Vu 1°), sous le n° 154118, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 1993 et 7 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. C A, demeurant ... ; M. A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 8 septembre 1993 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 4 septembre 1993 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
- d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu 2°), sous le n° 154119, la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 7 décembre 1993 et 7 février 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Fredy B, épouse A, demeurant ... ; M. C A demande au président de la section du contentieux du Conseil d'Etat :
- d'annuler le jugement du 8 septembre 1993 par lequel le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a rejeté les conclusions de son intervention en soutien de la requête de son époux, M. C A, dirigée contre l'arrêté du 4 septembre 1993 par lequel le préfet de police a décidé sa reconduite à la frontière ;
- d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le Traité de Rome et le règlement CEE n° 1612/68 du 15 octobre 1968 du Conseil des Communautés européennes ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée, notamment par la loi du 2 août 1989, la loi du 10 janvier 1990, la loi du 26 février 1992 et la loi du 24 août 1993 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Bouthors, avocat de M. A et de Mme Fredy B, épouse A,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes de M. A et de Mme B sont dirigées contre le même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une même décision ;
Sur la requête n° 154119 :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant qu'en soulevant dans son intervention en première instance un moyen tiré de la contrariété de la décision attaquée avec les dispositions du Traité de Rome du 25 mars 1957, Mme B, épouse de M. A, entendait contester la légalité interne de ladite décision ; que ce moyen ne procédait pas d'une cause juridique distincte de celle sur laquelle reposait la requête principale de M. A ; que, dès lors, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris a considéré que l'intervention de Mme B ne pouvait être accueillie et s'est abstenu de répondre au moyen présenté dans l'intervention ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B est fondée à demander l'annulation du jugement du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris, en date du 8 septembre 1993, en tant qu'il a écarté son intervention ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur l'intervention présentée par Mme B devant le tribunal administratif de Paris ;
Considérant que Mme B, en sa qualité d'épouse de M. A, a intérêt à demander l'annulation de l'arrêté ordonnant la reconduite à la frontière de ce dernier ; que son intervention est recevable ;
Considérant que Mme B, qui n'est pas dans la situation d'un travailleur d'un Etat membre travaillant sur le territoire d'un autre Etat membre, ne saurait utilement invoquer, en sa faveur et au bénéfice de son époux, les dispositions communautaires relatives à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de l'Union européenne et en particulier le règlement CEE n° 1612/68 du conseil du 15 octobre 1968 ;
Sur la requête n° 154118 :
Sur le moyen tiré du défaut de réponse à conclusions :
Considérant que le magistrat délégué par le président du tribunal administratif n'était pas tenu d'ordonner la mesure d'instruction demandée par M. A, dès lors que celle-ci n'était pas nécessaire à la solution du litige ;
Sur le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué :
Considérant que l'arrêté du 4 septembre 1993 par lequel le préfet de police a ordonné la reconduite à la frontière de M. C A, comporte l'énoncé des éléments de droit et de fait qui constituent le fondement de cette décision ; que la circonstance que cet arrêté ne mentionne pas de façon explicite la situation matrimoniale du requérant à l'époque de la décision n'est pas de nature à le faire regarder comme insuffisamment motivé ;
Sur les erreurs de droit dont serait entaché l'arrêté attaqué :
Considérant que, si M. C A soutient qu'au moment où a été pris l'arrêté attaqué, il possédait un passeport sur lequel était apposé un cachet portant la mention "visiteur temporaire", il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il était alors en possession d'une autorisation provisoire de séjour ; que, dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les dispositions de l'article 22-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée lui étaient applicables et que le préfet de police a commis une erreur de droit en fondant son arrêté sur les dispositions de l'article 22-2° du même texte ;
Considérant qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : "Ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : ... 4° L'étranger, marié depuis au moins un an avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; ... Les étrangers mentionnés aux 1° à 6° ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 de la présente ordonnance ..." ; qu'aux termes de l'article 15-1° de la même ordonnance : "Sauf si la présence de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public, la carte de résident est délivrée de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour et, pour les cas mentionnés au 1° à 5° du présent article, de celle de l'entrée sur le territoire français : 1° A l'étranger marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie entre les époux n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française ..." ; qu'aux termes de l'article 18 bis : "Il est institué, dans chaque département, une commission du séjour des étrangers ... Cette commission est saisie par le préfet lorsque celui-ci envisage de refuser : ... la délivrance d'un titre de séjour à un étranger mentionné à l'article 25 (1° à 6°)" ;
Considérant que M. C A a épousé Mlle B, de nationalité française, le 24 juin 1993 ; qu'à la date du 4 septembre 1993 il était donc marié depuis moins de trois mois ; qu'il n'est donc pas fondé à prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 25-4° précité, non plus qu'à celles des articles 15-1° et 18 bis de la même ordonnance ;
Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
Considérant qu'il est constant que M. C A s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'il a bénéficié de l'ensemble des garanties prévues par les articles 22 et 22 bis de l'ordonnance susvisée du 2 novembre 1945 modifiée en faveur des étrangers en situation irrégulière qui font l'objet d'une décision de reconduite à la frontière ; qu'il a pu, en particulier, former à l'encontre de la mesure prise à son égard un recours à caractère suspensif devant le tribunal administratif ; qu'il ne saurait, dès lors, soutenir que la procédure suivie aurait méconnu l'article 13 de la convention précitée ;
Considérant que les litiges concernant les reconduites à la frontière n'entrent pas dans le champ d'application de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par suite, M. C A n'est pas recevable à invoquer la violation de cet article ;
Considérant qu'eu égard à la très brève durée de l'union contractée par le requérant, l'arrêté pris à son encontre par le préfet de police n'a pas porté au respect dû à sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a donc pas méconnu les dispositions des articles 8 et 12 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C A et Mme Fredy B ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le préfet de police à l'encontre de M. A serait entaché d'illégalité ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement, en date du 8 septembre 1993, du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Paris est annulé en tant qu'il a écarté l'intervention présentée par Mme B en soutien de la requête de son époux, M. C A.
Article 2 : L'intervention de Mme B devant le tribunal administratif de Paris est admise.
Article 3 : La requête présentée par M. C A et le surplus de la requête de Mme Fredy B sont rejetés.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. C A, à Mme Fredy B, au préfet de police et au ministre de l'intérieur.