Vu la requête, enregistrée le 2 mai 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Bakary X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 31 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande dirigée contre la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet du Rhône sur sa demande de délivrance d'une carte nationale d'identité et sa demande de condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 800 F au titre de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision préfectorale ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 800 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la nationalité française ;
Vu le décret n° 55-1397 du 22 octobre 1955 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de la Verpillière, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Lamy, Commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité du jugement :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le moyen relatif aux conséquences du mariage du requérant sur son état civil a été soulevé en première instance et discuté contradictoirement ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour avoir méconnu l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ne peut être utilement invoqué ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant que l'article 150 du code de la nationalité française, en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que le certificat de nationalité "fait foi jusqu'à preuve du contraire" et qu'aux termes de l'article 138 du même code : "La charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause. Toutefois, cette charge incombe à celui qui conteste la qualité de Français à un individu titulaire d'un certificat de nationalité délivré conformément aux articles 149 et suivants" ; qu'en vertu de l'article 4 du décret du 22 octobre 1955 modifié instituant une carte nationale d'identité : "Si la nationalité française du requérant paraît douteuse, la production d'un certificat de nationalité pourra lui être demandée" ;
Considérant que la décision implicite par laquelle le préfet a refusé à M. X... la délivrance d'une carte d'identité est fondée sur les doutes qui existeraient sur la nationalité française de l'intéressé ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que ce dernier avait produit à l'appui de sa demande un certificat de nationalité française délivré le 18 mars 1982 et qu'aucune décision juridictionnelle n'avait contredit ledit certificat ; que, dans ces conditions, les dispositions de l'article 4 du décret précité du 22 octobre 1955 ne permettaient pas au préfet de subordonner le renouvellement de la carte nationale d'identité de M. X... à la présentation d'un nouveau certificat de nationalité, alors même que des événements postérieurs auraient été susceptibles d'influer sur la nationalité française de l'intéressé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite résultant du silence gardé pendant plus de quatre mois par le préfet du Rhône sur sa demande de délivrance d'une carte nationale d'identité ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi susvisée du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à M. X... la somme de 1 800 F qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Le jugement du 31 janvier 1995 du tribunal administratif de Lyon et la décision implicite de rejet du préfet du Rhône sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera à M. X... une somme de 1 800 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Bakary X... et au ministre de l'intérieur.