Vu, 1°) sous le n° 181375, la requête enregistré le 16 juillet 1996, au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET D'EURE-ET-LOIR ; le PREFET D'EURE-ET-LOIR demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 1er juin 1996 par lequel le conseiller délégué par le tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 28 mai 1996 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Vu, 2°) sous le n° 181696, la requête enregistrée le 5 août 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mody X..., demeurant 3, bis rue de la Tuilerie, Appartement n° 27 à Vernouillet (28100) ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 29 décembre 1995 par lequel le conseiller déléguépar le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 1995 du préfet d' Indre-et-Loire décidant sa reconduite à la frontière et de la décision en date du 27 décembre 1995 fixant le pays de retour ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir lesdites décisions ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser des dommages et intérêts en réparation des préjudices moraux et financiers résultant de ces décisions ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Lallemand, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Célice, Blancpain, Soltner, avocat de M. Mody X...,
- les conclusions de Mme Roul, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées de M. X... et du PREFET D'EURE-ET-LOIR sont relatives à deux mesures de reconduite à la frontière dont a fait l'objet M. X... et présentent à juger des questions voisines ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la requête n° 181696 de M. X... :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement en date du 29 décembre 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a rejeté la demande de M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 novembre 1995 par lequel le préfet d'Indre-et-Loire a ordonné sa reconduite à la frontière et de la décision du 27 décembre 1995 fixant le pays de destination a été notifié à l'intéressé par envoi postal recommandé à l'adresse qu'il avait indiquée les 20 janvier et 10 février 1996 ; que malgré l'avis de passage qui avait été déposé, M. X... n'est pas venu retirer le pli à la poste mais s'est présenté seulement le 5 mars 1996 au greffe du tribunal administratif d'Orléans pour en prendre connaissance ; que, dans ces conditions le jugement attaqué doit être regardé comme ayant été notifié le 20 janvier 1996, date à laquelle le pli a été présenté pour la première fois à l'adresseoù M. X... a déclaré être domicilié ; que, par suite, sa demande d'aide juridictionnelle, qui n'a été enregistrée au bureau d'aide judiciaire du Conseil d'Etat que le 2 avril 1996, soit après l'expiration du délai prévu par l'article R. 241-20 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, était tardive et n'a pu rouvrir le délai d'appel ; que la requête de M. X... enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 5 août 1996 est, par suite, elle-même tardive et irrecevable ;
Sur la requête n° 181375 du PREFET D'EURE-ET-LOIR :
Considérant qu'en vertu de l'article 25-5° de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée, ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière "l'étranger qui est père ou mère d'un enfant français résidant en France à la condition qu'il exerce, même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins" ; que si M. X... est le père d'un enfant naturel de nationalité française qu'il a reconnu, il est constant qu'il n'exerçait pas l'autorité parentale sur cet enfant ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. X..., alors même qu'il aurait apporté occasionnellement une aide financière à la mère de son enfant, subvenait effectivement aux besoins de l'enfant qu'il avait reconnu ; que si, en application d'une ordonnance en date du 28 mai 1996 du juge aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Chartres le condamnant à verser une pension alimentaire, M. X... soutient avoir contribué aux frais d'entretien de son fils à compter de la signification dudit jugement, cette circonstance, postérieure à l'arrêté attaqué est sans incidence sur sa légalité ; que, par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur la méconnaissance par le PREFET D'EURE-ET-LOIR de l'article 25-5° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée pour annuler l'arrêté du 28 mai 1996 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X... devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant que si M. X... soutient que la décision attaquée aurait pour effet de le priver du droit de rendre visite à son fils et de participer à son éducation, il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le préfet ait porté à son droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels a été décidée la mesure d'éloignement ni ait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur la situation personnelle de l'intéressé ;
Considérant que le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET D'EURE-ET-LOIR est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans a annulé son arrêté du 28 mai 1996 décidant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Sur les conclusions incidentes de M. X... :
Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la demande de M. X... tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 1996 par lequel le PREFET D'EURE-ET-LOIR a ordonné sa reconduite à la frontière doit être rejetée ; qu'il y a lieu par voie de conséquence, dès lors qu'aucune faute ne peut être imputée à l'autorité administrative de rejeter les conclusions incidentes de M. X... tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer une indemnité de 49 900 F ;
Article 1er : Le jugement en date du 1er juin 1996 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif d'Orléans est annulé.
Article 2 : La requête n° 181696 de M. X... est rejetée.
Article 3 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Orléans tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 mai 1996 du PREFET D'EURE-ET-LOIR ordonnant sa reconduite à la frontière et son recours incident présenté dans la requête n° 181 375 sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mody X..., au PREFET D'EURE-ETLOIR, au préfet d'Indre-et-Loire et au ministre de l'intérieur.