Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 19 septembre 1996 et 16 janvier 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS ET EAUX-DEVIE DE VIN A APPELLATION D'ORIGINE CONTROLEES (CNAOC), dont le siège est ..., représentée par son président en exercice à ce dûment habilité ; la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. demande que le Conseil d'Etat annule pour excès de pouvoir :
1°) l'article 3 du décret n° 96-361 du 29 avril 1996, qui ajoute un article 3-1 au décret n° 95-703 du 9 mai 1995, fixant les modalités d'application de l'article 62 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture et relatif à certaines cotisations dues pour l'emploi de salariés occasionnels ;
2°) la note de service du 24 mai 1996 du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, précisant les modalités de mise en oeuvre du décret n° 96-361 du 29 avril 1996, en tant qu'elle étend aux producteurs de raisin de table le bénéfice des dispositions prévues par l'article 3 de ce décret ;
3°) la décision du 19 juillet 1996, par laquelle le même ministre a rejeté le recours dont elle l'avait saisi en vue d'obtenir le retrait de l'article 3 du décret du 29 avril 1996 et de la disposition contestée de la note de service du 24 mai 1996 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code rural ;
Vu la loi n° 95-703 du 1er février 1995 ;
Vu le traité instituant la Communauté Européenne ;
Vu le décret n° 92-1129 du 2 octobre 1992 ;
Vu le décret n° 95-703 du 9 mai 1995 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Costa, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Parmentier, avocat de la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C.,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des deux alinéas ajoutés à l'article 1031 du code rural par l'article 62 de la loi n° 95-95 du 1er février 1995 de modernisation de l'agriculture : "Lorsqu'ils embauchent des travailleurs occasionnels ou des demandeurs d'emploi inscrits à ce titre à l'agence nationale pour l'emploi pendant une durée maximale fixée par décret, en vue d'exercer une ou plusieurs activités visées aux 1° et 2° de l'article 1144, les chefs d'exploitation et d'entreprises agricoles ainsi que les groupements d'employeurs versent des cotisations d'assurances sociales et d'accidents du travail calculées en application de taux réduits. Est réputé travailleur occasionnel le salarié employé pendant une durée n'excédant pas, par année civile, un maximum fixé par décret. Un décret fixe les taux réduits ainsi que la durée maximale d'emploi y ouvrant droit" ;
Considérant que la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) demande au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir l'article 3 du décret n° 96-361 du 29 avril 1996 qui a complété par un article 3-1 le décret n° 95-703 du 8 mai 1995, pris pour l'application des dispositions précitées de l'article 1031 du code rural, ainsi que la note de service du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 24 mai 1996, qui a précisé les modalités de mise en oeuvre de cet article du décret du 29 avril 1996 dans la mesure où elle étend le bénéfice des dispositions prévues par celui-ci aux producteurs de raisin de table ; que la requête de la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) est, en outre, dirigée contre la décision du 19 juillet 1996 par laquelle le même ministre a rejeté le recours dont elle l'avait saisi en vue d'obtenir le retrait des dispositions ainsi contestées ;
Sur les conclusions dirigées contre l'article 3 du décret du 29 avril 1996 et contre la décision du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation qui a refusé de proposer au Premier ministre de le rapporter :
Considérant que l'article 3 du décret du 9 mai 1995 a fixé à 58 %, pour tous les employeurs agricoles concernés, le pourcentage de réduction applicable aux taux des cotisations d'assurances sociales et d'accidents du travail dues pour l'emploi des travailleurs occasionnels ou des demandeurs d'emploi embauchés aux fins et dans les conditions prévues par les alinéas précités de l'article 1031 du code rural ; que l'article 3-1 ajouté au décret du 9 mai 1995 par l'article 3 du décret du 29 avril 1996 a porté ce pourcentage de réduction à 75 % pour "les employeurs dont le chiffre d'affaires total de l'année précédente ou le chiffre d'affaires moyen des trois années précédentes est constitué pour au moins 50 p. cent par : - des productions relevant des activités classées sous les rubriques 01.1 C, 01.1 D et 01.1 F au sens de la nomenclature des activités françaises approuvée par le décret du 2 octobre 1992 ... ; - la production de pommes de terre, de houblon ou de tabac ainsi que l'apiculture ..." ; que les rubriques 01.1 C, 01.1 D et 01.1 F de la nomenclature des activités françaises concernent respectivement la culture de légumes et le maraîchage, l'horticulture et les pépinières, la culture fruitière ;
Considérant que la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) ne peut utilement alléguer que ces dispositions méconnaîtraient l'article 92 du traité instituant la Communauté européenne, dès lors que celui-ci ne crée pas pour les particuliers des droits dont ils puissent se prévaloir devant une juridiction nationale ;
Considérant que, contrairement à ce que soutient la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC), les dispositions précitées de l'article 1031 du code rural n'obligent pas le gouvernement à fixer des taux réduits de cotisations identiques pour tous les employeurs agricoles concernés, quelle que soit la nature de leurs activités ;
Considérant que la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) ne fournit pas de précisions de nature à justifier le bien fondé de son argumentation selon laquelle le gouvernement aurait dû faire bénéficier les producteurs qu'elle représente d'une réduction des taux de cotisations sociales égale à celle que l'article 3-1 ajouté au décret du 9 mai 1995 par le décret du 29 avril 1996 accorde notamment aux producteurs de fruits ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) n'est fondée à demander l'annulation, ni de cet article, ni de la décision du ministre de l'agriculture qui a refusé de proposer au Premier ministre de le rapporter ;
Sur les conclusions dirigées contre la note de service du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 24 mai 1996 et contre le refus de ce ministre de la rapporter, dans la mesure où elle étend aux producteurs de raisin de table le bénéfice des dispositions prévues par l'article 3 du décret du 29 avril 1996 :
Considérant que la rubrique 01.1 G "Viticulture", qui figure dans le document annexé au décret n° 92-1129 du 2 octobre 1992, portant approbation des nomenclaturesd'activités et de produits, est assortie d'une "note explicative" qui précise que "cette classe comprend, notamment : la production de raisin de table et de raisin de cuve" et que lorsque "la production de vin" (classe 15.9 G) "résulte exclusivement de la transformation du raisin produit par la même exploitation, l'unité relève de la classe 01.1 G" ; que la "note explicative" qui accompagne la rubrique 01.1 F "Culture fruitière" précise, en particulier, que "cette classe comprend notamment : la production de fruits des climats tempérés ou tropicaux : pommes, poires, agrumes, abricots, fraises, cerises, pêches, bananes, avocats, dattes, noix, noisettes, amandes, etc." ; que, bien que le décret du 2 octobre 1992 indique que le texte qu'il approuve "ne comprend que des rubriques, et non les notes explicatives de leur contenu, qui ont un simple caractère de document administratif", la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) est recevable et fondée à soutenir qu'en décidant, dans sa note de service du 24 mai 1996, que, pour l'application de l'article 3-1 ajouté au décret du 9 mai 1995 par le décret du 29 avril 1996, il y a lieu de ranger la production de raisin de table dans la rubrique 01.1 F "Culture fruitière", le ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation a pris une mesure, de caractère réglementaire, non conforme aux prévisions de l'article 3-1 précité, qu'aucune disposition de loi ou de décret ne lui donnait compétence pour édicter ; que, par suite, il y a lieu d'annuler, sur ce point, tant sa note de service du 24 mai 1996 que sa décision, ci-dessus analysée, du 19 juillet 1996 ;
Article 1er : La note de service du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 24 mai 1996 est annulée, en tant que, pour l'application de l'article 3-1 ajouté au décret n° 95-703 du 9 mai 1995 par l'article 3 du décret n° 96-361 du 29 avril 1996, elle range la production de raisin de table dans la rubrique 01.1 F "Culture fruitière" à laquelle ce décret fait référence. La décision du ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation du 19 juillet 1996 est annulée dans la même mesure.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC) est rejeté.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la CONFEDERATION NATIONALE DES PRODUCTEURS DE VINS A.O.C. (CNAOC), au Premier ministre et au ministre de l'agriculture et de la pêche.