Vu, enregistré le 2 décembre 1996 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le jugement du 22 novembre 1996 par lequel le tribunal administratif de Grenoble, avant de statuer sur la requête par laquelle le préfet de l'Isère défère au tribunal comme prévenue d'une contravention de grande voirie la société routière du Midi pour avoir détérioré une installation souterraine de télécommunications, a décidé, par application des dispositions de l'article 12 de la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1997 portant réforme du contentieux administratif, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :
1°) à compter de la date d'entrée en vigueur de la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996, le fait de détériorer ou de compromettre le fonctionnement d'un réseau souterrain des télécommunications est-il toujours constitutif d'une contravention de grande voirie ?
2°) en cas de réponse négative, la procédure de contravention de grande voirie reste-t-elle applicable pour des faits survenus antérieurement à la date précitée et les déférés en cours d'instruction à cette date doivent-ils être jugés par la juridiction administrative selon ladite procédure ?
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des postes et télécommunications et notamment les articles L. 65, R. 43 et R. 44 ;
Vu la loi n° 96-659 du 26 juillet 1996 ;
Vu la loi n° 96-660 du 26 juillet 1996 ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 et notamment son article 12 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Mignon, Auditeur,
- les conclusions de M. Bachelier, Commissaire du gouvernement ;
1. Le I de l'article 13 de la loi susvisée du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications institue une nouvelle infraction pénale en punissant d'une amende de 10 000 F le fait de déplacer, détériorer, dégrader de quelque manière que ce soit une installation d'un réseau de télécommunication ouvert au public ou de compromettre le fonctionnement d'un tel réseau. Le II de l'article 13 de la même loi abroge notamment les articles L. 69-1, L. 70 et L. 71 du code des postes et télécommunications qui prévoyaient que la dégradation ou la détérioration du réseau souterrain des télécommunications de l'exploitant public ou l'atteinte à son fonctionnement constituaient des contraventions de grande voirie pour lesquelles pouvaient être, d'une part, prononcés des condamnations à des amendes de 1 000 à 30 000 F et, d'autre part, exigé une réparation domaniale. Il résulte de ces dispositions que depuis l'entrée en vigueur de la loi susvisée du 26 juillet 1996, les atteintes portées postérieurement à cette date au réseau souterrain des télécommunications de France Télécom ne constituent plus une contravention de grande voirie.
2. Les dispositions précitées de l'article 13 de la loi susvisée du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications ont eu pour objet de mettre fin pour l'avenir à la protection particulière dont bénéficiaient les biens de l'exploitant public France Télécom, résultant de leur soumission au régime des contraventions de grande voirie dont il n'appartient qu'au juge administratif de connaître, et non d'organiser un transfert de compétence du juge administratif au juge judiciaire. Il suit de là que le juge administratif demeure compétent pour statuer sur les contraventions de grande voirie dont il a été saisi avant l'entrée en vigueur de laloi précitée du 26 juillet 1996 tant au titre de l'action répressive qu'au titre de l'action domaniale.
3. Si les contraventions de grande voirie ne sont pas, compte tenu de leur objet et des règles de procédure et de compétence qui leur sont applicables, des contraventions de police, le principe selon lequel la loi pénale nouvelle doit, lorsqu'elle abroge une incrimination, s'appliquer aux infractions commises avant son entrée en vigueur et n'ayant pas donné lieu à des condamnations passées en force de chose jugée, s'étend aux peines d'amende dont ces contraventions sont assorties. En effet, dès lors qu'elles présentent le caractère d'une punition tendant à empêcher la réitération des agissements qu'elles visent, ces amendes constituent, même si le législateur a laissé le soin de les prononcer au juge administratif, des sanctions soumises au principe de nécessité des peines tel qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 selon lequel "la loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires". Il en résulte que les faits dont le juge administratif a été saisi antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 26 juillet 1996, qui a abrogé l'incrimination prévue par l'article L. 69-1 du code des postes et télécommunications sans assortir cette abrogation de dispositions transitoires, ne peuvent plus donner lieu, après cette date, à une condamnation à une amende par le juge des contraventions de grande voirie.
En revanche, la suppression de l'incrimination prévue par l'article L. 69-1 du code précité ne fait pas obstacle à ce que le juge administratif statue sur l'action en réparation des dommages causés au réseau souterrain des télécommunications de France Télécom dont il a été saisi antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi susvisée du 26 juillet 1996.
Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Grenoble, au préfet de l'Isère, à France Télécom, à la société routière du Midi et au ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications.
Il sera publié au Journal officiel de la République française.