Vu le recours, enregistré le 24 février 1995, au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, présenté par le MINISTRE DELEGUE A LA SANTE ; le ministre demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement, en date du 10 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision, en date du 30 avril 1993, rejetant la candidature de Mme Z... Meyer, présentée au titre de l'année 1992, pour exercer la médecine en France ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant ce tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique et notamment ses articles L. 356 et L. 356-2 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée, relative à la motivation des actes administratifs ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et notamment son article 75-I ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. François Bernard, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de Mme Z... Meyer,
- les conclusions de M. Schwartz, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 356 du code de la santé publique : "Nul ne peut exercer la profession de médecin, de chirurgien dentiste ou de sage femme en France, s'il n'est : 1°) Titulaire d'un diplôme, certificat ou autre titre mentionné à l'article L. 356-2 ( ...) ; le ministre chargé de la santé peut, après avis d'une commission ... autoriser individuellement à exercer ( ...) : des personnes françaises ou étrangères, titulaires d'un diplôme, titre ou certificat de valeur scientifique reconnue équivalente par le ministre chargé des universités à celle d'un diplôme français permettant l'exercice de la profession et qui ont subi avec succès des épreuves définies par voie réglementaire. Le nombre maximum de ces autorisations est fixé chaque année par arrêté du ministre chargé de la santé en accord avec la commission prévue ci-dessus et compte tenu du mode d'exercice de la profession" ; qu'aux termes de l'article L. 356-2 de ce code : "Les diplômes, certificats et titres exigés en application du 1°) de l'article L. 356 sont pour l'exercice de la profession de médecin ( ...) le diplôme français de docteur en médecine ( ...)" ;
Considérant que si, dans la rédaction que lui a donnée la loi du 17 février 1986, l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 prévoit que doivent être motivées les décisions administratives qui refusent une autorisation, la décision du 30 avril 1993 par laquelle le ministre chargé de la santé a refusé, en application des dispositions précitées, à Mme A... le droit d'exercer en France la profession de médecin, ne constitue pas un refus d'autorisation au sens de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'elle n'entre non plus dans aucune des autres catégories de décisions définies par ledit article ; qu'en particulier elle ne restreint l'exercice d'aucune liberté publique et ne refuse pas un avantage dont l'attribution constitue un droit, dès lors, que Mme A..., qui n'est pas titulaire d'un des diplômes mentionnés à l'article L. 356-1 précité ne remplit pas les conditions légales pour exercer la médecine en France ; qu'elle n'avait, dès lors, pas à être motivée en vertu des dispositions de cette loi ; que le MINISTRE DELEGUE A LA SANTE est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Strasbourg s'est fondé sur l'absence de motivation de sa décision du 30 avril 1993 pour en prononcer l'annulation ;
Considérant qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens de la demande présentée par Mme A... devant le tribunaladministratif de Strasbourg ;
Considérant, en premier lieu, que le professeur X... a été nommé par un arrêté en date du 31 janvier 1990 du ministre de la solidarité, de la santé et de la protection sociale en remplacement du professeur Y..., en qualité de représentant du ministre chargé des universités au sein de la commission prévue par l'article L. 356 du code de la santé publique ; que par suite, le moyen tiré par la requérante de l'irrégularité de la composition de ladite commission doit être écarté ;
Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des termes du procès-verbal de la réunion du 2 février 1993 que la commission a procédé à l'examen de tous les dossiers qui lui étaient soumis et notamment de celui de Mme A... ; que ni l'article L. 356 du code de la santé publique ni aucun autre texte n'imposait la motivation de l'avis de la commission ; que le procèsverbal établi à la suite de cette réunion comporte les mentions exigées par le premier alinéa de l'article 14 du décret du 28 novembre 1983 ainsi que les éléments nécessaires à l'information de l'autorité chargée de prendre la décision ; que, par suite, les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure préalable à la décision attaquée doivent être écartés ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le ministre se soit cru lié par l'avis émis par la commission et n'ait pas procédé à un examen particulier de la demande de Mme A... ;
Considérant, en quatrième lieu, que les dispositions susrappelées de l'article L. 356 du code de la santé publique, qui n'ont pas pour objet d'instituer un concours entre des candidats, n'interdisent pas au ministre, lorsqu'il est appelé à se prononcer sur les demandes d'autorisation d'exercice de la médecine par des personnes françaises ou étrangères titulaires d'un diplôme, titre ou certificat reconnu équivalent au diplôme français de docteur en médecine, de tenir compte d'autres éléments que la valeur scientifique des demandeurs ; qu'aucun texte ne lui impose par ailleurs de se prononcer sur les demandes en fonction de l'antériorité de leur dépôt ; qu'il ne ressort pas du dossier que l'appréciation portée sur la demande de Mme A..., au regard de l'ensemble des éléments qui pouvaient légalement être pris en compte, ait été entachée d'une erreur manifeste ;
Considérant enfin que le détournement de procédure allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DELEGUE A LA SANTE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision en date du 30 avril 1993 rejetant la demande de Mme A... tendant à être autorisée à exercer la médecine en France ;
Sur les conclusions de Mme A... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances, le juge condamne la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titres des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens" ; que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à Mme A... la somme qu'elle demande au titre des dispositions précitées ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions devant le Conseil d'Etat tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Z... Meyer et au ministre de l'emploi et de la solidarité.