Vu 1°) sous le n° 168 840, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 1995 et 18 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Jean-Pierre A... demeurant ... ; M. A... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1993 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, a autorisé la société Causse Walon à le licencier pour motif économique ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu 2°) sous le n° 168 841, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 1995 et 18 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Georges B... demeurant ... ; M. B... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1993 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, a autorisé la société Causse Walon à le licencier pour motif économique ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu 3°) sous le n° 168 842, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 1995 et 18 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Marie-Anne X... demeurant ... ; Mme X... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1993 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, a autorisé la société Causse Walon à la licencier pour motif économique ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu 4°) sous le n° 168 843, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 20 avril 1995 et 18 août 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. François Z... demeurant ... ; M. Z... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1993 par laquelle le ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, a autorisé la société Causse Walon à le licencier pour motif économique ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
Vu 5°) sous le n° 168 903, la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 24 avril 1995 et 21 juillet 1995 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Pierre Y... demeurant ... ; M. Y... demande que le Conseil d'Etat :
1°) annule le jugement du 23 février 1995 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 1er décembre 1993 par laquelle le
ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, a autorisé la société Causse Walon à le licencier pour motif économique ;
2°) annule pour excès de pouvoir cette décision ;
3°) à ce que soit ordonnée la production du rapport de la direction régionale du travail ;
4°) à ce que la société Causse-Wallon soit condamnée à lui verser une somme de 12 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code du travail ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Plagnol, Maître des Requêtes,
- les observations de Me Hemery, avocat de MM. Jean-Pierre A..., Georges B..., François Z..., et de Mme Marie-Anne X...,
- de la SCP Masse-Dessen, Georges, Thouvenin, avocat de M. Pierre Y...,
- de Me Baraduc-Benabent, avocat de la société Causse Wallon,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
Considérant que les cinq requêtes susvisées présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;
Considérant que pour autoriser la société Causse-Walon à licencier pour motif économique, MM. Gérard X..., Jean-Pierre A..., Georges B..., François Z..., Pierre Y..., employés en qualité de chauffeurs poids lourds, et exerçant soit des fonctions de délégué du personnel, soit des fonctions de représentant syndical, le ministre de l'équipement et du tourisme a estimé que la société avait satisfait à ses obligations de reclassement ; que la société établit certes avoir effectué des démarches en vue du reclassement de MM. X..., A..., B..., Z..., Y... dans des entreprises extérieures au groupe, avec la mise en place d'une antenne-emploi, grâce à laquelle plusieurs offres de reclassement ont été faites aux intéressés, mais que s'agissant du reclassement à l'intérieur du groupe, s'il n'est pas contesté qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement au sein de la société elle-même, la société se borne à soutenir que les postes disponibles dans les autres filiales du groupe auquel elle appartenait ont été affichés ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que la société ait procédé à un examen particulier de la situation des intéressés et de leur possibilité de reclassement au sein même du groupe en leur adressant des propositions individualisées ; que, faute d'avoir procédé à cet examen prioritaire, la société Causse Walon ne peut être regardée comme ayant, par les seules actions menées en vue de faciliter le reclassement des intéressés à l'extérieur de l'entreprise, satisfait à l'obligation qui lui incombait ; que, par suite, Mme X..., qui a repris l'instance de son mari décédé, et MM. A..., B..., Z..., et Y... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation des décisions ministérielles susmentionnées ;
Sur les conclusions présentées par M. Y... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de condamner la société Causse-Walon à payer à M. Y..., la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : Les jugements du tribunal administratif de Strasbourg en date du 23 février 1995 et les décisions du ministre de l'équipement, des transports et du tourisme, en date du 1er décembre 1993 sont annulés.
Article 2 : Les conclusions de M. Y... tendant à l'application de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme Marie-Anne X..., à MM. JeanPierre A..., Georges B..., François Z... et Pierre Y... et au ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme.