Vu la requête enregistrée le 24 juin 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ; le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 22 mai 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 21 mai 1996, reconduisant à la frontière M. Konrad X... ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, modifiée ;
Vu la loi n° 91-737 du 30 juillet 1991 autorisant l'approbation de la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les gouvernements de l'Union économique Bénélux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française, relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, et le décret n° 95-304 du 21 mars 1995, portant publication de cette convention ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Struillou, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée : "I. Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement dans le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ... II. Les dispositions du 1° du I sont applicables à l 'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de la Communauté économique européenne : a) S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 ..." ;
Considérant qu'aux termes de l'article 5 de cette convention : "1. Pour un séjour n'excédant pas trois mois, l'entrée sur le territoire des Parties contractantes peut être accordée à l'étranger qui remplit les conditions suivantes : a) Posséder un document ou des documents valables permettant le franchissement de la frontière déterminés par le conseil exécutif ; b) Etre en possession d'un visa valable si celui-ci est requis ; c) Présenter, le cas échéant, les documents justifiant de l'objet et des conditions du séjour envisagé et disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée du séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ou le transit vers un Etat tiers dans lequel son admission est garantie, ou être en mesure d'acquérir légalement ces moyens ; d) Ne pas être signalé aux fins de non admission ; e) Ne pas être considéré comme pouvant compromettre l'ordre public, la sécurité nationale ou les relations internationales de l'une des Parties contractantes" ; qu'en vertu de l'article 6 de la même convention, les étrangers qui n'étant pas ressortissants de l'un des Etats membres de la Communauté européenne, franchissent les frontières extérieures des Parties contractantes, doivent faire l'objet, de la part des autorités compétentes, d'un contrôle approfondi portant, notamment, sur le respect des conditions fixées par l'article 5, précité ; qu'aux termes de l'article 20 de la convention : "1. Les étrangers non soumis à l'obligation de visa peuvent circuler librement sur le territoire des Parties contractantes pendant une durée maximale de trois mois au cours d'une période de six mois à compter de la date de première entrée, pour autant qu'ils remplissent les conditions d'entrées visées à l'article 5, paragraphe 1, points a, c, d et e ..." ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X..., ressortissant polonais, est entré sur le territoire français le 15 avril 1996 en franchissant la frontière entre l'Italie et la France ; qu'un contrôle effectué par la gendarmerie le 21 mai 1996 à Prades ayant fait ressortir qu'il ne remplissait pas les conditions d'entrée prévues par l'article 5, précité, de la convention d'application de l'accord de Schengen, il a fait l'objet, le même jour, d'un arrêté de reconduite à la frontière, pris par le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES ;
Considérant que, pour justifier de la régularité de son entrée sur le territoire français, M. X... fait valoir que la Pologne n'est pas au nombre des Etats dont les ressortissants sont soumis par la France à l'obligation de visa et, invoquant les stipulations, précitées, de l'article 20 de la convention d'application de l'accord de Schengen, fait état de ce que les autorités italiennes avaient visé son passeport le 5 avril 1996, pour soutenir qu'il pouvait circuler librement sur les territoires des Etats parties à la convention ;
Considérant qu'aux termes de l'article 139 de la convention d'application de l'accord de Schengen, signée le 19 juin 1990 : "La présente convention entrera en vigueur le premier jour du deuxième mois qui suit le dépôt du dernier instrument de ratification, d'approbation ou d'acceptation ..." ; que, toutefois, au moment de la signature de la convention entre les Gouvernements des Etats membres de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française, les parties contractantes ont adopté, notamment, une "déclaration commune concernant l'article 139", insérée dans l'Acte final, aux termes de laquelle " ... La convention ne sera mise en vigueur que lorsque les conditions préalables à l'application de la Convention seront remplies dans les Etats signataires et que les contrôles aux frontières extérieures seront effectifs" ; qu'au moment de la signature, le 25 juin 1991, des accords d'adhésion à la Convention du Royaume d'Espagne et de la République portugaise, ces deux Etats ont souscrit à l'Acte final de la Convention de 1990 et aux déclarations communes qu'il contient ; qu'en vertu d'une décision du 22 décembre 1994 du Comité exécutif institué par l'article 131 de la Convention, celle-ci a été mise en vigueur, le 26 mars 1995, à zéro heure, à l'égard des Etats membres de l'Union économique Benelux, de la République Fédérale d'Allemagne, de la République française, du Royaume d'Espagne et de la République Portugaise ; que la convention signée à Schengen le 19 juin 1990 et les accords d'adhésion à cette convention du Royaume d'Espagne et de la République portugaise, signés le 25 juin 1991, ont été publiés au Journal officiel de la République française du 22 mars 1995, en vertu des décrets n° 95-304, 95-305 et 35-306 du 21 mars 1995, après que les lois n° 91-737 du 10 juillet 1991, n° 93-1421 et n° 93-1422 du 31 décembre 1993 eurent autorisé leur approbation ; que, par un accord signé le 27 novembre 1990, la République italienne a adhéré aussi à la Convention ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'avaient pas encore été mises en vigueur à l'égard de cet Etat à la date du 15 avril 1996, à laquelle M. X... a franchi la frontière franco-italienne ; qu'ainsi, cette dernière constituait, à la même date, une frontière extérieure, au sens de la convention ; que, dès lors, les stipulations, précitées, de l'article 20 de la convention ne pouvaient bénéficier à M. X..., entré pour la première fois, en franchissant la frontière franco-italienne, sur le territoire d'une partie contractante à l'égard de laquelle la convention avait été mise en vigueur ; que, faute d'être entré ainsi régulièrement en France, M. X... pouvait faire l'objet, en application des dispositions combinées du I-1° et du II-a) de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945, modifiée, d'un arrêté de reconduite à la frontière ; que, dès lors, le PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES est fondé à demander l'annulation du jugement du 22 mai 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé son arrêté du 21 mai 1996, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Montpellier, du 22 mai 1996, est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DES PYRENEES-ORIENTALES, àM. Konrad X... et au ministre de l'intérieur.