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15/06/1998 | FRANCE | N°172695

France | France, Conseil d'État, 8 ss, 15 juin 1998, 172695


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 septembre 1995 et 10 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Annie X... demeurant ... ; Mlle X... demande que le Conseil d'Etat, d'une part, annule le jugement en date du 15 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 1993 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société "Européenne des produits de beauté" (EPB) à procéder à son licenciement pour motif économique, d'autre pa

rt, annule la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 11 septembre 1995 et 10 janvier 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés par Mlle Annie X... demeurant ... ; Mlle X... demande que le Conseil d'Etat, d'une part, annule le jugement en date du 15 mars 1995 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 14 avril 1993 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société "Européenne des produits de beauté" (EPB) à procéder à son licenciement pour motif économique, d'autre part, annule la décision attaquée ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 436-1 du code du travail, rendu applicable aux membres des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail par l'article L. 236-11 du même code, les salariés légalement investis des fonctions représentatives précitées bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle et ne peuvent être licenciés qu'avec l'autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ; que, dans le cas où la demande est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;
Considérant que la société "Européenne de produits de beauté" (EPB), qui est une filiale du groupe américain Revlon, spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits cosmétiques et a son siège social en France, a demandé le 1er mars 1993, dans le cadre d'une réorganisation de ses structures entraînant notamment la suppression de neuf emplois, l'autorisation de licencier pour motif économique Mlle X..., directeur du marketing de la division Jeanne Gatineau et membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que l'autorisation demandée a été accordée par l'inspecteur du travail le 14 avril 1993, par une décision suffisamment motivée ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à la date où elle a sollicité l'autorisation de licencier Mlle X..., la société EPB ait envisagé de licencier plus de neuf salariés dans la même période de trente jours ; qu'ainsi Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que la société aurait dû suivre la procédure applicable au licenciement pour motif économique d'au moins dix salariés prévue aux articles L. 321-2 et suivants du code du travail et que l'inspecteur du travail était tenu pour ce motif de refuser l'autorisation sollicitée ;

Considérant que si, pour apprécier la réalité du motif économique invoqué à l'appui d'une demande d'autorisation de licenciement d'un ou de plusieurs salariés, présentée par une société qui fait partie d'un groupe, l'autorité administrative ne peut se borner à prendre en considération la seule situation de la société demanderesse, elle n'est tenue, dans le cas où la société intéressée relève d'un groupe dont la société mère a son siège à l'étranger, de faire porter son examen que sur la situation économique des sociétés du groupe ayant leur siège social en France et des établissements de ce groupe situés en France, et oeuvrant dans le même secteur d'activité que la société en cause ; que, dans ces conditions, et dès lors qu'il n'est pas contesté que le groupe Revlon auquel appartient la société EPB a son siège à l'étranger et ne possède en France aucune autre société ou établissement oeuvrant dans le secteur de la fabrication et de la commercialisation de produits cosmétiques, l'inspecteur du travail n'a commis aucune erreur de droit en examinant seulement la situation économique de la société EPB ;
Considérant qu'à la date de la décision attaquée, la société EPB subissait depuisplusieurs années des pertes d'exploitation importantes et était confrontée à une baisse de son chiffre d'affaires ; que ces circonstances étaient de nature à établir la réalité du motif économique allégué par la société pour justifier les suppressions d'emploi envisagées, dont celui occupé par Mlle X... ; que le fait, au sujet duquel les premiers juges n'étaient pas tenus d'ordonner une mesure d'instruction, que les fonctions de Mlle X... ont été depuis confiées à une autre salariée, en sus de ses autres activités, n'ôte pas au licenciement en cause son motif économique, ce remplacement ayant été effectué sans embauche supplémentaire ;
Considérant qu'eu égard à la nature et à la qualification de l'emploi occupé par l'intéressée, il ne ressort pas des pièces du dossier, comme l'a, à bon droit, constaté le tribunal administratif de Paris, qui n'a pas attribué à Mlle X... de charge de la preuve, que son reclassement dans la société était possible ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, l'inspecteur du travail n'a commis aucune erreur de droit en ne recherchant pas si le reclassement était possible dans une autre société du groupe Revlon ; qu'il n'appartient pas à l'autorité administrative, saisie d'une demande de licenciement pour motif économique, de vérifier sa conformité aux critères fixés par un accord collectif pour l'ordre des licenciements et le respect par l'employeur de ses obligations de reclassement externe ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mlle X... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête ;
Article 1er : La requête de Mlle X... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Mlle Annie X..., à la société "Européenne de produits de beauté" et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 8 ss
Numéro d'arrêt : 172695
Date de la décision : 15/06/1998
Type d'affaire : Administrative

Analyses

66-07-01 TRAVAIL ET EMPLOI - LICENCIEMENTS - AUTORISATION ADMINISTRATIVE - SALARIES PROTEGES.


Références :

Code du travail L436-1, L236-11, L321-2


Publications
Proposition de citation : CE, 15 jui. 1998, n° 172695
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Maïa
Rapporteur public ?: M. Arrighi de Casanova

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1998:172695.19980615
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