Vu la requête enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 10 juillet 1996, présentée par le PREFET DE POLICE ; le PREFET DE POLICE demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 24 avril 1996 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a annulé son arrêté du 15 avril 1996 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... Musbah ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. X... devant ledit tribunal ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- les conclusions de M. Bonichot, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le mariage de M. X... avec une ressortissante française le 7 décembre 1995 datait de quelques mois lorsque l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière est intervenu ; qu'eu égard à la très brève durée du mariage contracté, et dès lors qu'il n'est pas établi que l'intéressé n'avait plus d'attache familiale en Lybie, cet arrêté n'a pas porté au respect dû à sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris s'est fondé sur la méconnaissance de cet article pour annuler son arrêté du 15 avril 1996 ;
Considérant toutefois qu'il appartient au Conseil d'Etat, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés en première instance par M. X... ;
Considérant qu'aux termes de l'article 22-1 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : "Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le PREFET DE POLICE peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : .... 3° Si l'étranger, auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait" ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X... a fait l'objet le 23 janvier 1996 d'une invitation à quitter le territoire ; qu'il s'est maintenu sur le territoire plus d'un mois à compter de la notification de cette décision ; qu'il entrait dès lors dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'en vertu de l'article 25 du 2 novembre 1945, ne peut être reconduit à la frontière : " ....4° L'étranger, marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française" ; que, comme il a été dit ci-dessus, le mariage de M. X... datait de moins d'un an à la date à laquelle l'arrêté de reconduite à la frontière a été pris ; qu'ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à se prévaloir de la disposition susmentionnée ;
Considérant que la demande de M. X... tendant à ce que lui soit accordé le statut de réfugié politique a été rejetée par une décision de l'office français de protection desréfugiés et apatrides en date du 12 septembre 1995, confirmée le 9 janvier 1996 par la Commission des recours des réfugiés ; que si l'intéressé fait état des risques qu'il encourrait en cas de retour en Lybie, il ne fait valoir aucun élèment nouveau de nature à faire obstacle à sa reconduite à destination de son pays d'origine ;
Considérant que la circonstance que l'intéressé ait entrepris des démarches pour se faire admettre dans un pays tiers est sans influence sur la légalité de la décision attaquée ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE POLICE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris a prononcé l'annulation de son arrêté, en date du 15 avril 1996, ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... ;
Article 1er : Le jugement susvisé en date du 24 avril 1996 du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Paris est rejetée.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au PREFET DE POLICE, à M. X... et au ministre de l'intérieur.