Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 5 et 18 avril 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par la Société des transports Vacher, dont le siège est 77, avenue du Président Roosevelt, ... ; la société demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 24 janvier 1995 qui ont rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions du 10 décembre 1993, par lesquelles le ministre chargé des transports a refusé d'annuler les quatre décisions du 19 juin 1993 du directeur-adjoint du travail (transports) de la Marne refusant de l'autoriser à licencier, pour faute, MM. Y..., A..., X... et Z... ;
2°) d'annuler ces décisions des 19 juin et 10 décembre 1993 ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 26 685 F, au titre des frais irrépétibles de première instance, et de 11 722, 80 F, au titre des frais irrépétibles d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Olléon, Auditeur,
- les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de MM. Manuel Y..., Michel A..., Jean Z... et André X...,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la Société des transports Vacher demande au Conseil d'annuler les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 24 janvier 1995, qui ont rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre les décisions du 10 décembre 1993 par lesquelles le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme a refusé de l'autoriser à licencier, pour faute, MM. X... et A..., délégués du personnel et membres du comité d'entreprise,
Y...
, délégué du personnel suppléant, et Z..., candidat aux élections des délégués du personnel, en estimant que l'existence de l'engagement réciproque de "paix sociale" exprimé dans le protocole signé le 14 mai 1993 qui avait marqué la fin d'un mouvement de grève dans l'entreprise constituait un motif d'intérêt général de ne pas donner suite à la demande de la société de procéder à ces licenciements ; que MM. X..., A..., Y... et Z... demandent, de leur côté, au Conseil d'Etat de décider qu'il n'y a pas lieu de statuer sur la requête de la Société des transports Vacher ;
Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que MM. X... et A... ont quitté volontairement l'entreprise ; que les conclusions les concernant de la requête de la Société des transports Vacher sont donc devenues sans objet ;
Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 14 de la loi n° 95-884 du 3 août 1995, portant amnistie : "Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ou professionnelles" ; que, toutefois : "Sont exceptés du bénéfice de l'amnistie les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs et à l'honneur" ; qu'aux termes de l'article 15 de la même loi : "Sont amnistiés, dans des conditions prévues à l'article 14, les faits retenus ou susceptibles d'être retenus comme motifs de sanctions prononcées par un employeur" ;
Considérant qu'à l'appui de la demande qu'elle avait présentée aux fins d'être autorisée à licencier, pour faute, MM. Y... et Z..., la Société des transports Vacher s'était notamment prévalue de ce que ces deux conducteurs de poids lourds avaient bloqué avec des camions lui appartenant les accès de l'entreprise à partir du 9 mai 1993 et jusqu'à la signature, le 14 du même mois, du protocole de fin de grève, mentionné ci-dessus, alors qu'ils avaient reçu notification, le 11 mai, d'une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Châlons-sur-Marne ordonnant la libération des locaux de l'entreprise et de ses abords ; que, toutefois, les faits ainsi reprochés à MM. Y... et Z... ne constituent pas, dans les circonstances de l'espèce, des manquements à l'honneur ; qu'ils sont, en conséquence, amnistiés par l'effet des dispositions précitées de la loi du 3 août 1995 et ne peuvent plus servir de fondement à une autorisation de licenciement ; que, dès lors, les conclusions concernant MM. Y... et Z... de la requête de la Société des transports Vacher sont, elles aussi et pour ce motif, devenues sans objet ;
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la Société des transports Vacher la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Société des transports Vacher à payer, en application des mêmes dispositions, à MM. X..., A..., Y... et Z... les sommes réclamées par chacun d'eux, au titre des frais, non compris dans les dépens, qu'ils ont exposés ;
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la Société des transports Vacher dirigées contre les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne du 24 janvier 1995.
Article 2 : Les conclusions présentées au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 par la Société des transports Vacher et par MM. X..., A..., Y... et Z... sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la Société des transports Vacher, à M. X..., à M. A..., à M. Y..., à M. Z... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.