Vu le recours du MINISTRE DE L'INTERIEUR enregistré le 14 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 17 janvier 1995 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il a annulé, à la demande de M. X..., l'arrêté du 1er juillet 1994 par lequel le préfet de la Loire a décidé que l'Algérie serait le pays de destination pour l'exécution de l'arrêté ministériel d'expulsion pris le même jour ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Lyon ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;
Vu le décret n° 82-389 du 10 mai 1982 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de L'Hermite, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Hubert, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le MINISTRE DE L'INTERIEUR fait appel de l'article 1er du jugement du 17 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé l'arrêté du préfet de la Loire du 1er juillet 1994 fixant l'Algérie comme pays de destination de M. X... pour l'exécution de son expulsion du territoire français ; que M. X... défère au Conseil d'Etat , par la voie de l'appel incident, l'article 2 du même jugement rejetant ses conclusions dirigées contre l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR du 1er juillet 1994 ordonnant cette expulsion ;
Sur la légalité de l'arrêté d'expulsion :
Considérant qu'aux termes de l'article 26 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 : "L'expulsion peut être prononcée : ... b) lorsqu'elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, par dérogation à l'article 25" ;
Considérant qu'une mesure d'expulsion a été prise le 24 décembre 1987 à l'encontre de M. X..., ressortissant algérien né en 1959 qui s'est rendu coupable entre 1982 et 1985 de nombreuses infractions dont plusieurs vols ou tentatives de vols ; que cette mesure a été abrogée le 10 janvier 1989 ; que depuis lors l'intéressé s'est rendu à nouveau coupable de faits similaires qui lui ont valu douze condamnations à des peines d'emprisonnement d'une durée d'un à dix mois ; que dans ces conditions le MINISTRE DE L'INTERIEUR n'a pas commis d'erreur d'appréciation en estimant que l'expulsion de M. X... constituait une nécessité impérieuse pour la sécurité publique ;
Considérant que si M. X... est entré en France à l'âge de six ans avec sa famille, qui réside en France, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire et n'a aucune personne à charge ; que, dans ces conditions, la mesure d'expulsion prise à son encontre n'a pas porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; que dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'ont pas été méconnues ;
Considérant qu'il suit de là que M. X... n'est pas fondé, par la voie de l'appel incident, à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions dirigées contre l'arrêté du MINISTRE DE L'INTERIEUR du 1er juillet 1994 ;
Sur la légalité de l'arrêté fixant le pays de destination :
Considérant que l'article 23 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 attribue compétence au ministre de l'intérieur, sauf dans les départements d'outre-mer, pour prononcer l'expulsion d'un étranger ; qu'aucune disposition, et notamment pas celles de l'article 28 de lamême ordonnance relatives à l'assignation à résidence, ne désigne l'autorité compétente pour fixer le pays de renvoi, par une décision distincte de la mesure d'éloignement elle-même ainsi qu'il est dit à l'article 27 ter de la même ordonnance ; qu'en l'absence de disposition contraire, le préfet était compétent, en vertu des pouvoirs qu'il tient du décret susvisé du 10 mai 1982, à effet d'assurer l'exécution des décision ministérielles et, à ce titre, fixer le pays de renvoi dans le respect des conditions posées notamment par l'article 27 bis de l'ordonnance précitée ;
Considérant qu'il suit de là que le MINISTRE DE L'INTERIEUR est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé pour incompétence de son auteur la décision du préfet de la Loire du 1er juillet 1994 désignant l'Algérie comme pays de renvoi ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 17 janvier 1995 est annulé
Article 2 : La demande de M. X... dirigée contre l'arrêté du préfet de la Loire du 1er juillet 1994, ainsi que ses conclusions incidentes devant le Conseil d'Etat sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. Abdelhafid X....