Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 9 mai 1995 et 11 septembre 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour le GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE (GOBOCH), dont le siège est ..., au Havre (76600) ; le GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 26 janvier 1995 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Rouen du 13 octobre 1992, refusant de faire droit à sa demande en décharge de la taxe professionnelle à laquelle il a été assujetti au titre de l'année 1985, dans les rôles de la ville du Havre ;
2°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 15 000 F, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947, modifiée ;
Vu la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, modifiée ;
Vu la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Salat-Baroux, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat du GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE,
- les conclusions de M. Goulard, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que, pour refuser à la société anonyme coopérative d'artisans "GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE" le bénéfice de l'exonération prévue par l'article 1454 du code général des impôts, la cour administrative d'appel de Nantes s'est fondée sur le motif que les restaurateurs qui sont des adhérents de ce groupement ne pouvaient légalement être associés d'une coopérative d'artisans, et qu'ainsi, le groupement ne fonctionnait pas conformément aux dispositions de la loi n° 83-657 du 20 juillet 1983, relative au développement de certaines activités d'économie sociale, et notamment à celles du 4° de son article 6 ; qu'en statuant ainsi, la Cour a relevé d'office un moyen, qui n'était pas d'ordre public ; que, pour ce motif, son arrêt doit être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11, deuxième alinéa, de la loi du 31 décembre 1987, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que l'article 1454 du code général des impôts exonère de la taxe professionnelle : " ... les sociétés coopératives d'artisans lorsque ces organismes sont constitués et fonctionnent conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui les régissent" ;
Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la loi précitée du 20 juillet 1983, les sociétés coopératives artisanales sont régies par les dispositions du titre 1er de cette loi et, en ce qu'elles ne sont pas contraires à celles-ci, par les dispositions de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, et de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966, modifiée, sur les sociétés commerciales ; que la loi du 20 juillet 1983 énonce, en particulier, en son article 1er, premier alinéa, que "les sociétés coopératives artisanales ont pour objet la réalisation de toutes opérations artisanales et la prestation de tous services susceptibles de contribuer au développement des activités artisanales de leurs associés, ainsi que l'exercice en commun de ces activités" ;
Considérant que, ni les dispositions de la loi du 20 juillet 1983, ni celles de la loi du 10 septembre 1947, dont l'article 1er prévoit que l'un des objets essentiels des sociétés coopératives est "de réduire, au bénéfice de leurs membres, le prix de revient de certains produitsou de certains services en assumant les fonctions des entrepreneurs ou intermédiaires dont la rémunération grèverait ce prix de revient", ne font obstacle à ce qu'une société coopérative artisanale soit regardée comme fonctionnant conformément aux dispositions législatives et réglementaires qui la régissent, lorsqu'elle procure à ses associés des produits, objets, ou marchandises destinés à être revendus par ceux-ci en l'état, à la condition que ces opérations commerciales n'aient qu'un caractère accessoire et, par suite, que les services effectivement rendus à ses membres par la coopérative gardent pour principal objet de contribuer, directement ou indirectement, au développement de leurs activités proprement artisanales de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que la vente à ses adhérents, par la société anonyme coopérative d'artisans "GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE", de marchandises destinées à être revendues par eux en l'état, a représenté, en 1985, 30 % de son chiffre d'affaires ; que cette activité ne peut par suite être regardée comme ayant eu un caractère accessoire en 1985, quelle qu'ait été son évolution, au cours des années ultérieures ; qu'ainsi, la société n'a pas fonctionné, en 1985, conformément aux dispositions législatives la régissant ; que, ne pouvant, dès lors, prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par l'article 1454 du code général des impôts précité, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 13 octobre 1992, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande en décharge de la taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1985, dans les rôles de la ville du Havre ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de condamner l'Etat, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 à payer à la société anonyme coopérative "GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE", la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 26 janvier 1995 est annulé.
Article 2 : La requête présentée par la société anonyme coopérative "GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE" devant la cour administrative d'appel de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la société anonyme coopérative "GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE" est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au GROUPEMENT COOPERATIF DES BOUCHERS ET DES BOUCHERS-CHARCUTIERS DU HAVRE, à M. X..., à M. Y... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.