Vu la requête, enregistrée le 29 février 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES, dont le siège est BP 194 à Beaune Cedex (21205), représentée par son secrétaire général en exercice, et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION, dont le siège est ..., représenté par son président en exercice ; l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 30 décembre 1995 relatif à la prise en charge par les caisses d'assurance maladie d'une partie de la cotisation d'allocations familiales due par certains médecins ;
2°) de condamner l'Etat à leur verser une somme de 15 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu la loi n° 89-18 du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Fombeur, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Richard, Mandelkern, avocat de l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES et du SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION et de la SCP Ancel, Couturier-Heller avocat du ministre de l'emploi et de la solidarité et autres,
- les conclusions de M. Chauvaux, Commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe du décret attaqué :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 200-3 ajouté au code de la sécurité sociale par l'article 7-I de la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 : "Les conseils d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, de la caisse nationale des allocations familiales et de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale ... sont saisis, pour avis et dans le cadre de leurs compétences respectives, de tout projet de mesure législative ou réglementaire ayant des incidences sur l'équilibre financier de la branche ou entrant dans leur domaine de compétence ..." ; que le décret attaqué modifie pour l'année 1996 la part de la cotisation d'allocations familiales des médecins exerçant leur activité professionnelle non salariée dans le cadre conventionnel et qui n'ont pas choisi de pratiquer des tarifs différents de ceux fixés par la convention nationale que les caisses d'assurance maladie prennent en charge ; que ses dispositions n'entrent pas dans le domaine de compétence de la caisse nationale des allocations familiales ; qu'elles sont sans incidence sur l'équilibre financier de la branche familiale ; que, dès lors, le décret attaqué a pu légalement intervenir sans qu'il fût procédé à la consultation préalable du conseil d'administration de la caisse nationale des allocations familiales ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 200-3 du code de la sécurité sociale : "Lorsque l'avis porte sur un projet de mesure législative ou réglementaire, il doit être notifié au ministre chargé de la sécurité sociale dans le délai de vingt-et-un jours à compter de la date de réception dudit projet. Toutefois, en cas d'urgence, dûment motivée dans la lettre de saisine, ce délai est réduit à onze jours" ; qu'aux termes de l'article R. 200-5 du même code : "A défaut de notification au ministre chargé de la sécurité sociale d'un avis dans les délais fixés aux articles R. 200-3 et R. 200-4, l'avis est réputé rendu"; que, enfin, les termes de l'article R. 200-6 précisent : "Les délais fixés aux articles R. 200-3 et R. 200-4 sont des délais francs ..." ; que, par télécopie du 11 décembre 1995, le ministre du travail et des affaires sociales a saisi pour avis du projet de décret la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et l'agence centrale des organismes de sécurité sociale, en invoquant l'urgence, qui était dûment motivée ; que les avis des conseils d'administrations des deux organismes étaient donc réputés rendus le mardi 26 décembre 1995 à minuit ; que, par suite, le décret attaqué, en date du 30 décembre 1995, est intervenu à la suite d'une procédure régulière même si préalablement à son édiction, ses auteurs n'ont pas disposé des avis des conseils d'administration de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés et de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale ;
Sur la légalité interne du décret attaqué :
Considérant qu'en vertu de l'article L. 162-8-1 du code de la sécurité sociale, les caisses d'assurance maladie peuvent prendre en charge, dans des conditions fixées par décret, une partie de la cotisation d'allocations familiales due par les médecins exerçant leur activité professionnelle non salariée dans le cadre des conventions nationales prévues à l'article L. 162-5 ; qu'en outre, en vertu de l'article L. 722-4 du même code, lorsque la convention nationale prévoit que certains médecins peuvent choisir de pratiquer des tarifs différents de ceux qu'elle fixe, ces médecins prennent en charge la part de cotisation mentionnée à l'article L. 162-8-1 ; que, sur ce fondement, le pouvoir réglementaire, qui n'avait pas épuisé la compétence qu'il tenait des dispositions de l'article L. 162-8-1 par l'édiction du décret n° 90-598 du 10 juillet 1990 insérant un article D. 242-15-1 dans le code de la sécurité sociale, pouvait légalement définir la partie de la cotisation prise en charge par les caisses d'assurance maladie pour 1996 comme étant calculée au taux de 5 pour 100 des revenus professionnels dans la limite du plafond de la sécurité sociale ; que de telles dispositions, qui se bornent à modifier la répartition de la charge de la cotisation mentionnée par l'article L. 162-8-1 du code de la sécurité sociale, sont sans incidence sur la définition de l'assiette des cotisations d'allocations familiales des employeurs et travailleurs indépendants telle qu'elle résulte des articles L. 242-11 et L. 131-6 du code de la sécurité sociale, dont les requérants ne sont, par suite, pas fondés à soutenir qu'ils auraient été méconnus ; qu'elles ne sont pas contraires à l'article L. 722-4 du même code non plus qu'à la loi susvisée du 13 janvier 1989 portant diverses mesures d'ordre social ; que le décret attaqué pouvait légalement déroger pour l'année 1996 aux dispositions de l'article D. 242-15-1 du code de la sécurité sociale ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION ne sont pas fondés à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret du 30 décembre 1995 relatif à la prise en charge par les caisses d'assurance maladie d'une partie de la cotisation d'allocations familiales due par certains médecins ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES et le SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens :
Article 1er : La requête de l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES et du SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'UNION DES PROFESSIONS DE SANTE LIBERALES, au SYNDICAT DES MEDECINS D'AIX ET REGION, au Premier ministre, au ministre de l'emploi et de la solidarité, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre de l'agriculture et de la pêche.