Vu, 1°) sous le n° 182447, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 16 septembre 1996 et 14 janvier 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société en nom collectif Grand Littoral et la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral, dont le siège est ... ; ces sociétés demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 8 juillet 1996 par laquelle le Bureau central de tarification a déclaré qu'il n'y avait pas lieu d'imposer à la compagnie Uni Europe de garantir l'opération immobilière qu'elles réalisaient à Marseille ;
Vu, 2°) sous le n° 186 387, la requête enregistrée le 20 mars 1997 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour la société en nom collectif Grand Littoral, et la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral, dont le siège est ... ; les sociétés demandent au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 janvier 1997 par laquelle le Bureau central de tarification s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande de la société en nom collectif Grand Littoral et a estimé qu'il n'y avait pas lieu, en l'état, d'imposer à la compagnie AXA de garantir l'opération immobilière que la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral réalise à Marseille, celle-ci étant invitée à produire de nouveaux éléments à l'appui de sa demande ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code des assurances ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Maïa, Auditeur,
- les observations de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la société en nom collectif Grand Littoral et de la société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral,
- et de Me Parmentier, avocat de la Compagnie Uni Europe,
- les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que le Bureau central de tarification institué par l'article L. 243-4 du code des assurances peut être saisi par toute personne physique ou morale tenue à l'obligation d'assurance des travaux de bâtiment prévue par les articles L. 241-1 et suivants du même code, qui, ayant sollicité la souscription d'un contrat auprès d'une entreprise d'assurance, s'est vu opposer un refus ; que le rôle "exclusif" dévolu, dans ce cas, au Bureau central de tarification est de fixer le montant de la prime moyennant laquelle l'entreprise d'assurance intéressée sera tenue de garantir le risque qui lui a été proposé ;
Considérant que la requête n° 182 447 de la société en nom collectif Grand Littoral et de la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral tend à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 8 juillet 1996, par laquelle le Bureau central de tarification a estimé qu'en l'état du dossier qui lui était soumis, il n'y avait pas lieu d'imposer à la Compagnie Uni Europe, aux droits de laquelle vient désormais la Compagnie Axa Global Risks, de garantir les risques que ces sociétés lui avaient proposés, au titre de deux programmes immobiliers à réaliser dans la zone d'aménagement concerté dite Saint-André, à Marseille, et comportant la construction, par la société en nom collectif Grand Littoral, d'un centre commercial, et par la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral, d'un "complexe" cinématographique ; que la requête n° 186 387 des deux mêmes sociétés est dirigée contre la décision du 20 janvier 1997, par laquelle le Bureau central de tarification a de nouveau écarté la demande de la société en nom collectif Grand Littoral, en ce qui concerne la seconde "tranche" du centre commercial, et a demandé à la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral de fournir des justifications complémentaires sur le chantier du "complexe" cinématographique ; que ces deux requêtes présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
En ce qui concerne la décision du 8 juillet 1996 :
Considérant que cette décision, qui a mis les deux sociétés dans l'impossibilité de satisfaire à l'obligation d'assurance édictée par les dispositions précitées du code des assurances, a produit des effets qui n'ont été effacés, ni par la décision du 16 septembre 1996, par laquelle le Bureau central de tarification, délibérant à nouveau, sur la demande de son commissaire du gouvernement, a invité les deux sociétés à présenter à leur assureur de nouvelles demandes de garantie, ni par la décision du même bureau, ci-dessus analysée, du 20 janvier 1997 ; qu'ainsi, la Compagnie Axa Global Risks n'est pas fondée à soutenir que la requête dirigée contre la décision du 8 juillet 1996 est devenue sans objet ;
Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe général de droit ne font obligation au Bureau central de tarification de convoquer la personne qui l'a saisi, ou son représentant, ni de lui communiquer les documents fournis, en application de l'article R. 241-10 du code des assurances, par l'entreprise d'assurance sollicitée ; que le bureau n'est pas davantage tenu de fixer le montant de la prime selon une procédure contradictoire ; que, ni l'article R. 250-1 du code des assurances, relatif à la composition du Bureau central de tarification, ni aucune autre disposition réglementaire ne déterminent le nombre des membres du bureau qui doivent être présents lorsque celui-ci est appelé à statuer sur une demande ; qu'en l'absence d'un texte fixant une règle de quorum ou exigeant la présence de certains membres, les décisions du bureau sont régulières dès lors que la majorité de ses membres a siégé, quand bien même les membres qui représentent les entreprises d'assurance et ceux qui représentent les assujettis à l'obligation d'assurance n'auraient pas été en nombre égal ; qu'il est constant que neuf des treize membres qui composent le bureau étaient présents lorsque celui-ci a pris la décision attaquée ; que, eu égard à la nature, à la composition et aux attributions du bureau, ses décisions doivent être motivées ; qu'il a été satisfait, en l'espèce, à cette exigence ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qui est soutenu, la décision du 8 juillet 1996 n'a pas été prise selon une procédure irrégulière ;
Considérant que la société en nom collectif Grand Littoral et la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral n'apportent aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation portée, en l'état du dossier qui lui était soumis, par le Bureau central de tarification, selon laquelle leurs projets de construction d'un centre commercial et d'un "complexe" cinématographique comportaient, compte tenu de la nature du terrain sur lequel ils devaient être édifiés et des méthodes de construction envisagées, le risque "quasi-certain" d'engager la responsabilité décennale des constructeurs, ce qui excluait la possibilité de l'assurer ;
En ce qui concerne la décision du 20 janvier 1997, en tant qu'elle vise la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral :
Considérant que la décision du 23 juin 1997 par laquelle le Bureau central de tarification a finalement imposé à la Compagnie Axa Global Risks de garantir le risque proposé par la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral n'a pas fait disparaître les effets des décisions antérieurement prises sur la demande de cette société et, notamment, de la décision du 20 janvier 1997, qui l'avait maintenue dans l'impossibilité de satisfaire à son obligation d'assurance ; qu'ainsi, le Bureau central de tarification n'est pas fondé à soutenir que la requête dirigée contre la décision du 20 janvier 1997 est devenue sans objet, en tant qu'elle émane de la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral ; que, pour lemême motif, la Compagnie Axa Global Risks n'est pas fondée à prétendre que la décision du 20 janvier 1997 ne ferait pas grief à la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral et que celle-ci ne serait donc pas recevable à en demander l'annulation ;
Considérant que, compte tenu des éléments nouveaux dont il disposait à la date de la décision attaquée, tels que le rapport d'un collège d'experts nommé par la ville de Marseille, les permis de construire délivrés au vu de ce rapport, le cahier des charges établi par les mêmes experts en vue de fixer les mesures de surveillance du site, le compte rendu de vérification de l'exécution des mesures préconisées par les experts, l'avis favorable de la commission de sécurité, le Bureau central de tarification n'a pu légalement écarter, en l'état, encore une fois, la demande de garantie présentée par la Société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral, pour le même motif que celui qu'il avait retenu au soutien de sa décision, précitée, du 8 juillet 1996 ;
En ce qui concerne la décision du 20 janvier 1997, en tant qu'elle vise la société en nom collectif Grand Littoral :
Considérant que les articles L. 241-1 et suivants du code des assurances disposent que les personnes physiques ou morales tenues de satisfaire à l'obligation d'assurance des travaux de bâtiment, faute de quoi elles s'exposent aux sanctions pénales prévues par l'article L. 243-3 du même code, doivent être en mesure de justifier de cette assurance à l'ouverture du chantier ; que, cependant, il ne résulte, ni de ces articles, ni d'aucune autre disposition législative que, dans le cas où elles n'auraient formulé leur demande de garantie qu'après l'engagement des travaux, celles de ces personnes auxquelles l'entreprise d'assurance sollicitée a opposé un refus, seraient privées de la possibilité d'obtenir du Bureau central de tarification qu'il fixe le montant de la prime afférente au risque proposé, dès lors que le seul fait de l'engagement des travaux ne rend pas certaine la survenance d'un dommage, ni impossible l'évaluation de l'aléa ; qu'ainsi, en écartant la demande de la société en nom collectif Grand Littoral pour l'unique motif que les travaux faisant l'objet de sa demande de garantie avaient déjà commencé, le Bureau central de tarification a commis une erreur de droit ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête n° 186 387, que la société en nom collectif Grand Littoral et la société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral sont seulement fondées à demander l'annulation de la décision du 20 janvier 1997 du Bureau central de tarification ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la Société en nom collectif Grand Littoral et la société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral, par application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, à payer à la Compagnie Axa Global Risks la somme qu'elle demande, au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La décision du Bureau central de tarification du 20 janvier 1997 est annulée.
Article 2 : La requête n° 182 447 de la société en nom collectif Grand Littoral et de la société civile immobilière du Rond Point Grand Littoral est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par la Compagnie Axa Global Risks au titre del'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société en nom collectif Grand Littoral, à la société civile immobilière DU Rond Point Grand Littoral, à la Compagnie Axa Global Risks, au Bureau central de tarification et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.