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08/04/1998 | FRANCE | N°152904

France | France, Conseil d'État, 3 / 5 ssr, 08 avril 1998, 152904


Vu 1°, sous le n° 152904, la requête enregistrée le 21 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rigobert X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 91/451-91/610 du 22 juin 1993 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser les traitements dont il a été privé depuis le 17 mai 1991 ;
2°) de condamner la commune de Macouba à lui verser une somme égale à la rémunération dont i

l a été privé depuis le 17 mai 1991 ;
Vu 2°, sous le n° 153806, la requêt...

Vu 1°, sous le n° 152904, la requête enregistrée le 21 octobre 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Rigobert X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 91/451-91/610 du 22 juin 1993 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant que, par ce jugement, le tribunal a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui verser les traitements dont il a été privé depuis le 17 mai 1991 ;
2°) de condamner la commune de Macouba à lui verser une somme égale à la rémunération dont il a été privé depuis le 17 mai 1991 ;
Vu 2°, sous le n° 153806, la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 24 novembre 1993, 23 mars 1994 et 24 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MACOUBA, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MACOUBA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 91/551 du 22 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a rejeté sa demande dirigée contre l'avis que le conseil de discipline de recours de la Martinique a rendu le 23 mai 1991 au sujet de M. X... ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet avis ;
3°) de condamner M. X... à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu 3°, sous le n° 153807, la requête sommaire et les mémoires complémentaires enregistrés les 24 novembre 1993, 23 mars 1994 et 24 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE MACOUBA, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE MACOUBA demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement n° 91/451-91/610 du 22 juin 1993 du tribunal administratif de Fort-de-France en tant que, par ce jugement, le tribunal a annulé, à la demande de M. X..., l'arrêté du maire du 7 mars 1991 prononçant le licenciement de M. X... ainsi que la décision du maire de ne pas réintégrer cet agent et l'a condamnée à payer à M. X... une somme de 200 000 F assortie des intérêts ;
2°) de rejeter les demandes de M. X... devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
3°) de condamner M. X... à lui verser une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu la loi n° 95-884 du 3 août 1995 portant amnistie ;
Vu le décret n° 87-677 du 18 septembre 1987 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Courtial, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE MACOUBA,
- les conclusions de M. Touvet, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par un arrêté en date du 10 février 1991, dont les termes ont été confirmés par un arrêté en date du 7 mars 1991, le maire de Macouba a licencié M. X... à compter du 16 février 1991 pour fautes graves commises dans l'exercice de sesfonctions de garde-champêtre de la commune ; que la COMMUNE DE MACOUBA a interjeté appel du jugement n° 91/451-91/610 du 22 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Fort-de-France a annulé la mesure de licenciement ainsi que le refus du maire de réintégrer M. X... et l'a condamnée à verser à ce dernier une indemnité de 200 000 F ; que M. X... a interjeté appel du même jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune à lui payer les traitements dont il a été privé depuis son éviction du service ; que la COMMUNE DE MACOUBA a également fait appel du jugement n° 91/551 du 22 juin 1993 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande dirigée contre l'avis que le conseil de discipline de recours, saisi par M. X..., a rendu le 23 mai 1991 ;
Considérant que les requêtes de M. X... et de la COMMUNE DE MACOUBA concernent la situation d'un même fonctionnaire et présentent à juger des questions connexes ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 153807 :
En ce qui concerne la régularité du jugement n° 91/451-91/610 du 22 juin 1993 :
Considérant que, par une ordonnance en date du 26 avril 1993, le président du tribunal administratif de Fort-de-France a fixé la clôture de l'instruction au 4 mai 1993 ; que cette ordonnance, à laquelle était joint un mémoire de M. X... enregistré au greffe le 29 avril 1993 et comportant des éléments nouveaux, a été envoyée à la COMMUNE DE MACOUBA en méconnaissance du délai de quinze jours prescrit par l'article R. 154 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ; qu'ainsi cette ordonnance n'était pas opposable à la commune ; que celle-ci, à la réception de ce courrier, a produit un mémoire enregistré le 11 mai, pour défendre dans l'instance tout en indiquant qu'elle n'était pas en mesure de répondre immédiatement sur le montant des demandes de M. X... qui n'avaient été développées et chiffrées que dans le mémoire enregistré le 29 avril 1993 ; que les premiers juges ont néanmoins appelé l'affaire à l'audience tenue le 11 mai 1993 et statué sur les demandes de M. X... sans prendre en considération le mémoire de la commune ni, d'ailleurs, le communiquer au requérant ; qu'ils ont ainsi méconnu le caractère contradictoire de la procédure ; que, par suite, le jugement n° 91/451-91/610 du 22 juin 1993 doit être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. X... devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
En ce qui concerne l'arrêté du 10 février 1991 :
Considérant que l'arrêté en date du 10 février 1991 par lequel le maire de Macouba a "licencié" M. X... à compter du 16 février 1996 doit, nonobstant l'impropriété du terme utilisé qui est sans incidence sur la légalité de l'acte, être regardé comme prononçant la révocation de cet agent ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, d'une part, M. X..., qui se trouvait alors en congé annuel, a demandé le 3 juillet 1990 au maire de Macouba de lui accorder une prolongation de ce congé jusqu'au 31 du même mois ; que le maire ayant fait savoir à l'intéressé, par lettre en date du vendredi 6 juillet 1990, que ses droits à congé étaient épuisés et qu'il devait se présenter à la mairie dès la réception de ce courrier, M. X... n'a cependant repris son service que le mardi 10 juillet ; que si cette absence irrégulière de courte durée était susceptible de motiver l'engagement de poursuites disciplinaires, elle ne peut êtreregardée comme un abandon de poste de nature à rompre le lien qui existait entre la commune et l'intéressé ; que, d'autre part, ce dernier a adopté à plusieurs reprises au cours des mois de juillet et d'août 1990 un comportement incompatible avec les fonctions d'un garde champêtre, en particulier en s'abstenant d'assurer la surveillance de la circulation lors d'une fête communale et d'accomplir les diligences normales de sa fonction en vue de l'exécution d'une décision du maire d'expulser les occupants de locaux communaux ; que, si d'autres faits énoncés dans les actes attaqués à l'encontre de M. X... ne peuvent être retenus en raison de leur imprécision ou de l'incertitude dans laquelle se trouvait l'intéressé sur l'étendue de ses obligations professionnelles, notamment au sujet de l'encaissement de droits de place au profit d'une association régie par la loi de 1901, l'absence irrégulière et les négligences dont ledit M. X... a fait preuve dans l'accomplissement de ses missions constituent des fautes de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que, toutefois, en décidant de sanctionner M. X... par la révocation, le maire de Macouba a, dans les circonstances de l'espèce, porté une appréciation manifestement erronée sur la gravité du comportement de l'intéressé et entaché, par suite, l'arrêté attaqué d'illégalité ; que M. X... est donc fondé à en demander l'annulation ;
En ce qui concerne l'arrêté du 7 mars 1991 :
Considérant que l'arrêté du 7 mars 1991, par lequel le maire de Macouba a réitéré dans les mêmes termes la mesure d'éviction du service prise à l'encontre de M. X... par l'arrêté du 16 février 1991, est simplement confirmatif de l'acte antérieur ; que les conclusions de M. X... dirigées contre l'arrêté du 7 mars 1991 sont, par suite, irrecevables ;
En ce qui concerne le refus de réintégration :
Considérant que M. X... a demandé au maire de Macouba, par lettre recommandée en date du 27 juin 1991 reçue en mairie le 5 juillet 1991, de prendre une décision au sujet de sa reprise de fonction ; qu'une décision implicite de rejet est née du silence gardé pendant quatre mois par l'autorité municipale sur cette demande ; que, par suite, la fin de non recevoir opposée par la COMMUNE DE MACOUBA aux conclusions de M. X... tendant à l'annulation du rejet de sa demande de réintégration ne peut être accueillie ;

Considérant que l'annulation de la décision de révocation comporte l'obligation pour l'administration de réintégrer l'agent dans ses fonctions ; que, dans ces conditions, M. X... est fondé à demander l'annulation du refus implicite de réintégration qui lui a été opposé ;
En ce qui concerne les conclusions de M. X... tendant à la condamnation de la COMMUNE DE MACOUBA, d'une part, au paiement des traitements dont il a été privé depuis son éviction du service et, d'autre part, au versement d'une indemnité :
Considérant qu'en l'absence de service fait le requérant ne peut prétendre au paiement des traitements dont il a été privé depuis son éviction ; que, toutefois, il est fondé à demander à la COMMUNE DE MACOUBA la réparation du préjudice qu'il a réellement subi du fait de la sanction irrégulière prise à son encontre ;
Considérant que, dans les circonstances de l'affaire, il sera fait une juste appréciation de la réparation due à M. X... pour l'ensemble du préjudice subi en condamnant la COMMUNE DE MACOUBA à lui verser une indemnité de 200 000 F ;
Considérant que M. X... a droit aux intérêts de la somme de 200 000 F à compter du 14 octobre 1991, date de l'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
Sur la requête n° 152904 :
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête n° 152904 de M. X... dirigée contre le jugement dont l'annulation a été prononcée ci-dessus, est devenue sans objet ; qu'il n'y a donc pas lieu d'y statuer ;
Sur la requête n° 153806 :
Considérant qu'il ressort du dossier de première instance que la COMMUNE DE MACOUBA a invoqué devant le tribunal administratif de Fort-de-France l'irrégularité de la participation à la séance au cours de laquelle le conseil de discipline de recours a statué sur le cas de M. X..., d'un membre de cette instance dont elle mettait en doute l'impartialité ; que les premiers juges ont omis de répondre à ce moyen ; qu'ainsi le jugement n° 91/551 du 22 juin 1993 est irrégulier et doit, par suite, être annulé ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la COMMUNE DE MACOUBA devant le tribunal administratif de Fort-de-France ;
Considérant qu'aux termes de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 : "Sont amnistiés les faits commis avant le 18 mai 1995 en tant qu'ils constituent des fautes passibles de sanctions disciplinaires ( ...)/ Sauf mesure individuelle ( ...) Sont exceptés du bénéfice de l'amnistie prévu par le présent article les faits constituant des manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur" ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les faits qui ont motivé l'engagement d'une procédure disciplinaire à l'encontre de M. X... sont antérieurs au 18 mai 1995 ; qu'ils ne présentent pas le caractère de manquements à la probité, aux bonnes moeurs ou à l'honneur ; qu'ainsi ces faits, qui sont amnistiés en vertu des dispositions précitées, ne sont plus susceptibles de justifier l'application d'une sanction disciplinaire ; que, dès lors, la requête de la COMMUNE DE MACOUBA tendant à l'annulation de l'avis par lequel le conseil de discipline de recours a proposé que la sanction de la révocation prononcée à l'encontre de M. X... soit ramenée à la sanction de l'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de trois mois, est devenue sans objet ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'une des deux parties à payer à l'autre la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les jugements n°s 91/451-91/610 et n° 91/551 du 22 juin 1993 du tribunaladministratif de Fort-de-France sont annulés.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 152904 de M. X... et sur la demande dirigée contre l'avis du 23 mai 1991 du conseil de discipline de recours de la Martinique présentée par la COMMUNE DE MACOUBA devant le tribunal administratif de Fort-de-France.
Article 3 : L'arrêté du 10 février 1991 du maire de Macouba ainsi que la décision implicite par laquelle cette autorité a rejeté la demande de réintégration de M. X... sont annulés.
Article 4 : La COMMUNE DE MACOUBA est condamnée à payer à M. X... la somme de 200 000 F, avec intérêts au taux légal à compter du 14 octobre 1991.
Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes de M. X... et de la COMMUNE DE MACOUBA est rejeté.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. Rigobert X..., à la COMMUNE DE MACOUBA et au ministre de l'intérieur.


Type d'affaire : Administrative

Analyses

36-07-01-03 FONCTIONNAIRES ET AGENTS PUBLICS - STATUTS, DROITS, OBLIGATIONS ET GARANTIES - STATUT GENERAL DES FONCTIONNAIRES DE L'ETAT ET DES COLLECTIVITES LOCALES - DISPOSITIONS STATUTAIRES RELATIVES A LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE (LOI DU 26 JANVIER 1984).


Références :

Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R154
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75
Loi 95-884 du 03 août 1995 art. 14


Publications
Proposition de citation: CE, 08 avr. 1998, n° 152904
Inédit au recueil Lebon
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Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Courtial
Rapporteur public ?: M. Touvet

Origine de la décision
Formation : 3 / 5 ssr
Date de la décision : 08/04/1998
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 152904
Numéro NOR : CETATEXT000007987089 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;conseil.etat;arret;1998-04-08;152904 ?
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