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16/06/1997 | FRANCE | N°158969

France | France, Conseil d'État, 5 / 3 ssr, 16 juin 1997, 158969


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin 1994 et 3 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, dont le siège est situé ... ; l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris demande au Conseil d'Etat d'annuler un arrêt en date du 31 mars 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 octobre 1992 la condamnant à verser à Mme X... une indemnité de 789 500 F

en réparation du préjudice résultant de sa contamination par le ...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 1er juin 1994 et 3 octobre 1994 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, dont le siège est situé ... ; l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris demande au Conseil d'Etat d'annuler un arrêt en date du 31 mars 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Paris a, d'une part, rejeté sa demande tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 23 octobre 1992 la condamnant à verser à Mme X... une indemnité de 789 500 F en réparation du préjudice résultant de sa contamination par le virus de l'immuno-déficience acquise, et d'autre part, réformant ledit jugement, a porté cette condamnation à 1 039 500 F ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Foussard, avocat de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de Mme X...,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
Considérant que pour retenir sa responsabilité à l'égard de Mme X..., la cour administrative d'appel a estimé que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris avait commis une faute en ne procédant pas au test de dépistage du virus de l'immuno-déficience humaine préalablement à l'intervention subie par la malade le 29 juin 1985 ; que le test Elisa permettant le dépistage du virus, n'était disponible sur le marché que depuis le 21 juin ; que compte tenu de la brieveté de ce délai et de ce que l'utilisation de ce test n'a été rendue obligatoire, par un arrêté du ministre de la santé en date du 23 juillet 1985 qu'à compter du 1er août 1985, en estimant, au vu de ces faits qu'elle a souverainement appréciés, que l'Assistance publique avait commis une faute, la Cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique ; que ledit arrêt doit, par suite, être annulé ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, l'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie que le Conseil d'Etat, en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987, statue sur les conclusions présentées par Mme X... devant la cour administrative d'appel de Paris du 31 mars 1994 ;
Sur la recevabilité de l'appel incident présenté par Mme X... devant la Cour :
Considérant que si l'article 47 de la loi du 31 décembre 1991 a créé une procédure spécifique d'indemnisation des personnes contaminées par le virus de l'immuno-déficience humaine à l'occasion de transfusions de produits sanguins, cette procédure n'interdit pas à la victime de rechercher la responsabilité de l'auteur du dommage ; qu'elle impose seulement au juge administratif, saisi d'une demande de réparation du préjudice résultant d'une telle contamination et informé de ce que la victime ou ses ayants droit ont déjà été indemnisés du préjudice dont ils demandent réparation, de déduire d'office la somme ainsi allouée du montant du préjudice indemnisable ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le ministre, la requête de Mme X... est recevable ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête de Mme X... :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que l'intervention chirurgicale subie par Mme X... le 29 juin 1985 à l'hôpital Vaugirard à Paris et à la suite de laquelle elle a été contaminée par le virus de l'immuno-déficience acquise exigeait le recours à une transfusion sanguine ; qu'en l'absence de tout autre élément ayant concouru à sa réalisation, le dommage subi par Mme X... du fait de sa contamination par le virus de l'immuno-déficience humaine acquise est uniquement imputable au produit sanguin vicié fourni par le centre de transfusion sanguine de l'hôpital Necker à Paris qui, comme l'hôpital Vaugirard, lieu de l'intervention, n'a pas une personnalité juridique distincte de celle del'administration générale de l'Assistance publique à Paris ; qu'il en résulte que la responsabilité de l'Assistance publique doit être recherchée non sur le fondement des principes qui gouvernent la responsabilité des hôpitaux en tant que dispensateur de prestations médicales mais, au cas d'espèce, sur la base des règles propres à son activité de gestionnaire d'un centre de transfusion sanguine ;
Considérant qu'en vertu des dispositions de la loi du 21 janvier 1952 modifiée par la loi du 2 août 1961, les centres de transfusion sanguine ont le monopole des opérations de collecte du sang et ont pour mission d'assurer le contrôle médical des prélèvements, le traitement, le conditionnement et la fourniture aux utilisateurs de produits sanguins ; qu'eu égard tant à la mission qui leur est confiée par la loi qu'aux risques que présente la fourniture de produits sanguins, les centres de transfusion sont responsables, même en l'absence de faute, des conséquences dommageables de la mauvaise qualité des produits fournis ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que, par un premier jugement du 29 novembre 1991, qui n'est entaché d'aucune irrégularité, le tribunal administratif de Paris l'a déclarée responsable du préjudice subi par Mme X... ;
Sur la réparation :
Considérant qu'il y a lieu, conformément aux dispositions législatives et réglementaires précitées, de tenir compte des sommes allouées par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés pour évaluer l'indemnité mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris dès lors que lesdites sommes réparent le même préjudice que celui dont la requérante demande l'indemnisation ;

Considérant que le tribunal administratif n'a pas fait une inexacte appréciation du montant de la réparation due à Mme X... en l'évaluant à 2 millions de francs ; que, compte tenu d'une provision de 300 000 F versée par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris en exécution d'une ordonnance du juge des référés du 16 décembre 1991, de la somme de 1 210 500 F proposée à Mme X... le 25 juin 1992 par le Fonds comprise dans l'offre totale d'indemnisation de 1 614 000 F faite par le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés au titre de la séropositivité de Mme X..., somme ramenée à 910 500 F pour tenir compte de la provision mentionnée ci-dessus de 300 000 F, le tribunal a fixé, par son jugement du 23 octobre 1992, à 789 500 F l'indemnité restant due par le service public hospitalier ;
Considérant qu'en application des dispositions législatives et réglementaires précitées, le Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles contaminés a informé la Cour que, par arrêt du 12 février 1993 devenu définitif, la Cour d'appel de Paris, saisie par Mme X... le 29 octobre 1992, a porté de 1 614 000 F à 1 750 000 F l'indemnité totale mise à sa charge, cette somme incluant les sommes de 300 000 F et de 789 500 F mises précédemment à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris ; qu'ainsi, compte tenu de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris, l'indemnité due par l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris doit être portée à 1 039 500 F ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 23 octobre 1992, le tribunal administratif de Paris l'a condamnée à verser à Mme X... une indemnité de 789 500 F et que cette dernière est fondée à soutenir que c'est à tort que letribunal a limité à 789 500 F l'indemnité qui lui est due ;
Considérant qu'il y a lieu, en application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991, de condamner l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris à verser à Mme X... la somme de 12 060 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris en date du 31 mars 1994 est annulé.
Article 2 : L'indemnité mise à la charge de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris par l'article premier du jugement du 23 octobre 1992 du tribunal administratif de Paris est portée de 789 500 F à 1 039 500 F.
Article 3 : Le jugement n° 9007122/4 du 23 octobre 1992 du tribunal administratif de Paris est réformé en ce qu'il a de contraire à la présente décision.
Article 4 : L'Assistance publique - Hôpitaux de Paris est condamnée à verser à Mme X... la somme de 12 060 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.
Article 5 : La requête de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris et le surplus des conclusions de l'appel incident de Mme X... sont rejetés.
Article 6 : La présente décision sera notifiée à l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris, à Mme X..., au Fonds d'indemnisation des transfusés et hémophiles et au ministre de l'emploi et de la solidarité.


Synthèse
Formation : 5 / 3 ssr
Numéro d'arrêt : 158969
Date de la décision : 16/06/1997
Sens de l'arrêt : Annulation réduction de l'indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Recours en cassation

Analyses

60-02-01-01-01-02 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICE PUBLIC DE SANTE - ETABLISSEMENTS PUBLICS D'HOSPITALISATION - RESPONSABILITE POUR FAUTE SIMPLE : ORGANISATION ET FONCTIONNEMENT DU SERVICE HOSPITALIER - ABSENCE DE FAUTE -Non utilisation d'un test de dépistage du virus de l'immuno- déficience humaine disponible sur le marché depuis huit jours.

60-02-01-01-01-02 Un hôpital n'ayant pas procédé au test de dépistage du virus de l'immuno-déficience humaine prélablement à une intervention chirurgicale pratiquée le 29 juin 1985, alors que ledit test était disponible sur le marché depuis le 21 juin 1985, n'a pas, compte tenu de la brièveté des délais et de ce que l'utilisation de ce test n'a été rendue obligatoire qu'à compter du 1er août 1985, commis de faute de nature à engager sa responsabilité.


Références :

Arrêté du 23 juillet 1985
Loi du 21 janvier 1952
Loi du 02 août 1961
Loi du 31 décembre 1991 art. 47
Loi 87-1127 du 31 décembre 1987 art. 11
Loi 91-647 du 10 juillet 1991 art. 75


Publications
Proposition de citation : CE, 16 jui. 1997, n° 158969
Publié au recueil Lebon

Composition du Tribunal
Président : M. Vught
Rapporteur ?: Mlle Laigneau
Rapporteur public ?: Mme Pécresse
Avocat(s) : Me Foussard, SCP Waquet, Farge, Hazan, Avocat

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:1997:158969.19970616
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