Vu le recours, enregistré le 15 mars 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DU BUDGET ; le MINISTRE DU BUDGET demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 décembre 1992 en tant que, par ce jugement, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé les décisions des 31 janvier 1992 par lesquelles le directeur des services fiscaux du département du Puy-de-Dôme a refusé à Mmes Y..., Z... et X... le versement du supplément familial de traitement ;
2°) de rejeter les demandes présentées par Mmes Y..., Z... et X... ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'article 97 de l'acte dit-loi du 14 septembre 1941 modifié par la loi du 25 septembre 1945 ;
Vu l'ordonnance n° 45-14 du 6 janvier 1945 ;
Vu la loi du 29 janvier 1831 modifiée ;
Vu la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
Vu le décret n° 85-1148 du 24 octobre 1985 ;
Vu la loi n° 91-715 du 26 juillet 1991, notamment son article 4 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Guyomar, Auditeur,
- les conclusions de M. Girardot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant, en premier lieu, que, par une demande du 4 novembre 1991, Mme Y... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période postérieure à la naissance de son premier enfant, le 9 juillet 1976, et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 31 janvier 1992 du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant, en deuxième lieu, que, par une demande du 14 novembre 1991, Mme Z... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période postérieure à la naissance de son enfant, le 4 octobre 1979, et antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 31 janvier 1992 du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant, en troisième lieu, que, par une demande du 28 novembre 1991, Mme X... a demandé au MINISTRE DU BUDGET le versement du supplément familial de traitement pour la période allant de la naissance de son premier enfant, le 16 décembre 1963, au 31 mai 1986 ; que cette demande a été rejetée par une décision du 31 janvier 1992 du MINISTRE DU BUDGET ;
Considérant que, saisi de demandes d'annulation de ces trois décisions, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par un jugement du 17 décembre 1992, joint les trois requêtes et annulé les trois décisions sans statuer sur l'exception de prescription quadriennale opposée par le MINISTRE DU BUDGET aux trois demandes ; que le ministre fait appel de ce jugement ;
Sur l'exception de prescription quadriennale :
Considérant que le MINISTRE DU BUDGET a opposé l'exception de prescription quadriennale aux créances dont se prévalaient Mmes Y..., Z... et X... au cours de l'instruction devant le tribunal administratif ; qu'il appartenait au tribunal administratif, saisi du fond du litige, de statuer sur l'exception de prescription quadriennale ; que, par suite, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif deClermont-Ferrand n'a pas statué sur l'exception de prescription quadriennale ; que, dès lors, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a omis de statuer sur l'exception de prescription quadriennale et d'évoquer sur ce point ;
Sur les créances de Mme Y... et Mme Z... :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : "sont prescrites, au profit de l'Etat, ( ...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis" ; que l'article 2 de la même loi dispose que "la prescription est interrompue par toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ( ...), tout recours formé devant une juridiction relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance ( ...)" ;
Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme Y... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son premier enfant, le 9 juillet 1976 ; que les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au cours de l'année 1976 et des années suivantes ; qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 4 novembre 1991 par Mme Y..., puis par l'introduction, le 12 février 1992, de la demande de Mme Y... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme Y... a demandé le versement pour la période allant du 9 juillet 1976 au 31 décembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision par laquelle il a refusé à Mme Y... le bénéfice du supplément familial de traitement sans faire exception pour la période comprise entre le 9 juillet 1976 et le 31 décembre 1986 ;
Considérant que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme Z... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son enfant, le 4 octobre 1979 ; que les droits sur lesquels ces créances sont fondées ont ainsi été acquis au cours de l'année 1979 et des années suivantes ; qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescriptions ont, pour les créances nées au cours de chacune de ces années, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 14 novembre 1991 par Mme Z..., puis par l'introduction, le 24 février 1992, de la demande de Mme Z... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme Z... a demandé le versement pour la période allant du 4 octobre 1979 au 31 décembre 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision par laquelle il a refusé à Mme Z... le bénéfice du supplément familial de traitement sans faire exception pour la période comprise entre le 4 octobre 1979 et le 31 décembre 1986 ;
Sur les créances de Mme X... :
Considérant qu'aux termes de l'article 9 de la loi du 31 décembre 1968 susvisée : "Les dispositions de la présente loi sont applicables aux créances nées antérieurement à la date de son entrée en vigueur et non encore atteintes de déchéance à cette même date. Les causes d'interruption et de suspension prévues aux articles 2 et 3, survenues avant cette date, produisent effet à l'égard de ces mêmes créances" ; qu'en application dudit article, les dispositions de cette loi ne sont pas applicables aux créances atteintes de déchéance avant le 1er janvier 1969 ; que le fait générateur des créances dont se prévaut Mme X... est constitué par le service fait par elle à compter de la naissance de son premier enfant, le 16 décembre 1963 ; qu'il suit de là qu'en application de l'article 9 de la loi du 29 janvier 1831 modifié par l'article 148 de la loi du 31 décembre 1945 aux termes duquel : "Sont prescrites et définitivement éteintes au profit de l'Etat ... toutes créances qui, n'ayant pas été acquittées avant la clôture de l'exercice auquel elles appartiennent, n'auraient pu être liquidées, ordonnancées et payées dans un délai de quatre années à partir de l'ouverture de l'exercice", les créances nées au cours des années 1963, 1964, 1965 sont déchues ; que, dès lors, le MINISTRE DU BUDGET est fondé à opposer la déchéance quadriennale en ce qui concerne les créances nées au cours des années 1963, 1964 et 1965 ;
Considérant, en revanche, qu'en application des dispositions rappelées ci-dessus de la loi du 31 décembre 1968 susvisée, les délais de prescription ont, pour les créances nées au cours de l'année 1966 et des années suivantes, commencé à courir le 1er janvier de l'année suivante et ont, s'ils n'étaient pas expirés, été interrompus par la demande de paiement présentée le 28 novembre 1991 par Mme X..., puis par l'introduction, le 29 février 1992, de la demande de Mme X... au tribunal administratif de Clermont-Ferrand ; que, par suite, sont prescrites les sommes dont Mme X... a demandé le versement pour la période allant du 1er janvier 1966 au 31 mai 1986 ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé la décision par laquelle il a refusé à Mme X... le bénéfice du supplément familial de traitement ;
Sur la légalité des décisions attaquées en tant qu'elle portent sur des sommes non prescrites :
Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : "les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires" ; qu'aux termes de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974, en vigueur à l'époque des faits litigieux : "le supplément familial de traitement alloué, en sus des prestations familiales de droit commun aux magistrats, aux fonctionnaires et aux agents de l'Etat ... comprend d'une part, un élément fixe, d'autre part, un élément proportionnel basé sur le traitement soumis à retenue pour pension" ; qu'aux termes de l'article 12 du même décret : "la notion d'enfant à charge à retenir pour l'ouverture du droit au supplément familial de traitement est celle fixée en matière de prestations familiales par le titre II du livre V de la sécurité sociale" ;
Considérant, en premier lieu, que Mme Y... a la qualité d'agent de l'Etat au sens des dispositions susvisées de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974 ; qu'il n'est pas contesté qu'avant le 4 novembre 1991, elle avait des enfants à charge au sens des dispositions du titre II du livre V du code de la sécurité sociale ; qu'elle avait, par suite, droit pour la période considérée au supplément familial de traitement au titre de ses enfants ; que la circonstance que son conjoint, agent de la Banque de France, dont la rémunération n'est pas fixée en référence auxtraitements des fonctionnaires et n'évolue pas en fonction des variations de ces traitements, a reçu de son côté un supplément familial de traitement ne saurait faire obstacle, en l'absence de toute disposition législative interdisant un tel cumul, au versement de ce supplément pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 susvisée ; que ce cumul n'est, en tout cas, pas interdit par l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale qui ne figure pas au titre II du livre V de ce code et ne saurait s'appliquer à un avantage salarial n'ayant pas le caractère de prestation familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé sa décision refusant à Mme Y... le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pour les années non couvertes par la prescription quadriennale ;
Considérant, en second lieu, que Mme Z... a la qualité d'agent de l'Etat au sens des dispositions susvisées de l'article 10 du décret du 19 juillet 1974 ; qu'il n'est pas contesté qu'avant le 14 novembre 1991, elle avait des enfants à charge au sens des dispositions du titre II du livre V du code de la sécurité sociale ; qu'elle avait, par suite, droit pour la période considérée au supplément familial de traitement au titre de ses enfants ; que la circonstance que son conjoint, agent d'EDF-GDF, a reçu de son côté un supplément familial de traitement ne saurait faire obstacle, en l'absence de toute disposition législative interdisant un tel cumul, au versement de ce supplément pour la période antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1991 susvisée ; que ce cumul n'est, en tout cas, pas interdit par l'article R. 513-1 du code de la sécurité sociale qui ne figure pas au titre II du livre V de ce code et ne saurait s'appliquer à un avantage salarial n'ayant pas le caractère de prestation familiale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le MINISTRE DU BUDGET n'est pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a annulé sa décision refusant à Mme Z... le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période antérieure au 29 juillet 1991, pour les années non couvertes par la prescription quadriennale ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé en tant qu'il a annulé les décisions du 31 janvier 1992 par lequelles le MINISTRE DU BUDGET a refusé de verser à Mme Y... le supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 9 juillet 1976 et le 31 décembre 1986, à Mme Z... le supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 4 octobre 1979 et le 31 décembre 1986 et à Mme X... le supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 16 décembre 1963 et le 31 mai 1986.
Article 2 : La demande présentée par Mme Y... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du 31 janvier 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET lui a refusé le bénéfice du supplément familial de traitement pour la période comprise entre le 9 juillet 1976 et le 31 décembre 1986.
Article 3 : La demande présentée par Mme Z... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée en tant qu'elle tend à l'annulation de la décision du 31 janvier 1992 par laquelle le MINISTRE DU BUDGET lui a refusé le bénéfice du supplément familial detraitement pour la période comprise entre le 4 octobre 1979 et le 31 décembre 1986.
Article 4 : La demande présentée par Mme X... devant le tribunal administratif de Clermont-Ferrand est rejetée.
Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGET est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à Mmes Y..., Z... et X... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.