Vu la requête enregistrée le 20 mars 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentée par M. Mokrane X... demeurant ... ; M. X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 16 février 1995 par lequel le conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 janvier 1995 du préfet des Bouches-du-Rhône décidant sa reconduite à la frontière ;
2°) annule pour excès de pouvoir cet arrêté ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Mary, Maître des Requêtes,
- les conclusions de M. Abraham, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la recevabilité d'un moyen s'apprécie à la date à laquelle il est soulevé devant le juge de l'excès de pouvoir et non à la date à laquelle ce dernier statue sur son bien-fondé ;
Considérant que, pour ordonner, par application de l'article 22-I-3° de l'ordonnance du 2 novembre 1945, la reconduite à la frontière de M. X..., le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur ce que l'intéressé s'était maintenu sur le territoire français plus d'un mois après que lui eut été notifié le refus opposé, le 16 mai 1994, à sa demande de certificat de résidence en qualité de visiteur ; que, pour contester l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X... invoque l'illégalité du refus de titre de séjour dont il avait, dans le délai du recours contentieux, demandé l'annulation au tribunal administratif de Marseille ; que l'exception d'illégalité ainsi soulevée alors que le pourvoi dirigé contre ce refus de titre de séjour était encore pendant devant le tribunal administratif reste recevable après le rejet dudit pourvoi par un jugement devenu définitif faute d'avoir été frappé d'appel ;
Considérant qu'aux termes de l'article 7 a) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 dans sa rédaction résultant du premier avenant du 22 décembre 1985 : "Les ressortissants algériens qui justifient de moyens d'existence suffisants et qui prennent l'engagement de n'exercer, en France, aucune activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention "visiteur"" ; qu'à la date de la décision du 16 mai 1994 refusant à M. X... un certificat de résidence en qualité de visiteur, le père de l'intéressé, qui avait accepté de le prendre en charge, disposait de revenus annuels supérieurs à 140 000 F pour subvenir aux besoins d'une famille de quatre personnes ; qu'ainsi M. X... justifiait de ressources suffisantes et satisfaisait à la condition posée par l'article 7 a) de la convention franco-algérienne ; qu'il est, dès lors, fondé à soutenir que le refus de titre de séjour qui lui avait été opposé est entaché d'illégalité et ne pouvait légalement servir de fondement à l'arrêté attaqué ; que, par suite, M. X... est fondé à demander l'annulation tant du jugement du 16 février 1995 rejetant sa demande dirigée contre l'arrêté du 12 janvier 1995 ordonnant sa reconduite à la frontière que dudit arrêté ;
Article 1er : Le jugement susvisé du conseiller délégué par le président du tribunal administratif de Marseille en date du 16 février 1995 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 12 janvier 1995 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X... sont annulés.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. Mokrane X..., au préfet des Bouches-du-Rhône et au ministre de l'intérieur.