Vus, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat respectivement les 5 mai et 27 juillet 1993, le recours et le mémoire complémentaire présentés pour la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES", dont le siège est chez la société Hurks International BV, P.O.B. 56000 Ar-Eindhoven (Pays-Bas) ; la SOCIETE demande que le Conseil d'Etat réforme l'arrêt du 9 mars 1993 de la cour administrative d'appel de Bordeaux en tant qu'il a confirmé le jugement du 19 juin 1990 du tribunal administratif de Montpellier, rejetant sa demande en décharge des suppléments de prélèvements sur les profits de construction qui lui ont été assignés au titre des années 1980, 1981 et 1982 à raison des "profits sur le Trésor" qu'elle aurait réalisés en n'acquittant pas la taxe sur la valeur ajoutée afférente à des services qui lui ont été rendus par un prestataire étranger établi hors de France ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la Société civile immobilière "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES",
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les prestations de services mentionnées à l'article 259 B du code général des impôts, telles que les prestations de conseil et de publicité, sont, en vertu de cet article, imposables en France à la TVA lorsqu'elles sont effectuées par un prestataire établi hors de France au bénéfice d'un assujetti à cette taxe qui a en France le siège de son activité ; qu'aux termes du 2 de l'article 283 du même code : "Pour les opérations imposables mentionnées à l'article 259 B, la taxe doit être acquittée par le bénéficiaire ..." ; que ce dernier peut, en vertu de l'article 271-1 du code général des impôts et des articles 218, 219.a) et 223.1 de l'annexe II au même code, déduire la totalité de cette taxe de celle dont il est redevable au titre de ses propres opérations imposables, dès lors du moins qu'il réalise exclusivement des opérations ouvrant droit à déduction ou que les services qui ont été grevés par la taxe dont il est débiteur concourent exclusivement à la réalisation de telles opérations, et que, conformément aux dispositions de l'article 224-1 de l'annexe II au code général des impôts, il a mentionné le montant de la taxe dont la déduction lui est ainsi ouverte sur les déclarations qu'il est tenu de déposer pour le paiement de la TVA ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'administration, après avoir constaté, à l'occasion d'une vérification de la comptabilité de la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES", ayant porté simultanément sur les taxes sur le chiffre d'affaires et sur l'impôt sur le revenu, que cette société n'avait pas déclaré la TVA afférente à des prestations de conseil et de publicité qui lui avaient été fournies, au cours des années 1980, 1981 et 1982, par des sociétés établies hors de France, l'a assujettie, d'une part, au complément de taxe correspondant, d'autre part et au titre des mêmes années, à des suppléments de prélèvement sur les profits de construction établis en application des dispositions, alors en vigueur, des articles 235 quater-I ter, 1 bis et 235 quinquiès du code général des impôts et calculés sur des sommes égales aux montants de la TVA éludée, s'élevant respectivement à 306 415 F, 226 371 F et 246 780 F, qui étaient restés impayés à la clôture des exercices correspondant aux années 1980, 1981 et 1982, au motif qu'à concurrence de ces montants, la société s'était vu ouvrir un droit à déduction, constitutif de créances sur le Trésor, qui auraient dû figurer, sans contrepartie au passif, à l'actif de ses bilans et qu'il y avait donc lieu, par application du 2 de l'article 38 du code général des impôts de majorer de ces excèdents des valeurs d'actif ses bénéfices nets imposables des exercices précités ;
Mais considérant qu'il découle de ce qui a été dit plus haut qu'en s'abstenant de déclarer la TVA dont elle était débitrice envers le Trésor, en application des dispositionsprécitées des articles 259 B et 283-2 du code général des impôts, au titre des prestations de publicité et de conseil qui lui ont été fournies par des sociétés établies hors de France, la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES" s'est, par là-même, privée du droit de la déduire et de se prévaloir ainsi, à ce titre, d'une créance sur le Trésor ; que la constatation d'une telle créance étant indissociable de celle de la dette qui la cause, l'administration n'était pas en droit de regarder les sommes correspondant au droit à déduction qui aurait été prétendûment ouvert à la société comme un élément d'actif net imposable, qualifié par elle de "profit sur le Trésor", et ce, indépendamment de la déduction "en cascade", dont ladite société eut été en droit de demander le bénéfice, en application de l'article L. 77 du livre des procédures fiscales ; que la société est, dès lors, fondée à soutenir qu'en jugeant que l'administration était en droit de rétablir à l'actif de ses bilans des exercices clos le 31 décembre de chacune des années 1980, 1981 et 1982, des sommes de montant égal à celui de la TVA qu'elle aurait dû acquitter avant ces dates et de majorer d'autant les bénéfices nets imposables qu'elle avait réalisés au cours de ces exercices, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit, et à demander, pour ce motif, l'annulation de son arrêt ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, par application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, de règler l'affaire au fond ;
Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 19 juin 1990, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande en décharge des suppléments de prélèvement sur les profits de construction qui lui ont été assignés au titre des années 1980, 1981 et 1982 ;
Article 1er : L'article 4 de l'arrêt du 9 mars 1993 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES" est déchargée des suppléments de prélèvement sur les profits de construction qui lui ont été assignés au titre des années 1980, 1981 et 1982.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 19 juin 1990 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 ci-dessus.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE "HURKS REALISATIONS IMMOBILIERES" et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.