes soumises à la taxe et celui de l'ensemble des recettes réalisées ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel que la société Monte Dei Paschi Di Siena, établissement bancaire et financier dont le siège d'activité est en Italie, et qui dispose en France d'un bureau de représentation, a, en se prévalant des textes précités, demandé le remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses supportées par elle en France pour les besoins de cette installation au cours de chacune des années 1988 et 1989 ; que, dans son arrêt du 30 mars 1995, la cour administrative d'appel a regardé comme résultant de l'instruction, d'une part, que la société Monte Dei Paschi Di Siena ne se livrait en France à aucune activité de nature à conférer le caractère d'un établissement stable, au sens de l'article 242 OM précité de l'annexe II au code général des impôts, à son bureau de représentation, et n'y effectuait aucune opération bancaire ou financière de nature à l'exclure du droit à remboursement prévu par ce même article, et, d'autre part, que l'activité de cette société en Italie comportait la réalisation d'opérations soumises à la taxe sur la valeur ajoutée et d'opérations entrant dans le champ de l'exonération prévue à l'article 261 C-1° du code général des impôts, les actions menées par son bureau de représentation en France concourant indifféremment aux unes et aux autres ;
Considérant que la cour administrative d'appel, au vu de ces circonstances, a jugé que la société Monte Dei Paschi Di Siena était en droit d'obtenir un remboursement de taxe sur la valeur ajoutée en France, et que le montant de ce remboursement devait être déterminé en affectant celui de la taxe supportée par elle en France du prorata correspondant à la part taxée de son chiffre d'affaires en Italie, tel que défini à l'article 212 de l'annexe II au code général des impôts ; que le ministre chargé du budget soutient que la Cour a fait, ainsi, une application entachée d'erreur de droit des dispositions précitées des articles 271 du code général des impôts et 242 OM et ON de l'annexe II audit code, en faisant valoir que celles-ci ont eu pour objet d'assurer l'exacte transposition en droit interne français des règles fixées par la 8ème directive du Conseil des Communautés Européennes, n° 79/1072, du 6 décembre 1979, relative aux modalités de remboursement de la taxe sur la valeur ajoutée aux assujettis non établis à l'intérieur du pays, et que ces règles ne comportent pas la définition des modalités d'un remboursement partiel de la taxe ayant grevé des biens ou services utilisés pour la réalisation, dans un autre Etat membre de la communauté économique européenne, d'opérations qui n'y sont pas toutes soumises à la taxe ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la 8ème directive du Conseil des Communautés Européennes : "Chaque Etat membre rembourse à tout assujetti qui n'est pas établi à l'intérieur du pays mais qui est établi dans un autre Etat membre, dans les conditions fixées ciaprès, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des services qui lui sont rendus ou des biens meubles qui lui sont livrés à l'intérieur du pays par d'autres assujettis, ou ayant grevé l'importation de biens dans le pays, dans la mesure où ces biens et ces services sont utilisés pour les besoins des opérations visées à l'article 17, 3, a) et b) de la directive n° 77/388/CEE ou des prestations de services visées à l'article 1er, sous b)" ; qu'à l'article 5 de la même directive, est prévu que "le droit au remboursement de la taxe est déterminé conformément à l'article 17" de la directive n° 77/388/CEE, relatif au droit à déduction de la taxe ; que le 5 de cet article 17 énonce : "En ce qui concerne les biens et les services qui sont utilisés par un assujetti pour effectuer à la fois des opérations ouvrant droit à déduction visées aux 2 et 3 et des opérations n'ouvrant pas droit à déduction, la déduction n'est admise que pour la partie de la taxe sur la valeur ajoutée qui est proportionnelle au montant afférent aux premières opérations", mais autorise les Etats membres à recourir à divers procédés de détermination de cette proportion ;
Considérant qu'il est nécessaire à la solution du litige de déterminer si les dispositions précitées de la 8ème directive ont ou non pour effet d'ouvrir aux assujettis établis dans un Etat membre de la Communauté où ils ne sont taxés que sur une partie de leur chiffre d'affaires, un droit à remboursement partiel de la taxe qui a grevé dans un autre Etat membre des biens ou services qu'ils ont utilisés pour la réalisation, dans l'Etat où ils sont établis, d'opérations dont certaines ne sont pas taxées ; dans l'affirmative, à quel procédé de détermination de la part de taxe remboursable renvoient ces dispositions, et notamment si cette part doit être déterminée selon les règles applicables dans l'Etat où l'assujetti est établi, ou selon celles en vigueur dans l'Etat tenu au remboursement ; que ces questions d'interprétation des dispositions de la directive soulèvent une difficulté sérieuse ; que, par suite, en application de l'article 177 du traité instituant la Communauté économique européenne, il y a lieu d'en saisir, à titre préjudiciel, la Cour de Justice des Communautés européennes, et, jusqu'à ce que celle-ci se soit prononcée, de surseoir à statuer sur les recours du ministre chargé du budget ;
Article 1er : Il est sursis à statuer sur les recours du MINISTRE DU BUDGET et du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES jusqu'à ce que la Cour de Justice des Communautés européennes se soit prononcée sur les questions préjudicielles énoncées dans les motifs de la présente décision.
Article 2 : La présente décision sera notifiée au ministre des affaires étrangères, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, à la société Monte Dei Paschi Di Siena et au Président de la Cour de Justice des Communautés européennes.