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10/12/1997 | FRANCE | N°168238

France | France, Conseil d'État, 10/ 7 ssr, 10 décembre 1997, 168238


Vu l'ordonnance du 20 mars 1995, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 mars 1995, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée à cette cour par la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 13 mars 1995, présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVIC

E DE LAMANAGE, dont le siège est Résidence "Les Jardins du Po...

Vu l'ordonnance du 20 mars 1995, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 27 mars 1995, par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Nantes a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 81 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, la requête présentée à cette cour par la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE ;
Vu la requête enregistrée au greffe de la cour administrative d'appel de Nantes le 13 mars 1995, présentée pour la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE, dont le siège est Résidence "Les Jardins du Port", Bât. D1, à Tourlaville (50110), représentée par son gérant en exercice ; la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE demande au juge administratif d'appel :
1°) d'annuler le jugement du 10 janvier 1995 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes dirigées contre la décision implicite de rejet opposée par le directeur du Port de Cherbourg à la demande dont elle l'avait saisi le 22 juillet 1991, en vue d'obtenir l'agrément requis pour l'exercice d'une activité de "lamanage" dans le port de Cherbourg ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des ports maritimes et le règlement général des ports maritimes de commerce et de pêche qui y est annexé ;
Vu le règlement particulier du port de Cherbourg, du 30 août 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lévy, Conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Combrexelle, Commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article R. 351-1 du code des ports maritimes " ... la police des ports qui relèvent de la compétence de l'Etat ou des ports départementaux est régie, à l'intérieur des limites des ports définies dans les conditions prévues à l'article R. 151-1, par le règlement général des ports maritimes de commerce et de pêche reproduit en annexe au présent code" ; que, selon l'article 10 de ce règlement : "L'exercice du remorquage et du lamanage des bâtiments est subordonné à l'agrément du directeur du port tant en ce qui concerne le personnel que le matériel. Les modalités en sont fixées par les règlements particuliers" ; que le règlement particulier du port de Cherbourg, édicté par un arrêté du préfet de la Manche du 30 août 1984, applicable en l'espèce, dispose que "pour être agréées, les entreprises sont tenues de présenter une demande écrite au directeur du port précisant les moyens, tant en personnel qu'en matériel", qu'elles "sont susceptibles de mettre en oeuvre ... Cet agrément délivré par le directeur du port pourra fixer la composition des équipes et le matériel à mettre en oeuvre en fonction de la taille des navires" ;
Considérant que la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE a demandé, le 22 juillet 1991, au préfet de la Manche, de lui accorder l'agrément prévu par l'article 10 précité du règlement général des ports maritimes de commerce et de pêche ; que, la légalité de la décision implicite de rejet opposée par le directeur du port de Cherbourg à cette demande d'agrément, qui lui avait été transmise par le préfet de la Manche, a été contestée par la société devant le tribunal administratif de Caen ; que celui-ci rejeté les conclusions de la société, au motif que l'agrément ayant été demandé au profit d'une personne morale, qui, à la date de la décision attaquée, n'avait pas d'existence légale et n'était pas en voie de formation, l'administration était tenue de le refuser ;
Sur les fins de non-recevoir opposées aux demandes présentées par la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE devant le tribunal administratif de Caen :
Considérant, d'une part, qu'aux dates auxquelles ces demandes ont été enregistrées au greffe du tribunal administratif de Caen, les statuts de la société n'avaient pas encore été signés par les associés ; que la société devait cependant être regardée, eu égard à l'objet et aux modalités d'octroi de l'agrément sollicité, comme étant en cours de constitution ;que la fin de non-recevoir tirée de son défaut de capacité à agir en justice doit, par suite, être écartée ;

Considérant, d'autre part, que la demande d'agrément formulée par la société, le 22 juillet 1991, a été reçue le 25 juillet 1991 par le préfet de la Manche, qui, ainsi qu'il a été dit, l'a transmise, comme il devait le faire, au directeur du port de Cherbourg ; qu'ainsi, ce dernier doit être réputé avoir pris la décision implicite de rejet contestée, qui a été acquise le 25 novembre 1991 ; que la société était, par suite, recevable à demander au tribunal administratif de prononcer l'annulation de cette décision, ainsi qu'elle l'a fait le 22 décembre 1991 ;
Sur la légalité de la décision implicite de rejet de la demande d'agrément de la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE :
Considérant qu'il appartenait à l'administration, en vue de prendre une décision sur cette demande d'agrément, d'apprécier, à l'aide des éléments dont elle disposait, si la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE, qui ne possédait pas encore la personnalité morale, était, néanmoins, en cours de constitution ; que l'administration ne se trouvait, dès lors, pas en situation de compétence liée entraînant l'inopérance des moyens ultérieurement présentés par la société au soutien de sa demande devant le tribunal administratif ; que, par suite, c'est à tort que celui-ci a rejeté cette demande, en écartant comme inopérants les moyens soulevés par la société ;
Considérant, toutefois, qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner ces moyens ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Lecacheux, président de la chambre de commerce et d'industrie de Cherbourg, concessionnaire d'outillage public du port de Cherbourg, qui exerçait une activité de lamanage dans ce port, avait été élu président du conseil portuaire le 7 décembre 1989 ; qu'il présidait la séance du 14 novembre 1991 au cours de laquelle ce conseil, après avoir examiné les demandes d'agrément de services de lamanage respectivement présentées par la chambre de commerce et d'industrie et par la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE, a émis un avis favorable à la première de ces demandes et un avis défavorable à la seconde ; qu'il ressort du procès-verbal de la séance du conseil portuaire que, contrairement à ce qui est soutenu, M. Lecacheux a pris part à la discussion qui s'est instaurée sur ces deux demandes ; que, dans ces circonstances, l'avis émis par le conseil portuaire se trouve entaché d'une irrégularité de nature à vicier la décision implicite de rejet opposée, après la formulation de cet avis, à la demande de la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté ses demandes ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Caen du 10 janvier 1995, ainsi que la décision implicite de rejet opposée à la demande d'agrément présentée le 22 juillet 1991 par la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIERE MARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE, sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE COOPERATIVE OUVRIEREMARITIME DE SERVICE DE LAMANAGE et au ministre de l'équipement, des transports et du logement.


Synthèse
Formation : 10/ 7 ssr
Numéro d'arrêt : 168238
Date de la décision : 10/12/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

ACTES LEGISLATIFS ET ADMINISTRATIFS - VALIDITE DES ACTES ADMINISTRATIFS - MOTIFS - POUVOIRS ET OBLIGATIONS DE L'ADMINISTRATION - COMPETENCE LIEE - Absence - Décision supposant l'exercice d'un pouvoir d'appréciation au vu des éléments dont dispose l'administration.

01-05-01-03, 54-01-06(2), 54-07-01-04-03 Autorité portuaire saisie d'une demande d'agrément en vue de l'exercice de l'activité de lamanage présentée au nom d'une société dont les statuts n'avaient pas encore été signés par les associés. Pour prendre une décision sur cette demande d'agrément, l'administration devait apprécier à l'aide des éléments dont elle disposait, si la société en cause, qui ne possédait pas encore la personnalité morale, était en cours de constitution. Elle ne se trouvait donc pas en situation de compétence liée pour rejeter la demande et le moyen tiré de ce que l'avis émis sur la demande par le conseil portuaire aurait été entaché d'irrégularité n'est pas inopérant.

PORTS - UTILISATION DES PORTS - NAVIGATION DANS LES PORTS - Lamanage - Refus d'agrément d'une société en cours de constitution - Capacité de ladite société à agir en justice.

50-02-07, 54-01-06(1) Société en cours de constitution ayant sollicité du directeur du port de Cherbourg l'agrément prévu par l'article 10 du règlement général des ports maritimes de commerce et de pêche pour l'exercice du lamanage. Eu égard à l'objet et aux modalités d'octroi de l'agrément sollicité, la société doit être regardée comme ayant la capacité d'agir en justice pour demander l'annulation du refus d'agrément qui lui a été opposé, alors même que ses statuts n'avaient pas encore été signés par les associés à la date d'introduction du recours.

PROCEDURE - INTRODUCTION DE L'INSTANCE - CAPACITE (1) Société en cours de constitution - Recours tendant à l'annulation d'un refus d'agrément rendant impossible l'activité envisagée - (2) Demande d'agrément présentée par une société de lamanage dont les statuts n'avaient pas encore été signés - Compétence liée de l'administration pour refuser - Absence - Conséquence - Caractère opérant du moyen tiré de l'irrégularité d'une consultation.

PROCEDURE - POUVOIRS ET DEVOIRS DU JUGE - QUESTIONS GENERALES - MOYENS - MOYENS INOPERANTS - Absence - Administration ne se trouvant pas en situation de compétence liée pour rejeter une demande - Moyen tiré d'une consultation irrégulière.


Références :

Arrêté du 30 août 1984
Code des ports maritimes R351-1


Publications
Proposition de citation : CE, 10 déc. 1997, n° 168238
Mentionné aux tables du recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Groux
Rapporteur ?: M. Lévy
Rapporteur public ?: M. Combrexelle

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:168238.19971210
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