Vu, 1°/ sous le n° 154681, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat les 24 décembre 1993 et 26 avril 1994, présentés pour M. Himmet X..., demeurant cité Saint Salvayre, appt 403 à Narbonne (11100) ; M. X... demande que le Conseil d'Etat annule :
1°) le jugement en date du 20 octobre 1993 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date des 5 août 1992, 17 septembre 1992, 25 février et 29 mars 1993, par lesquelles le préfet de l'Aude a rejeté ses demandes de restitution de sa carte de résident ;
2°) lesdites décisions ;
Vu, 2°/ sous le n° 154733 la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat de la section du Contentieux du Conseil d'Etat les 27 décembre 1993 et 26 avril 1993, présentés pour M. Himmet X..., demeurant cité Saint Salvayre, appt. 403 à Narbonne (11100) ; la requête de M. X... tend aux mêmes fins que celle enregistrée sous le n° 154681 par les mêmes moyens ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 46-1574 du 30 juin 1946 modifié ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle de Silva, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de M. X...,
- les conclusions de M. Piveteau, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. X... sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision ;
Sur la légalité des décisions en date du 5 août 1992, 17 septembre 1992 et 29 mars 1993 :
Considérant que l'article 5 du décret du 30 juin 1946 modifié, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée, dispose que : "Le titre de séjour peut être retiré : ... 3°) Si le détenteur du titre fait l'objet d'une mesure d'expulsion ou d'une décision judiciaire d'interdiction de territoire" ; qu'aux termes de l'article 7 du même décret : "L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande : ... 3°) Sauf stipulation contraire d'une convention internationale applicable en France, un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois" ;
Considérant que M. X..., qui était détenteur d'une carte de résident, valable du 29 octobre 1988 au 28 octobre 1998, a fait l'objet d'une condamnation, le 15 juin 1989 par le tribunal de grande instance de Narbonne, à une peine de prison avec sursis et à une interdiction du territoire national de trois ans pour aide directe au séjour irrégulier d'un étranger en France ; qu'à la suite de cette décision judiciaire, il a fait l'objet, le 11 octobre 1992, d'une reconduite vers la Turquie ; que, dès lors, en application des dispositions citées ci-dessus de l'article 5 du décret du 30 juin 1946, c'est à bon droit que le préfet de l'Aude a procédé à l'abrogation de la carte de résident délivrée en 1988 et a, par les décisions attaquées des 5 août et 17 septembre 1992, considéré la demande de M. X..., tendant à ce que sa carte de résident lui soit restituée à l'expiration de la période de trois ans d'interdiction du territoire fixée par l'autorité judiciaire, comme une nouvelle demande d'entrée en France ;
Considérant que M. X..., qui ne pouvait prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement de l'article 15 de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée, devait, en application des dispositions précitées, présenter avec sa demande un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que, dès lors, le préfet de l'Aude pouvait légalement, par sa décision du 29 mars 1993, lui refuser le titre de séjour demandé au motif que le requérant ne justifiait pas être en possession d'un tel visa ;
Considérant enfin que, si M. X... soutient que les décisions attaquées portent une atteinte excessive à sa vie familiale, il ne ressort pas des pièces du dossier que le requérant n'ait plus d'attache avec la Turquie ; que, dans les circonstances de l'espèce, les décisions attaquées n'ont pas porté, au droit au respect de la vie familiale du requérant, une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elles ont été prises et n'ont, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui a suffisamment répondu à l'ensemble des conclusions et des moyens présentés par le requérant, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Aude en date des 5 août 1992, 17 septembre 1992 et 25 mars 1993 ;
Sur les conclusions dirigées contre la décision en date du 25 février 1993 :
Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 : "sauf en matière de travaux publics, la juridiction administrative ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée" ;
Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision du 25 février 1993 par laquelle le préfet de l'Aude a refusé à M. X... la délivrance d'un nouveau titre de séjour ait été notifiée à l'intéressé plus de deux mois avant l'introduction, le 27 mai 1993, de sa demande devant le tribunal administratif de Montpellier ; que c'est par suite à tort que le tribunal administratif de Montpellier a déclaré la demande de M. X... dirigée contre l'arrêté du 25 février 1993 tardive et par suite irrecevable ;
Considérant qu'il y a lieu pour le Conseil d'Etat d'évoquer et de statuer sur cette demande ;
Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le préfet de l'Aude a pu, à bon droit, regarder la demande de M. X... comme tendant à la délivrance d'un nouveau titre de séjour et refuser d'accorder un tel titre à l'intéressé au motif qu'il n'était pas titulaire d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois ; que, dans les circonstances de l'espèce, cette décision du préfet n'a pas porté au droit au respect de la vie familiale du requérant une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; que M. X... n'est, par suite, pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de l'Aude en date du 25 février 1993 ;
Article 1er : Le jugement susvisé du tribunal administratif de Montpellier en date du 20 octobre 1993 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision du préfet de l'Aude en date du 25 février 1993.
Article 2 : La demande de M. X... dirigée contre la décision du 25 février 1993 susvisée et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Himmet X... et au ministre de l'intérieur.