La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/06/1997 | FRANCE | N°138054

France | France, Conseil d'État, 1 ss, 23 juin 1997, 138054


Vu la requête, enregistrée le 4 juin 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Jacqueline BATUT, demeurant Route nationale à Septfonds (82240) ; Mme BATUT demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 6 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 1987 par lequel le maire de la commune de La Fouillade a ordonné le placement d'office provisoire de M. A. D. à hôpital de Cayssiols, de la décision du directeur de cet hôpital du 16 mai 1987 prononçant l'admi

ssion de M. A. D. dans son établissement et de la décision de c...

Vu la requête, enregistrée le 4 juin 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour Mme Jacqueline BATUT, demeurant Route nationale à Septfonds (82240) ; Mme BATUT demande que le Conseil d'Etat annule le jugement en date du 6 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté du 16 mai 1987 par lequel le maire de la commune de La Fouillade a ordonné le placement d'office provisoire de M. A. D. à hôpital de Cayssiols, de la décision du directeur de cet hôpital du 16 mai 1987 prononçant l'admission de M. A. D. dans son établissement et de la décision de ce même directeur du 19 mai 1987 prononçant le maintien de l'internement ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales signée le 4 novembre 1950 dont la ratification a été autorisée par la loi n° 73-1227 du 31 décembre 1973 et qui a été publiée par le décret du 3 mai 1974 ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Lafouge, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Guiguet, Bachellier, Potier de la Varde, avocat de Mme Jacqueline BATUT et de la SCP Coutard, Mayer, avocat de la commune de La Fouillade,
- les conclusions de Mme Maugüé, Commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que la circonstance que Mme J. B. aurait reçu tardivement communication du mémoire de la commune de La Fouillade dans lequel celle-ci contestait la recevabilité de son pourvoi et qu'ainsi elle n'aurait pas été en mesure de répondre sur ce point n'est pas de nature à entacher la régularité du jugement qui statue "sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité des conclusions aux fins de reprise d'instance de Mme B." ;
Considérant que les dispositions de l'article R. 153-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel qui font obligation au président de la formation de jugement d'informer les parties de ce que la décision lui paraît susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office sont applicables aux affaires appelées à l'audience postérieurement au 1er mars 1992 ; que, par suite, Mme J. B. ne peut utilement se prévaloir en l'espèce de ces dispositions ; qu'eu égard à la nature de la contestation portée devant les premiers juges, Mme B. ne saurait davantage invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la recevabilité de la demande présentée par Mme J.B. devant le tribunal administratif de Toulouse :
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme J. B., qui avait la qualité d'héritière de M. A. D., a pu régulièrement reprendre les instances engagées par celui-ci devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Sur la légalité de l'arrêté du maire de la commune de La Fouillade du 16 mai 1987 ordonnant d'urgence le placement en observation de M. A. D. à l'hôpital de Cayssiols :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 344 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : "En cas de danger imminent, attesté par le certificat d'un médecin ou par la notoriété publique, les commissaires de police à Paris, et les maires dans les autres communes, ordonneront, à l'égard des personnes atteintes d'aliénation mentale, toutes les mesures provisoires nécessaires, à la charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au préfet qui statuera sans délai" ;
Considérant qu'en vertu de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " ...doivent être motivées les décisions qui restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police" ; et que, selon l'article 3 de la même loi, la motivation ainsi exigée "doit comporter l'énoncé des considérants de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision" ;

Considérant que l'arrêté du 16 mai 1987 par lequel le maire de la commune de La Fouillade a ordonné d'urgence le placement en observation de M. A. D. à l'hôpital de Cayssiols énonce les circonstances qui ont rendu la mesure nécessaire en se référant à un certificat médical qui décrit avec précision l'état mental de M. A. D. au moment des faits ; qu'ainsi, alors même que le certificat médical n'était pas joint à l'exemplaire de l'arrêté notifié à l'intéressé, cet arrêté satisfait aux exigences des dispositions précitées de la loi du 11 juillet 1979 ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions dirigées contre la "décision" du directeur de l'hôpital de Cayssiols du 16 mai 1987 prononçant l'admission de M. A. D. dans son établissement :
Considérant que la circonstance que M. A. D. et l'hôpital de Cayssiols n'aient pas eu notification de l'arrêté du maire de la commune de La Fouillade du 16 mai 1987 n'a pas eu pour effet, contrairement à ce que soutient l'intéressée, de priver cette décision de caractère exécutoire ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ledit arrêté aurait été pris après le 16 mai 1987 ; qu'il suit de là qu'en admettant M. A. D. dans son établissement le 16 mai 1987 le directeur de l'hôpital de Cayssiols s'est borné à exécuter l'ordre du maire et n'a pas pris luimême une nouvelle décision susceptible de faire l'objet d'un recours contentieux pour excès de pouvoir ; que, dès lors, la requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande ;
Sur la légalité de la décision du directeur de l'hôpital de Cayssiols du 19 mai 1987 :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 333 du code de la santé publique, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : "Les chefs ou préposés responsables des établissements publics et les directeurs des établissements privés consacrés aux aliénés ne peuvent recevoir une personne atteinte d'aliénation mentale s'il ne leur est remis : 1°) une demande d'admission contenant les nom, profession, âge et domicile, tant de la personne qui la forme que de celle dont le placement est réclamé, et l'indication du degré de parenté ou, à défaut, de la nature des relations qui existent entre elles. La demande sera écrite et signée par celui qui la formera et, s'il ne sait pas écrire, elle sera reçue par le maire ou le commissaire de police qui en donnera acte ... 2°) un certificat du médecin constatant l'état mental de la personne à placer et indiquant les particularités de sa maladie et la nécessité de faire traiter la personne désignée dans un établissement d'aliénés et de l'y tenir enfermée ..." ;

Considérant que la décision du directeur de l'hôpital de Cayssiols du 19 mai 1987 constitue une mesure de placement volontaire prise sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 333 du code de la santé publique ; que, par suite, c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que cette décision constituait une simple mesure d'exécution de l'arrêté du maire de la commune de La Fouillade du 16 mai 1987 et qu'ainsi les conclusions tendant à son annulation n'étaient pas recevables ; que, dès lors, le jugement du tribunal administratif de Toulouse, en date du 6 avril 1992 doit être annulé en tant qu'il concerne ladite décision ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme J. B. devant le tribunal administratif de Toulouse ;
Considérant que la requérante fait valoir que la décision de placement volontaire est intervenue à la suite d'une procédure irrégulière au motif que le directeur de l'hôpital psychiatrique de Cayssiols a pris sa décision au vu d'une demande d'admission ne satisfaisant pas aux exigences définies par le 1°) de l'article L. 333 du code de la santé publique ; qu'il est soutenu également que le directeur de l'hôpital s'est prononcé sans être en possession d'un certificat médical répondant aux prescriptions énumérées au 2° du même article ; qu'il y a lieu, avant-dire droit, d'ordonner à l'hôpital psychiatrique de Cayssiols de produire tant la demande d'admission émanant de Mme Ginette Tranier que le certificat médical qui aurait été établi par le docteur Garcia ou un autre praticien ; que toutefois, s'agissant de ce dernier document, le respect du secret médical s'oppose à ce que le juge administratif en prenne directement connaissance ; que l'hôpital de Cayssiols doit, par suite, et indépendamment de la production de la demande d'admission précitée, donner communication du certificat médical susanalysé à la requérante qui vient aux droits de M. A. D., selon des modalités compatibles avec les prescriptions du code de déontologie médicale afin de lui permettre d'en révéler elle-même le contenu au juge administratif en vue de l'exercice par celui-ci de son contrôle de la légalité externe de la décision de placement volontaire ;
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 6 avril 1992 est annulé en tant qu'il rejette comme irrecevable la demande de Mme J. B. dirigée contre la décision du directeur de l'hôpital de Cayssiols du 19 mai 1987.
Article 2 : Avant-dire droit sur les conclusions de la demande de Mme J. B. dirigées contre la décision du directeur de l'hôpital de Cayssiols du 19 mai 1987, il est enjoint au directeur de l'hôpital de Cayssiols dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, d'une part, de produire la demande par laquelle Mme Ginette Tranier a demandé le placement dans son établissement de M. Alfred Dardenne, d'autre part, de procéder à la communication au médecin que M. J.B. désignera du certificat médical au vu duquel a été prise la décision susmentionnée du 19 mai 1987.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme J. B., au centre hospitalier spécialisé de Cayssiols, au maire de la commune de La Fouillade et au ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 1 ss
Numéro d'arrêt : 138054
Date de la décision : 23/06/1997
Type d'affaire : Administrative

Analyses

49-05-01 POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ALIENES.


Références :

Code de la santé publique L344, L333
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel R153-1, 6
Loi 79-587 du 11 juillet 1979 art. 1, art. 3


Publications
Proposition de citation : CE, 23 jui. 1997, n° 138054
Inédit au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Lafouge
Rapporteur public ?: Mme Maugüé

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:138054.19970623
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award