Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le 26 septembre 1994 et le 26 janvier 1995 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la société arboricole et fruitière de l'Agenais dont le siège social est ... ; la société arboricole et fruitière de l'Agenais demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 25 juillet 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté sa demande dirigée contre le jugement du tribunal administratif de Bordeaux en date du 15 décembre 1992 qui avait lui-même rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser la somme de 2 038 457,01 F avec intérêts de droit en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de l'interruption par le ministère de l'agriculture et de la forêt du programme de plantation de taillis à courte rotation dit "programme Eucalyptus" ;
2°) de régler l'affaire au fond ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 35 000 F au titre des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Vu le décret n° 63-766 du 30 juillet 1963 modifié par le décret n° 88-905 du 2 septembre 1988 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. de Lesquen, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Tiffreau, Thouin-Palat, avocat de la société arboricole et fruitière de l'Agenais,
- les conclusions de M. Chantepy, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que la société arboricole et fruitière de l'Agenais a recherché la responsabilité de l'Etat en raison de l'interruption en 1985, puis de l'abandon en 1987, du programme dit "Eucalyptus" auquel elle a participé en sa qualité de pépiniériste ;
Considérant que l'arrêt attaqué décrit avec précision les conditions dans lesquelles l'Etat avait encouragé et financé un programme expérimental de plantation d'eucalyptus et, notamment relève d'une part que " ... les termes employés par le ministre de l'agriculture dans sa circulaire en date du 18 janvier 1985 ... traduisaient la prudence dont il convenait de faire preuve et l'absence de certitude quant à la réalisation des objectifs", d'autre part "que les personnes impliquées dans ce projet, notamment les pépiniéristes, avaient été informées du caractère expérimental du programme et du risque que ferait courir aux plantations d'eucalyptus une température inférieure à - 15 degrés" ; qu'en déduisant de ces constatations que l'Etat n'avait pris aucun engagement de mener ce programme à son terme et n'avait pas induit en erreur les professionnels en leur donnant des indications erronées ou des assurances non suivies d'effets, la cour administrative d'appel s'est livrée à une appréciation souveraine des faits qui n'est entachée d'aucune dénaturation, et n'est dès lors pas susceptible d'être discutée devant le juge de cassation ;
Considérant qu'en estimant que l'Etat n'avait commis de faute ni dans la mise au point ou l'exécution du programme ni en mettant fin à celui-ci " ... en raison des graves dégats causés par le gel aux plantations pendant l'hiver de l'année 1985, qui se sont renouvelés en 1987 ...", la cour n'a entaché son arrêt d'aucune erreur de qualification juridique ;
Considérant qu'après avoir souverainement apprécié que la société requérante ne pouvait ignorer les risques que comportait le programme et qu'elle devait normalement envisager l'éventualité d'un abandon du projet, la cour n'a pas méconnu les règles qui régissent la responsabilité sans faute de la puissance publique en en déduisant que l'Etat ne pouvait pas être condamné sur ce fondement en raison des conséquences onéreuses résultant pour la société requérante de la réalisation d'un risque auquel elle s'était sciemment exposée ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société arboricole et fruitière de l'Agenais n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux en date du 25 juillet 1994 susvisé ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à la société arboricole et fruitière de l'Agenais la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : La requête de la société arboricole et fruitière de l'Agenais est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société arboricole et fruitière de l'Agenais et au ministre de l'agriculture et de la pêche.