Vu l'ordonnance en date du 19 février 1997, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 février 1997, par laquelle le président du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a renvoyé au Conseil d'Etat la requête présentée à ce tribunal par Mme Régine NAVARRO ;
Vu, enregistrée le 18 avril 1996 au greffe du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, la requête présentée par Mme Régine NAVARRO, demeurant ... ; Mme NAVARRO demande :
1°) la condamnation des communes de Saint-Pierre, Le Tampon, Saint-Joseph et Petite-Ile qui avaient constitué le district urbain de Saint-Pierre à une astreinte de 1 000 F par jour de retard à compter du 31 juillet 1996 en vue d'assurer l'exécution complète du jugement en date du 6 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion l'a renvoyée devant ces quatre communes pour qu'il soit procédé à la liquidation en principal et intérêts de l'indemnité à laquelle elle a droit au titre de la réparation du préjudice matériel qu'elle a subi, du fait de son éviction du service survenue le 30 juin 1984 ;
2°) la capitalisation des intérêts des sommes qui lui sont dues ;
3°) la condamnation des communes à lui verser 2 000 F au titre des frais exposés et non compris dans les dépens et 100 F pour remboursement du droit de timbre ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des communes et notamment son article L. 164-9 ;
Vu la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980 modifiée par la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987 ;
Vu la loi n° 75-619 du 11 juillet 1975 modifiée par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié notamment par le décret n° 81-501 du 12 mai 1981 et par le décret n° 97-1177 du 24 décembre 1997 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Pochard, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 16 juillet 1980 : "En cas d'inexécution d'une décision rendue par une juridiction administrative, le Conseil d'Etat peut, même d'office, prononcer une astreinte contre les personnes morales de droit public ( ...) pour assurer l'exécution de cette décision" ;
Considérant que, par un jugement du 6 juillet 1994 devenu définitif, le tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion a, d'une part, renvoyé Mme NAVARRO devant les communes de Saint-Pierre, Le Tampon, Saint-Joseph et Petite-Ile pour qu'il soit procédé à la liquidation en principal et intérêts de l'indemnité à laquelle elle a droit en réparation du préjudice matériel résultant de son éviction illégale du service à la suite de la dissolution du district urbain regroupant ces communes et, d'autre part, condamné ces mêmes communes à verser à l'intéressée une somme de 30 000 F en réparation de son préjudice moral ;
Considérant qu'il est constant que la somme de 30 000 F a été versée en 1996 à Mme NAVARRO ; qu'en outre, une somme de 2 486 286,57 F comprenant les intérêts au taux légal lui a été payée par les communes concernées au cours des mois d'avril et juillet 1997 en réparation de son préjudice matériel ; que Mme NAVARRO soutient toutefois que les communes en cause lui sont encore redevables, d'une part, des intérêts correspondant à la majoration de cinq points de l'intérêt légal prévue par l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975 et, d'autre part, des cotisations sociales dues par ces communes notamment à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, de sorte que le jugement susmentionné du 6 juillet 1994 du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion n'a pas encore reçu une exécution complète ;
Sur la majoration du taux de l'intérêt légal :
Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1975 : "En cas de condamnation, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision" ;
Considérant que le jugement du 6 juillet 1994, par lequel le tribunal administratif a renvoyé Mme NAVARRO devant les quatre communes en cause en vue de la liquidation de l'indemnité à laquelle elle a droit, a prononcé à l'encontre de ces communes une condamnation au sens des prescriptions précitées de la loi du 11 juillet 1975 ; que ce jugement n'a pas été exécuté dans le délai de deux mois suivant sa notification ; que le taux légal des intérêts afférents à l'indemnité due à Mme NAVARRO doit, par suite, être majoré de cinq points ; que l'indemnité de 2 486 286,57 F versée à la requérante en 1997 n'inclut pas cette majoration ; qu'ainsi le jugement du 6 juillet 1994 n'a pas été entièrement exécuté ;
Sur la prise en compte des cotisations sociales dans le calcul de l'indemnité :
Considérant que, pour réparer le préjudice matériel subi par Mme NAVARRO, le tribunal administratif a reconnu à l'intéressée le droit à une indemnité correspondant au montant des traitements qu'elle aurait dû percevoir depuis la dissolution du district urbain de Saint-Pierre jusqu'au jour de son jugement, cette indemnité devant être, le cas échéant, diminuée des sommes reçues par la requérante au cours de cette période ; qu'au cours de cette période, les quatre communes en cause auraient dû s'acquitter des cotisations sociales, notamment en matière de cotisations de pension de retraite, correspondant aux traitements dus ; que, faute de l'avoir fait, elles devaient calculer l'indemnité due à Mme NAVARRO sur la base du montant brut de ses traitements ; que, sur ce point également, le jugement du 6 juillet 1994 n'a pas été entièrement exécuté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, dans ces conditions, de prononcer à l'encontre de chacune des communes de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Joseph et de Petite-Ile, à défaut pour elles de justifier de l'exécution complète du jugement du 6 juillet 1994 sur les deux points précisés ci-dessus dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 500 F par jour ;
Sur la capitalisation des intérêts :
Considérant que la capitalisation des intérêts n'a pas été ordonnée par le jugement du 6 juillet 1994 ; que les conclusions présentées à cette fin par Mme NAVARRO soulèvent un litige distinct de celui de l'exécution de ce jugement ; que, par suite, ces conclusions ne sont pas recevables et doivent être rejetées pour ce motif ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner les communes de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Joseph et de Petite-Ile à verser ensemble à Mme NAVARRO une somme de 2 100 F au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Une astreinte est prononcée à l'encontre de chacune des communes de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Joseph et de Petite-Ile si elles ne justifient pas avoir, dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, exécuté le jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion, en date du 6 juillet 1994 et jusqu'à la date de cette complète exécution. Le taux de cette astreinte est fixé à 500 F par jour, à compter de l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la présente décision.
Article 2 : Les communes de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Joseph et de Petite-Ile communiqueront au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le jugement susvisé du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 6 juillet 1994.
Article 3 : Les communes de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Joseph et de Petite-Ile verseront ensemble à Mme NAVARRO une somme de 2 100 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme NAVARRO est rejeté.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme Régine NAVARRO, aux communes de Saint-Pierre, du Tampon, de Saint-Joseph, de Petite-Ile et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.