Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 22 mai et 22 septembre 1995, présentés pour M. Claude X..., demeurant ... ; M. X... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'arrêt du 19 mai 1994 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 10 juin 1993 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 2 MF en réparation du préjudice résultant de l'illégalité du refus de sa démission des fonctions de praticien hospitalier ;
2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 MF en réparation du préjudice subi avec intérêts au taux légal à compter du 10 décembre 1990 ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 800 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu la loi n° 70-1319 du 31 décembre 1970 ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le décret n° 83-1025 du 28 novembre 1983 ;
Vu le décret n° 84-131 du 24 février 1984 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mlle Laigneau, Maître des Requêtes,
- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. Claude X...,
- les conclusions de Mme Pécresse, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'aux termes de l'article 76 du décret susvisé du 24 février 1984 : "Les praticiens hospitaliers peuvent, sauf lorsqu'ils font l'objet d'une procédure disciplinaire, présenter leur démission. Si le ministre de la santé ne s'est pas prononcé dans le délai de trente jours à compter de la réception de la lettre de démission, la démission est réputée acceptée" ;
Considérant que par l'arrêt attaqué, en date du 19 mai 1994, la cour administrative d'appel de Nancy, statuant sur l'appel formé par M. X... contre un jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 10 juin 1993, a estimé que si la lettre par laquelle M. X..., praticien hospitalier au service des maladies vasculaires et hypertension des hospices civils de Strasbourg, présentait une offre de démission de ses fonctions, était parvenue au directeur de cet établissement à la date non contestée du 6 novembre 1986, ce dernier, dès lors qu'il n'était pas le supérieur hiérarchique de l'intéressé, n'avait pas l'obligation de transmettre une telle offre de démission au ministre compétent ; que ladite cour administrative d'appel a, par suite, estimé qu'aucune décision tacite d'acceptation n'avait pu intervenir avant le 14 avril 1987, date à laquelle le ministre des affaires sociales, de la santé et de la ville a expressément accepté l'offre de démission que M. X... avait de nouveau formulée le 24 février 1987, et que dès lors ledit ministre n'avait, pour se prononcer sur cette offre de démission, pris aucun retard constitutif d'une faute susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat envers M. X... ;
Considérant que le ministre avait, en application des dispositions précitées du décret du 24 février 1984, seul qualité pour accepter l'offre de démission de M. X... ; que si le directeur des hospices civils de Strasbourg était, par suite, incompétent pour ce faire, il lui appartenait, eu égard notamment aux responsabilités qui sont les siennes en ce qui concerne la gestion des personnels d'un établissement hospitalier en application des dispositions de l'article 22-2 de la loi susvisée du 31 décembre 1970 modifiée, de transmettre au ministre compétent la demande de M. X... reçue le 6 novembre 1986 ; que la Cour, en se fondant sur la circonstance que ledit directeur n'était pas le supérieur hiérarchique de M. X... pour estimer que ce directeur n'avait pas l'obligation de transmettre l'offre de démission au ministre, a par suite entaché son arrêt d'une erreur de droit ; que, dès lors, M. X... est fondé àdemander l'annulation de l'arrêt susvisé de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 19 mai 1994 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;
Considérant, d'une part, que si l'offre de démission présentée le 5 novembre 1986 puis renouvelée le 24 février 1987 par M. X... a été transmise au ministre des affaires sociales et de l'emploi par le directeur des hospices civils de Strasbourg seulement le 5 mars 1987, un tel retard fautif n'est pas imputable à l'Etat ;
Considérant, d'autre part, que le ministre n'a reçu cette offre de démission que le 26 mars 1987 et que si la décision d'acceptation prise par le ministre n'a été communiquée à M. X... que le 19 mai 1987, ce retard n'est pas de nature à engager la responsabilité de l'Etat en raison d'une installation différée de M. X... en activité libérale et du préjudice qui en serait résulté, dès lors que cette installation était par ailleurs subordonnée aux résultats d'une expertise demandée par le conseil régional de l'ordre des médecins avant l'inscription de M. X... au tableau de l'ordre dont les résultats n'ont été communiqués que le 22 avril 1987 ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. X... n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à réparer le préjudice professionnel qu'il invoque ;
Sur les conclusions de M. X... tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :
Considérant que lesdites dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à M. X... la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy en date du 19 mai 1994 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Claude X... et au ministre du travail et des affaires sociales.